Au cœur de la Patagonie chilienne, la route nᵒ7 longue de 1240 km traverse les étendues sauvages et hostiles de l’Amérique du Sud. Le voyage d’une vie pour certains cyclistes, qui demande encore à être bien préparé.
Carretera Austral est la route des antipodes. Construit à l’instigation du dictateur Pinochet entre 1976 et 1989 pour désenclaver le sud du Chili, il coupe les paysages de la Patagonie, entre océan Pacifique et cordillère des Andes. Montagnes inexplorées, végétation dense et fjords : il y a peu d’endroits au monde où les gens ressentent aussi vivement leur pauvreté face à la nature sauvage. Pour le voyageur à vélo, les 1 240 kilomètres cahoteux de la Carretera Austral sont plus qu’un défi, ils sont une immersion dans un univers oublié, composé de violents contrastes de couleur et de climat. Comment bien organiser son voyage ? Quand partir, où dormir ? Quelle matière choisir ? Suivez le guide.
La Carretera Austral en pratique
Itinéraire et kilométrage moyen par jour A voir aussi : Brides les Bains. Salon dédié au bien-être les samedi 24 et dimanche 25 septembre.
La Carretera Austral (ou Route 7) part de Puerto Montt, porte d’entrée de la Patagonie située au nord de la baie d’Ancud. Cette grande ville de 240 000 habitants est accessible en une nuit en bus depuis Santiago. A travers fjords, lacs et montagnes, la Carretera mène ensuite à Villa O’Higgins, à près de 1 250 km. Très proche de l’Argentine, cette ville est une impasse. A une vitesse de 40 à 70 km par jour, un mois suffit amplement pour parcourir la Carretera Austral à vélo. Cette moyenne vous donne l’opportunité de prendre quelques jours de repos et d’admirer la beauté locale. C’est un parcours exigeant qui demande une bonne condition physique : la route alterne chemins goudronnés et rocailleux, et les ascensions sont nombreuses (500 m de dénivelé en moyenne par jour).
Le meilleur moment pour commencer la route est l’été australien, entre décembre et février. La température oscille entre 8°C et 20°C, et le temps est moins humide, même si les pluies sont toujours régulières. Au printemps et en automne, l’itinéraire est praticable, mais attendez-vous à des conditions météorologiques extrêmes, parfois avec de la neige sur les parties les plus élevées.
Manger à Carretera est assez simple. La plupart du temps, vous ne pouvez pas faire 50 km sans trouver un mercado (supermarché) ou un petit restaurant où vous pourrez acheter du jamón, des empanadas ou du queso. Cependant, certaines parties sont abandonnées (Cerro Castillo – Puerto Rio Tranquilo, Cochrane – O’Higgins, etc.), ce qui oblige à transporter plusieurs jours de ravitaillement dans des caisses.
Côté logement, les possibilités sont nombreuses. Cabañas (petites maisons ou appartements individuels), hosterias (hôtels), campings et hospedajes (maisons d’hôtes) fleurissent tout au long du parcours, dans les petites villes comme à la campagne. Le confort et les services proposés (cuisine, douche, Wi-Fi, etc.) varient beaucoup d’un endroit à l’autre, et les prix oscillent entre 5 500 et 17 000 pesos chiliens, soit environ 6 à 20 €. L’accueil des Chiliens est majoritairement bon, l’alpiniste cycliste suscite souvent la sympathie. A cause des parties désertiques, il est nécessaire d’apporter une tente légère et du matériel de bivouac.
Le matériel à emporter
L’équipement pour faire la Carretera Austral est généralement celui de n’importe quel vélo itinérant. Le vélo doit avant tout être aussi léger et solide que possible. La préférence est donnée aux modèles Touring ou Gravel, tant pour leur robustesse que pour leur capacité à évoluer sur de nombreux terrains. Ceci pourrez vous intéresser : Manifestation en ligne contre l’arrêt des fleurs de CBD. Même si un certain prix doit être fixé (minimum 700 – 800 €), il n’est pas nécessaire de choisir des références de plusieurs milliers d’euros. Sur Route 7 vous serez seul pour les réparations : il faut donc savoir poser un patch, remplacer une chambre à air, renouveler une chaîne. Prévoyez donc les multi-outils et lubrifiez.
Côté bagages, ne portez rien sur le dos, tout doit être attaché aux roues arrière et avant (env. 20 kg). Une veste coupe-vent (fluorescente, pour que les véhicules puissent la voir), un casque, des gants, un sac de couchage chaud sont nécessaires. Le tissu en laine est le bienvenu car il dure plusieurs jours sans odeur ni bactéries.
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Se préparer et s’organiser avant le voyage
Les Français séjournant au Chili moins de trois mois n’ont pas besoin de visa. Cependant, vous devez faire attention à la validité du passeport, qui doit couvrir la totalité du séjour. Plusieurs vols quotidiens relient Paris à l’aéroport Arturo Merino Benitez de Santiago du Chili (SCL). Si vous prévoyez d’apporter votre vélo, mieux vaut éviter les arrêts et les changements de compagnie en cours de route. Sur le même sujet : CBD : les industriels demandent une concertation gouvernementale. La solution la plus simple est alors Air France, qui propose généralement 6 à 7 vols directs par semaine (14h de vol). Attention, il vous faudra vous acquitter d’un supplément « bagage vélo » d’une centaine d’euros environ et prévoir l’emballage. Quoi qu’il en soit, arrivez tôt à l’aéroport pour démonter le vélo et le préparer pour le vol.
