Ces sujets que les futurs ingénieurs s’imprègnent

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A écouter les écoles, on pourrait facilement penser que les élèves n’ont d’yeux que pour la transition écologique. Les énergies vertes et les modèles industriels à décarboner constituent certainement une part importante de leurs projets. Mais cette génération a bien d’autres problèmes à résoudre. Dès que le choix est donné aux étudiants – à l’occasion d’un travail en équipe, d’une thèse ou, plus instructif encore, des entreprises qu’ils lancent dans les incubateurs d’enseignement supérieur – un large éventail d’idées et de propositions émerge. En miroir de ce qui concerne réellement ces talents et des services qui émergeront demain : santé, bien-être, protection des données, smart cities. Parmi d’autres.

Les sujets abordés par ces étudiants donneraient aux sociologues un précieux éclairage sur une génération dont ils n’ont pas fini de pointer les paradoxes, à la fois engagée et individualiste, hyperconnectée mais en quête de bien-être… Depuis plusieurs années, les écoles d’ingénieurs ont le fameux  » mode projet » leur principale modalité d’enseignement. Au cours de leur cursus (trois ou cinq ans), les étudiants sont souvent amenés à travailler sur une dizaine de projets innovants voire plus. Certains d’entre eux changent de vitesse dès qu’ils estiment qu’un produit ou un service est suffisamment viable pour devenir une entreprise. Alors, dans quels domaines choisissent-ils d’investir ?

IA et fertilisation croisée

On peut dire de Françoise Prêteux qu’elle a un point de vue privilégié sur cette idée bouillonnante, en tant que directrice adjointe de la recherche et du développement économique à l’IMT (Institut Mines-Télécom), qui représente sept grandes écoles d’ingénieurs et abrite pas moins de onze incubateurs aux 170 projets en cours, ce qui en fait le premier réseau en France. Des porteurs de projets qui travaillent sur des thématiques très diverses, que Françoise Prêteux ne souhaite pas trop segmenter : « Notre objectif principal est de favoriser et d’accompagner la fertilisation croisée entre ces domaines. Ceci pourrez vous intéresser : Tarn-et-Garonne : « Conshumeur » et « MaVie services » comme exemples de start-up bien maîtrisées. Parfois, un projet parvient à franchir une barrière technologique qui profitera directement à un autre projet de recherche, sur un sujet très différent à première vue », explique le directeur général adjoint de l’IMT. Les projets incubés ont déjà franchi les premières étapes avant d’atteindre la pré-incubation, « en passant par nos laboratoires et une plateforme d’expérimentation grandeur nature », explique Françoise Prêteux.

« Dans les incubateurs IMT, « chaque start-up doit se trouver dans la convergence d’au moins deux transitions majeures sur trois ». A savoir environnementale, numérique et sociétale. »

Si les projets sont différents, « chaque start-up doit se trouver dans la convergence d’au moins deux transitions majeures sur trois ». À savoir écologiquement, numériquement et socialement.

Premier constat, l’intelligence artificielle est utilisée dans presque tous les domaines : véhicules autonomes, monnaies virtuelles, cybersécurité, agriculture intelligente, aérospatial, supply chain, voire décoration d’intérieur. « L’IA ne peut plus être considérée comme un ‘domaine de recherche’. C’est un outil qui peut s’appliquer à n’importe quel projet, de la simple application numérique aux grands complexes industriels », souligne Françoise Prêteux.

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Recentrage sur l’humain

« La crise du Covid a eu des effets qu’il est impossible d’ignorer sur la nature des projets qui nous sont présentés », note-t-elle. A commencer par la santé, un thème contagieux, selon l’institut Mines-Télécoms, « dont nous observons le dynamisme unanime dans toutes les régions où nous sommes implantés », affirme Françoise Prêteux. Voir l’article : La formation hôtelière ou la transformation radicale d’Eshotel en Ecole Hôtelière de Luxe. Plus généralement, « la perte du lien social pendant les incarcérations nous a fait réfléchir. On assiste à un véritable recentrage sur l’humain, dans la santé ainsi que, plus généralement, dans la redéfinition de ce qui constitue notre quotidien : smart city, smart mobility etc. .

