Assurance téléphonique : soupçonnée de pratiques commerciales…

Written By Sara Rosso

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Des centaines de signalements de consommateurs, deux enquêtes anti-fraude, un procès à venir pour « pratiques commerciales trompeuses »… Mais rien ne semble ébranler la marche d’Indexia, spécialiste de l’assurance et des services téléphoniques.

« J’ai souscrit une assurance SFAM (ex-Indexia) pour un téléphone à 15,99 euros/mois en 2016 dans une chambre SFR », raconte Isabelle, la cinquantaine qui travaille dans le marketing et souhaite rester anonyme.

Mi-2022, elle a été alertée par des prélèvements « douteux ». Elle se rend compte que plusieurs sociétés appartenant à Indexia lui font payer trois à quatre fois par mois sous divers titres pour des services qu’elle prétend ne pas avoir demandés. En six ans, elle dit avoir été débitée d’environ 10 000 euros et avoir reçu 4 000 euros de remboursement, après avoir « harcelé » le service client.

Le groupe (3 000 salariés en Europe) est peu connu du grand public. Leurs marques font pourtant partie du quotidien de millions de consommateurs, via 2 500 points de vente en Europe : SFAM et Celside (assurance des produits multimédias), Cyrana et Foriou (programmes de réduction), Serena, Hubside…

Après avoir commercialisé son assurance avec la Fnac en France entre 2017 et 2019, Indexia a commencé en 2020 à ouvrir des magasins multimédias : Hubside Stores.

Depuis sa création en 2010 à Romans-sur-Isère (Drôme), le volume d’affaires est passé de quelques millions d’euros à plus d’un milliard. Objectif 2023 : 1,26 milliard.

Le groupe veut devenir un leader des unités de location rénovées et développées (drones, scooters électriques, etc.), avec un objectif de 500 Hubside Stores d’ici fin 2023, contre 130 actuellement.

Ces vitrines (et produits) lui permettent de vendre ses services – 8 millions de « clients en gestion » revendiqués – et de « maîtriser le client de A à Z », a expliqué à l’AFP le PDG et fondateur Sadri Fegaier.

Certains de ses partenaires sont de plus en plus prudents. Fnac-Darty, dont Indexia est le troisième actionnaire, n’a pas souhaité renouveler le contrat en France et en Espagne.

Les « conditions financières » de la Fnac « ne nous convenaient pas », répond Sadri Fegaier.

La fin de ce partenariat est intervenue après que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a ouvert une enquête en 2018. Elle a conclu, suite à une perquisition en octobre 2018, que « le mode de vente utilisé dans la commercialisation des produits de la Le groupe SFAM (SFAM Assurances et Programme de Fidélité Foriou) constitue un délit de pratiques commerciales trompeuses ».

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– Ma mère a acheté un téléphone en 2016 pour 68 euros… Au final ça lui a coûté plus de 4.000 euros, raconte Gil Grosson à l’AFP. Après avoir demandé en juin 2022 d’envoyer les contrats correspondant aux prélèvements, il dit s’être rendu compte que la signature sur le contrat original et l’autorisation de prélèvement n’était pas celle de sa mère de 77 ans.

« Il y a des gribouillis » et l’adresse mail à laquelle Indexia aurait envoyé les mentions « n’existe pas », ajoute-t-il. Les frais sont passés de 3,90 euros/mois à près de 180 euros avant que la banque postale ne les bloque pour le retraité.

Pour éviter un procès, le groupe s’est engagé en juin 2019 à indemniser les clients qui en feraient la demande dans un délai de trois mois et à payer une amende dans le cadre d’un règlement punitif. Il s’agit d’une dizaine de millions d’euros, selon une source proche du dossier. Un montant « en rapport avec la gravité des pratiques », selon la DGCCRF. Un montant « rare », estime Raphaël Bartlomé, responsable du service juridique de l’UFC-Que Choisir.

« C’est un calcul qu’ils font par rapport au chiffre d’affaires », précise Sadri Fegaier et pointe le moment de l’ouverture de l’enquête : début 2018 son activité est en plein essor et le fonds qu’il a investi Ardian a rejoint un fonds Rothschild en .le capital du groupe . Ils sont suivis en cours d’année par la Caisse des dépôts et consignations, un établissement public, et le fonds souverain émirati Mubadala.