Le démontage et le remontage des vélos feront également partie du terrain lui-même. Entre Santiago et Puerto Montt et retour de Villa O’Higgins il faudra en effet prendre un bus. De plus, la route s’arrête parfois aux bords des lagunes, il vous faudra donc mettre votre vélo sur le bac pour continuer le trajet. Aucune réservation préalable n’est requise. Enfin, utilisez le temps avant le départ pour pratiquer votre espagnol ou au moins connaître quelques mots et phrases de base. Les habitants de la Patagonie chilienne parlent peu l’anglais.
La Carretera Austral en trois grands parties
De Puerto Montt à Puyuhuapi (420 km, cinq à sept jours)
Dès que vous quittez Puerto Montt, pédalez le long du Golfo de Ancud, relié au Pacifique. S’il n’y avait pas plusieurs volcans à l’est, le paysage rappelle celui du Pays basque au printemps, vert et vallonné. C’est un chemin facile vers La Arena, parfois ça sent fort la boue et la mer. Là, vous devez monter à bord de votre cheval sur le ferry qui mène à Caleta Puelcha.
Cinquante kilomètres plus loin nous atteignons Hornopiren. Toutes ses rues mènent à un immense volcan. Le port surplombe une baie protégée des remous de l’océan, entourée de deux grandes îles sauvages. Le nouveau ferry plus long relie Hornopiren et Caleta Gonzalo.
Entre Caleta Gonzalo et Chaiten le climat devient plus humide. Mélange des saisons : on peut rouler dans une jungle verdoyante et voir la neige à deux cents mètres plus haut. A l’approche de Chaiten, des arbres calcinés bordent la route sur des centaines de mètres, signe d’éruptions passées.
Bien qu’il y ait quelques restaurants et quelques cabañas et hospedajes, il est difficile de voir Chaitén comme une station balnéaire. La ville s’étale sur une jetée qui ne reçoit pas l’océan, à plus de cinq cents mètres. Dans les rues larges et désertes, le trottoir cède souvent la place à d’immenses flaques d’eau.
La route de La Junta remonte entre les montagnes, sur une route rocailleuse. Il se tempère ensuite en retrouvant le Pacifique, sous la forme d’un grand lac, à Puyuhuapi. Sous vos yeux, des navires insouciants et abandonnés, une végétation envahissante et des montagnes tombant dans le fjord.
De Puyuhuapi à Puerto Rio Tranquil (440 km, six à neuf jours)
Juste après Puyuhuapi, direction le parc national Queulat et son glacier suspendu. Une pause bienvenue, puisqu’il vous faudra franchir la Cuesta Queulat (Côte de Queulat), 5 km de lacets et 600 mètres de dénivelé positif. Derrière le col, nous tournons dans une large vallée qui mène à Villa Amengual, un village isolé niché entre les montagnes. Le chemin, enfin, devient facile. Dans un environnement moins océanique, on peut facilement pédaler plus de 70 km par jour.
A l’approche de Coyhaique, il y a de plus en plus de voitures, c’est la plus grande ville après Puerto Montt. Fondée il y a un siècle, elle vise à être le prochain centre touristique du Chili. Son centre accueille des boutiques textiles haut de gamme, et l’office de tourisme célèbre les trésors de la Patagonie à découvrir en 4×4.
L’agglomération est passée, les grandes plaines succèdent aux gorges. Une courte pause, car après avoir traversé la frontière avec l’Argentine, la Carretera Austral entre dans une nouvelle chaîne de montagnes. Il est possible d’y camper, ou de pousser plus loin jusqu’à Villa Cerro Castillo.
La route pénètre alors dans une partie sauvage. Il y a peu d’appartements jusqu’à Puerto Rio Tranquilo, à 120 km. Le vélo se développe sur un chemin entouré d’une végétation dense, dans de larges vallées dominées par des pics escarpés. Ici, les montagnes n’ont pas de nom et il semble que leurs glaciers n’aient jamais été piétinés. C’est un contraste saisissant avec Puerto Rio Tranquilo, un village situé sur les rives de l’immense lac General Carrera et qui développe déjà un tourisme local grâce aux visites des Capillas de Marmol.
De Puerto Río Tranquil à Villa O’Higgins (350 km, trois à six jours)
De Puerto Río Tranquilo, la route mène à travers le paysage de la Sierra jusqu’à Cochrane. S’il fait beau, vous pourrez admirer les eaux bleu-vert de la rivière Rio Baker, les vertes et vastes vallées qui se terminent au loin par les glaciers de Campo Hielo Norte. Le corps est suffisamment entraîné pour venir à bout des ascensions régulières vers un village de 3000 habitants. Dès que l’on quitte la ville, la route revient à l’infinie nature sauvage, constituée de forêts et d’arbres à perte de vue.
Lago Esmeralda, Laguna Larga et Lago Vargas se succèdent jusqu’aux rives du Pacifique qui pénètre au cœur des montagnes. Le dernier ferry permet de traverser le fjord et de se remettre en selle pour la centaine de kilomètres qui mènent à O’Higgins Villa. Ce village, qui ressemble à un campement, est le point final du voyage. Derrière eux se trouvent des lacs, des glaciers et des sommets qu’aucune route n’ose franchir.