« La crise du Covid a eu des effets impossibles à ignorer sur la nature des projets qui nous sont présentés. » A commencer par la santé, un thème contagieux »

Dans d’autres écoles d’ingénieurs, on retrouve sans surprise les mêmes thématiques questionnées par de jeunes chefs de projet. Voici trois exemples.

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IA, immobilier et dyslexie

Amélie Jariel, fondatrice de Dyslex’IA et Yourban, diplômée de l’ESTP et de l’EM Lyon Sur le même sujet : En Finlande, les écoliers n’apprendront plus à écrire à la main mais sur des claviers.

Amélie Jariel incarne à elle seule plusieurs des tendances évoquées. A peine sortie de ses études, elle a deux sociétés à son actif, l’une liée à l’éducation (Dyslex’IA), l’autre à l’immobilier (Yourban).

Tout a commencé lors de sa double formation à l’ESTP (Ecole Spéciale des Travaux Publics) et à l’EM Lyon. Amélie Jariel participe à un hackathon (AI for Tomorrow) en plein covid. « Face à tous les soignants et les gens qui se battent en première ligne, je me demandais ce que mes diplômes pouvaient m’apporter », se souvient-elle. A l’époque, le but de ce hackathon résonnait parfaitement avec sa pensée de l’époque : utiliser l’IA pour améliorer la vie des gens… L’ingénieur civil n’est pas expert en la matière, mais trouve chez deux amis des compétences complémentaires aux siennes ; l’un étudie à l’école de commerce, l’autre est fauché en technologie. « Nous avons regardé dans quelle direction aller puis nous nous sommes concentrés sur les difficultés rencontrées par les enfants dyslexiques. » Avec en moyenne un enfant dyslexique par classe, les trois élèves estiment qu’un certain nombre de solutions existent déjà. « En fait non. On sait envoyer des gens sur la lune, pas adapter un contenu pour une personne dyslexique », note Amélie Jariel. S’en est suivi l’idée de Dyslex’IA, une plateforme d’aide aux devoirs qui permet à chaque enfant dyslexique de suivre le même programme scolaire que les autres via un outil qui mobilise une intelligence artificielle complexe.

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« Face à tous les soignants et les gens qui se battent en première ligne, je me suis demandé à quoi pouvaient bien me servir mes diplômes »

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Un outil, des dizaines d’applications possibles

Le projet est lancé, et si Amélie Jariel n’y investit plus (beaucoup) de son temps, c’est qu’une autre aventure l’occupe, plus proche de son domaine d’entraînement : Yourban. « Le secteur immobilier n’en est qu’au début de sa transformation numérique. Il y a beaucoup de choses à faire », précise le candidat à l’ESTP, qui a incubé Yourban à l’EM Lyon. Son constat : « Lorsqu’un aménageur conçoit un quartier, il essaie de s’appuyer sur des sondages pour analyser les attentes des riverains. Mais si tout le monde fait des recherches et donne son avis sur Internet, personne ne prend la peine de répondre aux sondages », souligne-t-elle. Le constat est peut-être clair, mais le projet est ambitieux : concevoir un outil d’analyse des requêtes sur Internet, des commentaires et avis postés… Exemple simple : si plusieurs internautes recherchent un restaurant italien qu’ils ne trouvent pas, le Il est certain qu’une telle entreprise fonctionnerait.

La technologie s’appuie sur l’analyse sémantique des big data, jusqu’à la bien nommée « sentiment analysis » pour tenter de comprendre la nuance des mots… Tout en portant une attention particulière à deux dimensions : l’aspect réglementaire, « parce que nous respectons scrupuleusement les limites du RGPD », mais aussi la consommation énergétique, « veillons à rationaliser les informations que nous traitons, pour ne pas surcharger les serveurs avec des données inutiles », précise Amélie Jariel. La solution est susceptible de répondre aux besoins de nombreux acteurs : les collectivités locales (comprendre les attentes des citoyens de leur quartier), le secteur de l’immobilier d’entreprise (quels types d’entreprises trouveraient leur public, ou pas ?), la gestion des centres commerciaux (quelles marques faut-il saluer ?).

e-réputation des particuliers

A tel point que cette approche d' »innovation by design » – c’est-à-dire centrée sur les usages réels – et les outils de pointe qui ont été développés pourraient rapidement trouver les terrains de l’immobilier trop étroits et être projetés sur d’autres pays. « C’est une possibilité », sourit Amélie Jariel.

