Arnaque à la formation : Quand votre CPF alimente une entreprise…

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Publié le 12 avril 2022 07:01 Mis à jour le 13 avril 2022 11:37

 » Catastrophe. C’est ainsi que Frédéric décrit la formation qu’il a suivie début 2021, financée par un compte personnel de formation (CPF). A cette époque, cet ancien formateur en marketing online inscrit à Pôle Emploi souhaitait actualiser ses connaissances pour devenir consultant en digital. Il recherche sur moncompteformation.gouv.fr, le site officiel du gouvernement, une liste de formations auxquelles il peut postuler, et la trouve en ligne avec un curriculum « alléchant ».

Prix ​​: 900 euros. Au menu, des cours de gestion de projet, de création d’entreprise et de transformation numérique. Dès les premières heures de cours, c’est douche froide. Pas de formateur disponible en direct, pas de suivi des élèves, juste des vidéos pré-enregistrées et des leçons PDF.

Le contenu est décevant. « L’industrie en ligne est en constante évolution et la plupart des formations numériques étaient obsolètes. Par exemple, on nous avait parlé du réseau social Google+ alors qu’il était fermé depuis 2019 ! Il a exprimé son mécontentement quant à l’organisation de la formation, qui l’a laissé sans réponse. « J’ai perdu mon temps et mon argent avec CPF », se lamente-t-il avec irritation. Il n’est pas le seul dans ce cas.

Un marché de dizaine de milliards d’euros

Certains acteurs du secteur considéraient CPF comme une activité lucrative. Créé en 2015 en remplacement du Droit Individuel à la Formation (DIF), le dispositif permet de cumuler des droits à la formation tout au long de sa vie professionnelle. A partir de 2019, le CPF est facturé en euros, et non plus en heures, ce qui facilite grandement l’engagement en formation. Lire aussi : Kawasaki VERSYS 650 2016 à 5490 € à PARIS 10 – Occasion. Chaque année de travail au moins à mi-temps cotise jusqu’à 500 EUR sur le compte – ce montant est limité à 5.000 EUR. Des sommes qui ne peuvent être utilisées que pour la formation, comme par exemple améliorer vos compétences Excel, progresser en anglais, passer un bilan de compétences ou encore passer votre permis de conduire.

Selon la Caisse des dépôts qui l’exploite, 38,8 millions de Français disposent d’un compte CPF (il est créé automatiquement pour tous les avoirs). Les salariés du privé disposent en moyenne de 1 573 € pour cela (les fonctionnaires sont toujours crédités d’heures de formation, pas d’euros).

Même les adolescents et les retraités s’agitent !

Ce marché, d’une valeur de plusieurs dizaines de milliards d’euros, aiguise les appétits. En témoigne l’acquisition commerciale prématurée que vivent les Français, par SMS, téléphone, mail ou sur les réseaux sociaux. Au bout de la file d’attente ou derrière l’ordinateur, des joueurs qui n’ont parfois rien à voir avec le secteur de la formation. « Ils font autant d’appels que possible sans savoir qui ils vont frapper, espérant en attraper quelques-uns. » Même les adolescents et les retraités s’agitent ! note Laurent Durain, directeur de la formation professionnelle et des compétences à la Caisse des dépôts.

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Des comptes vidés à leur insu

Très souvent, un agent prétend travailler pour un site Web officiel, une agence gouvernementale ou un centre de formation. Lire aussi : Toutes les marques attendues pour Hypercar jusqu’en 2024 (photo). En effet, « les trois quarts de ces appels ne viennent pas de France », explique Laurent Durain.

Sur un ton alarmant, un agent ou un SMS vous informe que vos droits sont sur le point d’expirer et vous invite à vous inscrire à une formation pour les exercer avant qu’il ne soit trop tard – alors qu’en fait ils pourront être utilisés tout au long de votre carrière. « Certaines personnes utilisent la publicité du CPF pour vous demander vos informations personnelles (email, nom, adresse, etc.) en vue de les revendre ou de les acquérir ultérieurement à des fins qui n’ont rien à voir avec la formation. » explique Mikael Charbit, Directeur de la Certification chez France Compétences, l’autorité nationale qui assure notamment le financement principal du CPF et la reconnaissance des diplômes.

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Mais la tromperie peut aller plus loin. Dans certains cas, l’agent propose à son interlocuteur de l’aider à créer un compte. Grâce aux coordonnées (par exemple, le numéro PESEL) que ce dernier lui fournit, il prend le contrôle de son profil. Son but : inscrire l’interlocuteur à une formation à son insu, afin d’en bénéficier.

