Rouen (Seine-Maritime), envoyé spécial.
Une frise représentant la Seine, un nuage toxique autour de Rouen et pas moins de 16 accidents industriels entre 2013 et 2023 (chiffres non exhaustifs) ornent le parvis du palais de justice. Lundi soir, une centaine de personnes se sont rassemblées à l’appel du collectif d’unité rebaptisé Lubrizol, Bolloré and Co, qui réunissait syndicats et associations pour exiger « justice et vérité » sur les risques industriels. L’incendie du 16 janvier à l’entrepôt de Bolloré Logistics à Grand-Couronne, dans la banlieue de Rouen, s’est ajouté à la longue liste des catastrophes. Si le site n’était pas classé Seveso, 12 000 batteries au lithium, 70 000 pneus, palettes et textiles ont été stockés et brûlés dans les parties touchées par les flammes.
Malgré un nuage de fumée impressionnant, la préfecture de Seine-Maritime avait rapidement assuré qu’il n’y avait « aucun risque pour la population », puis communiqué les résultats rassurants des premières analyses. Micro en main, Gérald Le Corre, inspecteur du travail et représentant du syndicat départemental CGT, oppose des arguments de bon sens : « Il suffit d’aller cinq minutes sur le site de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour se rendre compte que le lithium est toxique. La communication devrait être meilleure en 2023 (que pour Lubrizol – NDLR). Mais la préfecture minimise l’accident et ne mentionne pas les risques exposés. Nous voulons une enquête de qualité. (…) Nous savons que c’est par la force militante et par c’est en étant dans la rue qu’on rentre dans les choses !, il décide, et annonce que le syndicat va porter plainte.
La solidarité s’est nouée entre les victimes
Parmi les manifestants, certains avaient collé des messages ironiques sur des cartons « Sauce Bollozol, zéro toxicité, certifiée bio par la préfecture ». Depuis le 26 septembre 2019 et le gigantesque incendie de l’usine Lubrizol et de Normandie Logistique, qui avait vu brûler 9 500 tonnes de produits chimiques, le traumatisme est à vif. Sur le même sujet : Jaguar Land Rover : La tension monte dans les concessions…. Malgré la publication, en fin de semaine dernière, d’expertises complémentaires confirmant que l’incendie avait vraisemblablement démarré dès la première entreprise, des conclusions interprétées différemment par Lubrizol, de nombreuses questions restent en suspens.
« Lubrizol, voulons-nous une retraite avant votre procès » ? demande la pancarte portée par Sébastien Duval, co-président de l’association des victimes. « Il faut relancer la justice sur ce dossier ! », presse-t-il. Qu’il y ait autant d’accidents du travail dans notre secteur montre qu’il y a une faillite de l’Etat. On s’attend à des sanctions dignes de ce nom. Mais en matière de sécurité, les amendes sont extrêmement bas. «
Dans l’adversité, une solidarité s’est formée entre les différentes victimes. Christophe Holleville, secrétaire du syndicat des sinistrés de Lubrizol, s’est rendu chez Bolloré Logistics peu après l’incendie. « J’ai fait une crise d’asthme. Mais à part ça, il n’y a rien de toxique sur le site », s’exaspère-t-il. Il ne comprend pas comment le personnel de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), qui aurait dû être renforcé depuis ce drame, aurait pu être réduit.
« Expliquer aux riverains comment porter plainte »
Simon de Carvalho, coprésident de l’association des sinistrés de Lubrizol, qui habite à 1,5 kilomètre du site, se souvient du mal de tête qui l’a tourmenté en septembre 2019 jusqu’à ce qu’une entreprise spécialisée vienne nettoyer la poussière, qui contient notamment de l’amiante : « Quand ils ont fini « , la douleur est partie. J’ai aussi développé des maladies des globules blancs. Il y a quelque temps, nous avons apporté un nouvel échantillon de « boue » de Lubrizol à l’université, nous aimerions avoir les résultats d’une étude toxicologique cette année », insiste-t-il, précisant qu’il fera le tour de Bolloré Logistics ce jeudi « pour expliquer aux riverains comment porter plainte et les accompagner ». Pour Marie-Hélène Duverger, porte-parole du syndicat Solidaires dans le département, ces sujets ne sont pas étrangers à l’abaissement de l’âge légal de la retraite. Voir l’article : Quand la nature redonne ses droits à l’activité humaine – Toute l’actualité gratuite en un clic. « Il faut rappeler qu’à l’époque de Lubrizol, Elisabeth Borne était ministre de la protection de l’environnement et nous luttions déjà contre une réforme des retraites. Nous savons que ces personnes ont pour habitude de tout minimiser. Il faut donc continuer à se mobiliser. »