Fabrique de sifflets. Semaine de la photographie
La reconnaissance par l’Unesco ne rassure pas cette figure emblématique du commerce nancéien. Installé rue Raugraff depuis 30 ans, Fabrice Gwizdak s’inquiète des difficultés rencontrées par les artisans boulangers : prix de l’énergie ou des matières premières, hausse des loyers… S’il devait recommencer, il n’est pas sûr de signer à nouveau.
Son magasin est parfaitement situé. Si Fabrice Gwizdak avait sous-estimé son bonheur, le loyer qu’il paie chaque mois le lui rappellerait. « Depuis que j’ai emménagé ici il y a 30 ans, le loyer a doublé », explique-t-il un peu sèchement. Pendant longtemps, ce poste de dépenses a été son quotidien, au point qu’il a dû faire appel aux services d’un avocat pour faire avancer les choses.
A 57 ans, Fabrice Gwizdak est à la tête d’une entreprise qui change. Le petit magasin de 18 employés est souvent trop exigu aux heures de pointe et la file d’attente déborde souvent sur le trottoir. Cependant, pour suivre le rythme et maintenir des prix compétitifs, le boulanger doit lutter au quotidien. « Nous n’avons aucune visibilité, y compris à court terme, sur les détails de Fabrice Gwizdak. Mes tarifs d’électricité ont doublé en ce moment, ils sont pires, mais je ne sais pas comment sera la situation à la fin de l’hiver. Il en va de même pour les matières premières : farine, beurre, œufs, sucre, tout est devenu plus cher et nous souffrons. Jusqu’à présent, je n’ai pas modifié les tarifs, mais je serai obligé de le faire en janvier. »
Quand il regarde dans le rétroviseur, il ne la voit pas ainsi, sa vie. « Je m’imaginais prendre ma retraite, faire une petite pause après avoir tout sacrifié pour démarrer une entreprise. Je me voyais dans la cinquantaine jouer au golf de temps en temps. En fait, je n’ai jamais autant travaillé qu’aujourd’hui. Depuis, les questions se sont posées : « Si une maison comme la mienne est en difficulté, comment vont les autres ? » Est-ce que je conseillerais à un jeune homme aujourd’hui de s’installer ? Je ne suis pas sûr, mais bravo à ceux qui le font ! »
« J’achète ma farine dans les Vosges »
Fabrice Gwizdak a vu le marché de la boulangerie de centre-ville se dégrader ces dix dernières années. « Lorsque l’offre a été mise en vente, il y avait cinq enchérisseurs. Aujourd’hui, rien qu’à Nancy, une trentaine sont à gagner, et personne n’est pressé. Aux causes économiques qui font grimper les factures, Fabrice Gwizdak ajoute une autre explication : la concurrence des boulangeries de banlieue. Sur le même sujet : Estimation immobilière en ligne : un piège ? Nous avons testé. « Peut-être devrions-nous arrêter cette surconsommation. Quand on a besoin d’une baguette, faut-il partir avec quatre sous prétexte d’une promotion ? Les clients savent-ils ce qu’il cache ? Production pas chère, ouvriers moins bien payés… » Quand les hypermarchés Leclerc ont lancé leur baguette à 29 cents, Fabrice Wwizdak a explosé : « Quel message envoyons-nous au consommateur ? Que les petits boulangers sont des spéculateurs et que leur pain est trop cher ? Qu’on peut se contenter d’une baguette industrielle alors qu’on claironne le commerce équitable, en court-circuit ? Mais, par exemple, j’achète de la farine dans les Vosges ! Et puis je forme des jeunes depuis des années, ça aussi c’est précieux ! Inutile de parler de cacao ou de café quand on parle de commerce vertueux ! La consommation équitable, c’est avant tout une consommation proche de chez soi ! »
Sa peur ? Voyant la disparition du réseau de boulangers artisanaux : « Qu’on ne s’y trompe pas, quand Marie Blachère et compagnie auront fini de coloniser la périphérie, ils viendront s’installer en centre-ville. C’est déjà le cas dans certaines villes du sud… J’espère qu’on ne se fera pas manger par les grands rassemblements, mais si ça continue comme ça, il y a un risque. Alors dans quelques années, on pourrait manger du pain standardisé, qui serait fabriqué à l’étranger, congelé avant d’être cuit sur place… On veut vraiment ça ? Aujourd’hui plus que jamais, les artisans et les entreprises locales doivent être protégés. Quand un artisan disparaît, un peu de vie sociale disparaît. »