« Nous avons pris note des critiques qui ont été faites, sachant que les contrats étaient conclus avec nos distributeurs (…) Aujourd’hui au Hubside Store c’est nous qui faisons les ventes », poursuit le PDG, devenu le 58e riche de la France selon les enjeux .

Mais les signalements sont encore nombreux et s’appliquent également aux magasins Hubside. Avec la diffusion des témoignages dans plus d’une dizaine de médias et sur les réseaux sociaux, l’UFC-Que choisir a indiqué à l’AFP avoir reçu « près de 500 nouveaux signalements » depuis septembre.

Le courtier en assurances Arnaud Chneiweiss affirme recevoir « des centaines de plaintes » contestant « la volonté de souscrire une assurance » concernant plusieurs compagnies dont Indexia, qu’il identifie « parmi les acteurs qui posent problème ».

Pour qu’il y ait action en justice contre Indexia, fin novembre, l’avocate Emma Leoty a saisi le tribunal de Paris d’une assignation en justice collective regroupant 61 affaires.

Me Leoty affirme recevoir « presque tous les jours » des appels de consommateurs de tous horizons, parfois « étouffés » par les échantillons.

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Elle a reçu une première condamnation en juillet pour un homme escroqué de plus de 9 000 € sur dix ans. Ce retraité, qui souhaite rester anonyme, a déclaré à l’AFP avoir reçu des remboursements « aussi aléatoires que des prélèvements » pour un total d’environ 7.000 euros, dont certains ont été obtenus « juste avant l’audience ».

« Nous n’avons pas été jugés », a d’abord déclaré à l’AFP Sadri Fegaier, avant de reconnaître, mis en cause à plusieurs reprises, cette peine de mille euros de dédommagement et de frais de justice. Ses avocats ont fait appel.

Très peu de clients sont encore insatisfaits, souligne-t-il, pointant la conquête de « deux millions de nouveaux clients chaque année au niveau européen » et mettant en avant les contrôles qualité.

Mais « combien de Français sont pris au dépourvu ? » Demandez-moi Leoty.

Rien ne semble ébranler le groupe, qui a vu l’expert des télécoms (Altice, SFR) Alain Weill rejoindre le conseil d’administration fin novembre.

Cependant, peu après l’opération criminelle, la DGCCRF a ouvert une nouvelle enquête, les signalements continuent d’affluer.

« Tant mieux pour la DGCCRF de procéder à des contrôles », assure Sadri Fegaier. Son bras droit Jean-Pierre Galera ajoute à cela en disant que c’est le cas de « toutes les grandes entreprises qui font de très, très gros volumes ».

La DGCCRF indique que sa deuxième enquête « a mis au jour des pratiques consistant à tromper les consommateurs qui souhaitent arrêter les prélèvements, résilier leurs abonnements et se faire rembourser les sommes prélevées après la résiliation de leur contrat, que leurs demandes étaient prises en compte voire effectives ».

La DGCCRF a transmis le dossier à l’autorité judiciaire, et le parquet de Paris a annoncé fin août que plusieurs sociétés du groupe et le PDG comparaîtraient pour « pratiques commerciales trompeuses » devant le tribunal correctionnel de Paris. Une date d’audience n’a pas encore été fixée.

Sadri Fegaier affirme ne pas avoir (encore) été cité à comparaître. « Le but aujourd’hui, c’est justement que l’affaire fasse beaucoup de bruit, qu’il y ait beaucoup d’articles et de médias à ce sujet, je vous dis qu’il ne faut pas en faire tout un plat », a-t-il déclaré. – Je suis très calme.

Selon des sources correspondantes, il y a tellement de parties civiles au procès que le choix de la date d’audience a été reporté jusqu’à ce que tout soit enregistré.

Sadri Fegaier ne bronche pas : « vous savez, on aura toujours des critiques, mais la seule chose qui pourra y répondre, c’est de durer dans le temps ».