Un vrai “ami” sur vos réseaux

Malik Amghar, fondateur de Pro PR Consulting, diplômé d’Efrei

Malik Amghar, de son côté, s’est emparé d’un sujet devenu aussi quotidien que l’alimentation ou l’énergie : les réseaux sociaux. « J’ai eu cette idée lors de mon stage de master, puis je l’ai lancée en pré-incubation à l’Efrei [l’École française de radioélectricité, d’électronique et d’informatique, ndlr] », raconte le fondateur de ProPR Consulting, « le premier outil pour gérer votre réputation personnelle sur les réseaux », comme il le dit. Son constat ? « L’e-réputation est devenue incontournable. Les entreprises savent bien s’occuper de la leur, mais rien n’existait pour les particuliers. Ces gens de tous âges, qui pour certains entassent blogs, Myspace, Facebook, tweets plus ou moins habiles et photos de leurs soirées depuis vingt ans, « sans se rendre compte parfois que tout est encore à leur disposition, qui savent ce qu’il faut ressembler », observe Malik Amgar. Mais les recruteurs, voire les investisseurs ou les clients, savent désormais très bien chercher.

ProPR Consulting a d’abord conçu un outil de nettoyage automatique des réseaux sociaux, « en identifiant les contenus personnels susceptibles de vous nuire », puis un service de suppression de données en cours d’automatisation. Son public cible : toutes sortes de personnes, du simple candidat à un poste ou personnalité publique, aux lanceurs de start-up qui veulent ne pas effrayer leurs clients, en passant par les business angels… Malik Amghar le reconnaît : « En théorie, on peut faire ce travail de nettoyage lui-même, mais il s’avère quand même compliqué ».

Carte de visite zéro papier

« Face à tous les soignants et les gens qui se battent en première ligne, je me suis demandé à quoi pouvaient bien me servir mes diplômes »

Dépoussiérage par puce NFC

Et chronophage. La suppression d’un seul message de l’historique de Twitter peut vous prendre des semaines, passées à envoyer des demandes qui restent sans réponse ; et il a fallu plus d’un mois à l’équipe ProPR pour fermer définitivement la page Facebook d’une personne décédée. « Malheureusement, les réseaux sociaux ont intérêt à garder le plus de comptes ouverts possible. C’est le nombre qu’ils montrent à leurs actionnaires. Valoriser les données est leur premier défi financier », se souvient Malik Amghar. Un problème que les jeunes générations n’ont apparemment pas encore bien saisi… « On pourrait penser que les jeunes sont plus conscients des dangers de partager leur vie sur les réseaux. C’est loin d’être le cas. Les formats actuels incitent fortement à donner un maximum d’informations personnelles. » D’où l’aventure de ProPR Consulting, qui propose de démocratiser et de simplifier les démarches pour un coût de 20 à 30 euros pour le nettoyage automatique d’un réseau social, jusqu’à 100 euros pour la suppression de données personnelles sensibles par son équipe.

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Antoine Payre, co-fondateur de JustOneCard, étudiant à l’Ecole des mines de Nancy

Ici, tout repart d’un constat et d’une remise en cause d’un réflexe que tout le monde connaît : la distribution de cartes de visite. Un engagement professionnel, voire social, qui semblait immuable. « Mais efficace ? se demande Antoine Payre avant de dévoiler les résultats de diverses études menées à ce sujet. Une seule chose suffit à éclairer le projet : 80% des cartes de visite sont jetées dans les deux semaines suivant l’échange.

L’école, un berceau d’idées

Prendre du recul pour considérer un objet aussi répandu n’est pas chose aisée. Ce faisant, cependant, la carte de visite apparaît pour ce qu’elle est devenue : bien datée et un peu anachronique. « Pourtant, le plus important, c’est qu’il peine à remplir sa fonction, à savoir marquer son interlocuteur et créer une opportunité d’affaires », juge Antoine Payre. Même les informations qu’il contient (numéro de téléphone, adresse de l’entreprise, e-mail) semblent soudain dépassées : « Objectivement, il y a peu de chances que quelqu’un vous envoie une lettre par la poste.