La Caisse des dépôts estime que 15 000 comptes ont été victimes de fraude depuis 2019. Cela représente un détournement de 15 millions d’euros sur les 4,5 milliards d’euros dépensés. Les chiffres « Plus de 2 millions de formations dispensées via CPF en 2021 sont à relativiser, rassure Laurent Durain. C’est un phénomène qui reste extrêmement marginal par rapport à la taille du marché. »

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Des formations au prix gonflé

Dans d’autres cas, les agents font pression sur leurs interlocuteurs pour qu’ils s’inscrivent à de vraies formations, mais dont le prix est gonflé par rapport au service rendu. Voir l’article : Vendre des voitures d’occasion, attention à la triche ! | Achat – LaTribuneAuto.com. De quoi faire une belle marge.

Mais comment expliquer que sur la plateforme officielle, créée par le gouvernement, il y ait des formations de piètre qualité et hors de prix ? Pour y figurer, les formations certifiantes doivent être agréées par des organismes certificateurs… mais pas toujours très prudents : « Pour des raisons commerciales, certains certificateurs privilégient le nombre de partenaires à leur qualité ou ne se sentent pas concernés par les pratiques de leur réseau de partenaires, » tonne Arnaud Portanelli, co-fondateur de la formation linguistique with Lingueo, à l’origine de la certification Lilate. Avec son associé Guillaume le Dieu de Ville, il a lancé mi-février le CPF permanent, un collectif de lutte contre les mauvaises pratiques et la fraude au CPF.

D’autres formations, officiellement dédiées à la création d’entreprise, sont répertoriées sur le site officiel. Ils sont non certifiants et donc moins contrôlés. « Certains exploitent cette lacune pour lancer des formations de piètre qualité qui n’ont souvent rien à voir avec la création d’entreprise », explique Arnaud Portanelli.

Les choses changent. A partir de 2022, seuls les organismes de formation certifiés par Qualiopi apparaissent sur le site officiel. Sept critères doivent être remplis pour être éligibles, notamment « assurer un suivi et un soutien adaptés aux apprenants » ou « prendre en compte les évaluations et les recommandations des évaluations pour améliorer les services ». Depuis février, date d’entrée en vigueur de la mesure, le nombre de séances d’entraînement sur la plateforme a été divisé par deux pour atteindre… 200 000.

Est-ce une garantie que toutes les formations sont désormais de qualité ? Non. « Le certificat ne porte pas sur la qualité de la pédagogie, mais plutôt sur le cadre procédural, la transparence des méthodes d’apprentissage et des acquis », précise Mikael Charbit.

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Des cours accompagnés d’un cadeau ou d’argent

Un autre type de tromperie se développe. Sur les réseaux sociaux, les posts promettent des avantages si vous vous engagez dans telle ou telle formation, offrant en cadeau un smartphone, une tablette, un ordinateur, un bon cadeau d’une valeur de plusieurs centaines d’euros… voire une partie de la somme dépensée en espèces ! Et il n’est pas rare que des influenceurs, souvent issus de la télé-réalité et suivis par des millions de personnes, fassent la promotion de ces pseudo-lignes directrices.

Le problème : « Ces prétendues aubaines sont illégales », prévient Laurent Durain. CPF est une mission de service public financée par les efforts des entreprises, pas une grande enseigne qui fait des ventes privées ou des offres pour attirer les clients. »

Sur les réseaux sociaux, des comptes offrent une compensation (cash money, chèques cadeaux, etc.) si vous dépensez du CPF.Capture d’écran

Il note que ces offres se multiplient depuis l’automne 2021. « Si un usager engage son CPF dans une telle offre, il devient complice du crime et s’expose à des poursuites », prévient le directeur de la formation professionnelle et des compétences à la Caisse des dépôts.

Si un usager s’estime trompé, il peut demander à la Caisse des dépôts d’examiner son dossier afin qu’elle lui restitue l’argent « perdu ». Dans les cas où un apprenant est « compliqué » par un pseudo-formateur qui le remercie par des cadeaux, l’institution est beaucoup moins susceptible de re-réserver son compte s’il se plaint de la formation.

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Mais Laurent Durain veut en être sûr : « Ces pratiques prendront fin très bientôt avec les premières condamnations et mises en examen. Toutes arnaques confondues, l’institution a déposé une quarantaine de plaintes contre des entreprises se présentant comme des organismes de formation. L’affaire est en cours.

Se renseigner sur l’organisme de formation

Or, selon la Caisse des dépôts, le bilan du CPF est très positif. « Ce dispositif, avec sa plateforme simple d’utilisation et pratique, a permis à des groupes de population éloignés de la formation de monter en compétence », précise Laurent Durain.

