Isolé sur la dernière ligne de la crête de la Côte-Rôtie, le vignoble Devay cultive sa discrétion, sur ses 5 hectares de vignes qui entourent la maison familiale, formant un écrin où la nature a repris ses droits. C’est dans cette vallée préservée sur les hauteurs de Saint-Roman-en-Gal, près de Vienne, que naissent les cuvées de charme, désormais présentes à la carte de bon nombre de restaurants étoilés. La Bouitte, le Flocon de Sel, Jean Sulpice, Marc Veyrat, La Pyramide, le Clos des Sens, ou encore Cheval Blanc à Saint-Tropez sont quelques-uns des établissements qui ont dû changer de ligne pour donner de l’espace à ce nouveau domaine, dont les vins labellisés en IGP Collines Rhodaniennes ne respectent pas les normes.
Le projet fou d’un radiologue et d’une orthophoniste passionnés de vin
Tout est parti d’une idée folle, qui est venue bouleverser la vie trépidante de la famille Fournet, bien implantée dans ce bout de l’Isère, et l’entêtement d’un ami vigneron, Pierre-Jean Villa, qui l’a poussée jusqu’au bout. du rêve. Tout autour de la maison, une végétation naturellement sauvage a colonisé le paysage de manière désordonnée. « Vous devriez planter des vignes. Ceci pourrez vous intéresser : Combattre la faim et l’insécurité alimentaire | Biden annonce un plan ambitieux de 8 milliards de dollars. C’est un sol d’ardoise, parfait pour nos cépages. » Une phrase jetée au vent. Et pourquoi pas?
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Jean-Charles Fournet, radiologue, et son épouse Florence, orthophoniste diplômée depuis du DUTO (diplôme universitaire de technicien en œnologie), s’y sont installés il y a près de vingt ans. Cette propriété du XVIIIe siècle, ancienne maison de retraite de l’archevêque de Vienne, était alors entourée de nombreux bâtiments agricoles et de 21 hectares de terres. « Au départ, nous n’avions pas forcément envisagé de créer un vignoble avec tout ce que cela implique. C’était avant tout un projet esthétique. Personnellement, j’aimais l’idée de réhabiliter des friches, de se réapproprier la nature. Je pensais que ce serait un beau voyage pour nous, dit Florence. Nous voulions planter des vignes et produire des bouteilles pour les amis et la famille, poursuit Jean-Charles. Les premiers rangs, alignés sous la maison le 1er avril 2015, marquent le début de l’aventure, qui prend bientôt une tout autre tournure.
De prestigieux vignerons anges-gardiens au chevet du domaine Le Devay
Les vignerons locaux défilent alors en cortège pour observer ces néophytes en blouse blanche qui ne leur ressemblent pas tout à fait. Jean-Michel Gerin, Christine Vernay, Yves Gangloff, Thierry Germain – des grands noms du vignoble – sont leurs premiers anges gardiens, fans de la première heure, prodiguant leurs conseils tout en observant et enregistrant à leur place les techniques iconoclastes utilisées ici. A voir aussi : Consommation. Mieux manger : pourquoi et comment ?. Paillage des vignes, taille « flux de sève » non mutilante (qui permet une bien meilleure circulation de la sève et surtout préserve la vie de la vigne), plantation de près de 2 kilomètres de haies autour de la propriété avec l’aide du Parc Régional du Pilat (auquel appartient la propriété), vignes mères pour 11 000 porte-greffes, installation de 40 ruches… Les Fournets ont choisi la voie la plus difficile, la plus contraignante, fortement liée à la terre, reliant permaculture, agroforesterie et biodynamie.
En grands perfectionnistes, ils s’entourent des experts les plus pointus dans leur discipline, lisent, parcourent manuels et rapports théoriques, expérimentent, échouent, recommencent… Claude et Lydia Bourguignon, microbiologistes des sols de renommée mondiale, isolent les 5,5 ha de des terres pour la plantation des cépages rhodaniens (Viognier et Roussanne pour les blancs, Syrah pour les rouges). Les meilleures crèches viennent ensuite en relais : Jean-Claude Lapierre en Savoie, les crèches Mistral et Lilian Bérillon dans le Vaucluse. Diversité des plantes et des porte-greffes, la qualité de la sélection est ainsi privilégiée. « Plus la variation génétique est grande, plus la complexité est présente », admet Jean-Charles.
Depuis, la propriété a grandi et s’est structurée. Aujourd’hui, Margaux Vigy (qui a travaillé pour le Domaine Georges Vernay à Condrieu) supervise la vinification, et Romain Bernard, arrivé l’an dernier après plusieurs expériences, dont Bonneau du Martray en Bourgogne, s’occupe du vignoble. Pour autant, les Fournet ne doutent pas de déléguer totalement : la paire travaille à la tâche, toujours très investie et ne compte pas ses heures.
Un millésime 2022 très prometteur, qui fait rêver les amateurs
2022 marque le cinquième millésime. Les efforts commencent à porter leurs fruits, et la réalisation du rêve est en marche ; Les vins Devay – désormais cinq blancs et un rouge – font parler les amateurs comme les professionnels aguerris. Lire aussi : Mangez deux grappes de raisin et obtenez 5 ans d’espérance de vie. Pour étoffer la gamme et répondre à la demande, une petite activité de négoce, l’Annexe du Devay, a même été créée, proposant des vins de Crozes-Hermitage, Côtes-du-Rhône, Côte-Rôtie et Condrieu.
Les vignerons des appellations voisines sont toujours fascinés par les pratiques cisterciennes entretenues ici ; Gerins, Montez, Vernay et leurs amis de la vigne ne manquent pas de déguster ces vins ciselés, minéraux, frappés par la résonance de l’ardoise, à la salinité particulière. « On imite » rigole Jean-Charles, qui ne joue pas le match pour la médaille ni ne revendique son agroforesterie. « Nous plantons des arbres », dit-il laconiquement.
Les 500 pommiers produiront du cidre dans deux ans, des taureaux viendront un jour bientôt compléter l’écosystème, et bientôt 5 hectares de friche seront consacrés au houblon pour produire de la bière. Dans ce coin de nature aux portes de la petite cité gallo-romaine, la vie en osmose est une réalité. C’est une maison ouverte, et une table toujours généreuse, qui invite passionnés et voyageurs de passage à découvrir. Sommeliers, cavistes, importateurs viennent de tous horizons pour voir cet étrange domaine où décidément on ne fait rien comme tout le monde.
Superficie totale : 5,5 ha
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Cépages : viognier (1,10 ha), roussanne (1 ha), syrah (3 ha)