« Antoine imagine un système de carte unique (en bois), basé sur un système de puce NFC. A poser simplement contre l’écran du smartphone de l’interlocuteur pour échanger ses contacts »

Nous préférerions partager notre Linkedin, notre Twitter, une boutique en ligne, un compte Instagram présentant nos produits… Ou tout cela à la fois ». Avec un ami qu’il a formé à la technologie, Antoine imagine un système de carte unique (en bois), basé sur un système de puces NFC [le même que pour le paiement sans contact ou tout échange d’informations entre deux appareils connectés, ndlr. remarque]. A poser simplement contre l’écran du smartphone de l’interlocuteur pour échanger ses contacts.

Encore étudiant, Antoine et sa compagne trouvent à l’Ecole des Mines de Nancy un endroit parfait pour se faire conseiller, utiliser un laboratoire technique et même adapter le contenu de leur cours. « Quand on a vu que JustOneCard se développait, on a pris une année sabbatique. On va ensuite passer notre troisième année dans un cursus ‘Entrepreneuriat’, ce qui laisse plus de temps aux étudiants comme nous pour leur business », explique-t-il. sont disponibles (l’un « classique » au prix de 25 euros, l’autre « sur mesure », personnalisable, au prix de 45 euros), tous deux donnent accès à un « gratuit à vie, sur lequel on peut rassembler toutes les données qu’on veut communiquer ». Une application par abonnement arrive bientôt pour ceux qui l’utilisent le plus dans leur vie professionnelle : « L’idée sera de pouvoir noter tous les aspects importants d’un échange, y compris des petites anecdotes personnelles qui permettront d’entamer votre deuxième rendez-vous. sur la meilleure voie », annonce Antoine Payre. Actuellement, 7 personnes travaillent sur le projet. « Nous serons bientôt 11, et probablement 15 bien assez tôt », prédit-il.

Biotechnologie, des étudiants les pieds sur terre

Personne n’était en retard ce matin-là à Sup’Biotech, une école d’ingénieurs spécialisée dans les biotechnologies basée à Villejuif. Lors de ce que l’école appelle le « Salon de l’Innovation », les étudiants étaient invités à présenter un projet entrepreneurial qu’ils peaufinaient depuis quatre ans en groupe, sans négliger aucun détail permettant d’en assurer la faisabilité : scientifique, technique, juridique et basé sur les plus analyse détaillée éventuelle du marché et du comportement. Mettre fin à des projets non destinés à devenir des entreprises ; du moins pas tous.

En biotechnologie, les projets dédiés à la santé et à l’agroalimentaire occupent naturellement une place de choix. Premier exemple avec DME, pour Detect My Endo, un groupe de quatre étudiants qui prennent une matière trop délaissée à leur goût, l’endométriose, une pathologie qui touche presque une femme sur dix, cause de douleurs intenses (notée à 7, 8/10) et stérilité pour 40% des personnes concernées. Un à un, les étudiants dévoilent les dimensions scientifiques du projet, et bien au-delà – quel est l’état de l’art de la recherche sur l’endométriose ? Quels sont les obstacles à une meilleure prise en charge ? Quels coûts potentiels pour la sécurité sociale ? – avant d’aborder le cœur de leur innovation : faciliter le diagnostic grâce à un biomarqueur adapté. Sans oublier le suivi psychologique et l’accompagnement des patients dans les mois qui suivent. Pour monter le projet, l’équipe a pu compter sur le soutien actif – sous forme de conseil et de mise à disposition d’un laboratoire – de chercheurs du CNRS.

ENSIIE

Dans le domaine de la santé, Digi’Skin se démarque également en concevant des peaux synthétiques personnalisables pour les amputés – le groupe note qu’il en existe plus de 65 millions dans le monde. Le projet mobilise des expertises scientifiques de pointe, et surtout diverses : biomécanique, orthopédie et intelligence artificielle, entre autres. Les trois étudiants qui le portent ont trouvé plus d’une oreille attentive et ont noué plusieurs partenariats avec des centres de recherche pour débuter leurs expérimentations.

La biotechnologie peut aussi être dédiée à l’énergie, comme avec Filtergy (premier prix à Biomim Expo en 2021), qui propose aux grandes entreprises et aux collectivités locales un système ingénieux pour convertir leurs eaux usées en énergie.