Je t’ai lu. Toute la semaine, par dizaines chaque jour, je vous reçois dans ma boîte aux lettres. Comme allongé sur le canapé imaginé entre nous, placé en toute confiance, d’une manière qui continue de me faire sentir spécial, vous avez encore joué le jeu de la libre association, d’une histoire intime qui vous surprend même, par son émerveillement. , révélation lucide, surtout pleine de sens. Vous me livrez courageusement, sans fard et sans détours, vos histoires édulcorées, une délicieuse ivresse, suivie parfois d’une matinée de déception, tout le temps où la honte vous saisit le matin, à l’heure où la même qu’une mauvaise surprise mentir à tes côtés.
Tu me souffles aussi des fragments traumatisants de ton enfance trempés dans l’odeur de la bière de ton père, oncle ou grand-père, de cette voiture qui zigzague quand tu rentres tard le soir, tu es sur la banquette arrière, effrayé, l’odeur de ce vin dépanneur qui n’a pas réussi à empêcher le meurtre de ta mère.
Vous me faites aussi rire de la haute description de tous vos rituels amoureux, empreints de sensualité à faire rougir Eros lui-même, ainsi que de vos rencontres avec les substances divines. Du « pop » de la bouteille de champagne au « clic » de la canette de bière, du jazz en fond sonore, au vin naturel de la vie comme expérience culturelle, pleine, vivante, tu me parles de désir et de pureté. joie
Je peux t’imaginer danser sur le sol entre deux tireurs, dominant une vie que tu ne savais pas encore fragile, à cet âge que tu avais. Je garde une trace de vos refus croissants et du nombre de verres par nuit par semaine. Je tremble avec toi dans le choc alcoolique qui n’est plus joyeux, mais qui nous tire du lit, sous le matelas, chaque matin, avec des yeux noirs, des cœurs qui hurlent, un maquillage qui ne cache rien. J’ai admiré tes mois de sobriété, compté des années avec toi, aimé lire des bijoux tels que : « Je suis passé de l’esprit au spirituel. »
Je ressens avec toi le vertige de ton vide, envie de te parler du mien aussi, de ces autres personnes qui m’ont raconté les trésors qu’ils ont trouvés à toutes les fois où ils ont osé puiser. Tu m’as parlé de cramoisi : cramoisi par tonne, cramoisi par baril, la vie à toute allure, mais aussi cramoisi pressé, quand on arrive au bout de tout.
« Dans cet univers faible et encombré, un matin, un jour et je ne me lève jamais. Les saisons se sont estompées. Mon ombre s’est enfuie. Ma santé mentale a disparu. Les vannes cèdent et je suis submergé. », écrit Jean.
Le fond du vide, divin pour certains, juste existentiel ou lumineux pour d’autres, le genre de fond qui ne se trompe pas, c’est de ce fond que tu m’as le plus parlé. Pour certains d’entre vous, ce fonds est tapissé du visage de vos enfants, que vous ne voulez plus éviter, encombrer, gêner. Pour d’autres, l’essentiel est la fin de la honte, la fin de l’esclavage, quelque chose comme la liberté. Pour d’autres, il s’agit simplement d’être présent-au-monde, d’aller « vent », d’affronter la vie qui n’est que la vôtre, la seule que vous ayez.
Je veux te dire que je suis avec toi, dans cette énième tentative de repousser le plus de jours possible en endurant la soif assez longtemps pour voir ce qu’il y a de l’autre côté. J’avais ces mots de Desjardins : « Derrière la dune, c’est l’océan » en tête, en lisant ta peur que tu ne peux pas traverser le soir, sans ouvrir une bouteille.
Tu m’as aussi parlé de la nécessité de « casser », de ne pas « tout savoir tout le temps sur tout ce qui nous tue », de l’hégémonie de la morale qui finalement… donne envie de boire. Vous avez décrit ce cercle vicieux liant performance de vie et anxiété, à l’alcool, et performance de vie constatée le lendemain, à l’anxiété, et alcool constaté le soir, etc. Vous me parlez de ces parents exigeants et de ces femmes, surtout, qui « vivent la vie à bout de bras, avec un petit verre, un petit verre », comme une récompense, une halte, où, enfin, quelque chose peut être sauvé, vivre sur un autre mode que celui qui alourdit la tête et l’existence devenue compliquée.
Vous m’avez parlé d’équilibre, de patience lors de longues pauses ou de douces addictions. Tu me parles de la joie de faire la fête, de fêter, de « s’évader » aussi, parce que « c’est peut-être ça aussi la vie, parfois : s’évader » comme si on se laissait prendre par le monde un moment, dans ce renversement complet d’attitude. continuent d’être exigés par nous.
J’ai contemplé avec toi les solitudes que tu dessinais là, comme un cercle froid sur la peau du ventre, au milieu de toi, sous la couche de la honte. J’ai envie de le bercer un peu avec vous, de l’entourer d’indulgence, sans vous en libérer totalement, simplement parce qu’il permet aussi d’arrêter de se mentir, parfois la honte. Il donne parfois ce petit élan pour renverser la vapeur, pour signer un vrai pacte d’amour avec lui-même. C’est parfois la dernière escale avant le fond, dommage.
Cette semaine, vous avez « laissé le vide briller », comme dans la phrase hessoise que l’un d’entre vous m’a dit un jour. Avec votre intelligence et votre courage, vous avez fait de la question du « boire ou ne pas boire » la grande question du sens que nous donnons aux choses que nous vivons.
J’ai accepté tes paroles comme un sacrifice, dans cette conversation sans fin. Ce faisant, nous avons peut-être touché ensemble une autre base, celle du « sous les choses », qui se loge derrière les règles et les guides de bonne conduite, qui n’apaise le cœur de personne avec les coups de la certitude, qui ne vit que dans l’esprit, qui flotte aux mille et une voix d’humeur et d’histoire personnelle.
Des nouvelles de vous
La semaine prochaine, une courte histoire de l’appel de janvier sera publiée dans la section « Des nouvelles de vous ». Lire aussi : Des nutritionnistes résidentiels pour aider les personnes âgées à rester indépendantes.
La semaine prochaine, une courte histoire de l’appel de janvier sera publiée dans la section « Des nouvelles de vous ».