L’entraîneur Arnaud Portanelli regrette que les arnaques « déshonorent toute la profession d’entraîneurs professionnels et sèment le doute chez ceux qui voudraient s’entraîner ».

Comment se retrouver, puisque le site moncompteformation.gouv.fr compte à ce jour pas moins de 200 000 formations ? Avant de s’engager, mieux vaut se renseigner en se rendant sur le site internet de l’organisme de formation, en regardant ses informations légales, numéro de Siret, nom du représentant légal… « Si l’adresse de résidence d’une entreprise notoire est à Champs-Elisée, attention. Elle aurait tout aussi bien pu louer une boîte aux lettres », prévient Mikael Charbit. Nous entrons l’adresse de l’entreprise dans Google Maps pour voir où nous atterrissons. « C’est comme ça qu’on a débusqué le faux Centre de formation d’apprentis (CFA) », se souvient-il.

Des avis douteux

Les sites Web des organismes de formation affichent parfois des commentaires de prétendus clients. La prudence est de mise : ceux-ci peuvent être faux… et écrits par les créateurs du site eux-mêmes !

Nous avons effectué le test en visitant le site Web d’une organisation recommandée par un influenceur de télé-réalité avec plus d’un million de followers sur Instagram. Nous lisons des critiques rassurantes et flatteuses avec des photos de ceux qui les ont postées et leurs noms. Le soi-disant Laurent raconte : « La formation […] m’a permis d’apprendre à utiliser le réseau dans un environnement professionnel. Grâce à eux, j’ai obtenu un poste de community manager. Je recommanderais fortement ! Un Yuan a dit : « La formation en gestion m’a bien servi dans l’accomplissement de ma mission. De cette façon, j’ai réussi à atteindre les objectifs fixés par mes supérieurs. »

Des avis présumés laissés sur le site d’un organisme de formation recommandé par un influenceur de télé-réalité. Capture d’écran

Le problème : en capturant leur photo et en faisant une recherche inversée sur Google, on tombe sur d’autres avis qu’ils prétendent avoir… mais sur plusieurs sites (notamment un dentiste et photographe de mariage au Vietnam) et la plupart du temps sous des noms différents ! De quoi douter sérieusement de l’authenticité de ces commentaires.

On retrouve les mêmes photos de personnes qui laisseraient un avis sur l’organisation de la formation sur des sites qui n’ont rien en commun et sous d’autres pseudonymes.

Guillaume le Dieu de Ville, co-fondateur de Lingueo et du CPF pour de bon, conseille plutôt de regarder les avis sur Google (et de cliquer sur les profils qui ont laissé des commentaires pour voir s’ils semblent authentiques) ainsi que ceux déposés par d’anciens élèves sur le plateforme Moncompteformation.gouv.fr.

Bientôt la fin du démarchage intempestif ?

Autre réflexe à adopter : réfléchir avant de s’engager et comparer l’offre (et son prix) avec d’autres similaires. « Divisez les frais de formation par le nombre d’heures passées avec le formateur. S’il semble détaché de la réalité, c’est parce qu’il l’est… » pense Arnaud Portenalli.

Et si on nous le demandait par téléphone ou par Internet ? La Caisse des dépôts recommande de ne pas donner suite. S’il s’agit d’un SMS, évitez de cliquer sur le lien et envoyez le SMS au 33 700, une plateforme de lutte contre les spams par SMS, créée entre autres par à l’initiative des opérateurs mobiles. Si c’est un appel, raccrochez. Quant à l’e-mail, ne cliquez pas dessus et n’y répondez pas. Vous pouvez signaler un abus d’acquisition sur SignalConso.gouv.fr et vous inscrire auprès de Bloctel pour le limiter.

Dès qu’ils sont dénoncés, les abus commerciaux sont poursuivis, indiquent les ministères du travail et de l’économie. Le service de renseignement financier TRACFIN a mis en place une Cellule Fraude du CPF.

De plus, ces demandes prématurées pourraient bientôt arriver à leur terme. L’eurodéputée LREM Catherine Fabre a décidé de s’attaquer au problème. Le 10 février, elle dépose une proposition de loi interdisant, sous peine de poursuites, l’agitation par SMS, téléphone ou e-mail concernant des formations financées par le PCF. « Que la majorité soit réélue ou non, je pense que la proposition pourra être examinée après les élections législatives de juin et, espérons-le, entrer en vigueur d’ici la fin de l’été. Et elle le sait : beaucoup de Français n’attendent que ça.