Texte de la décision
COUR DE CASSATION
______________________ A voir aussi : Comment aider le corps humain à s’adapter aux températures extrêmes.
Audience publique du 1er décembre 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1er DÉCEMBRE 2022
M. [O] [K], demeurant à [Adresse 3], a formé le recours no. B 20-22.759 contre jugement no. RG 18/13758 rendu le 9 octobre 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige qui l’oppose :
1°/ à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, dont le siège social est [Adresse 2],
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié à [Adresse 1],
La caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis a formé un pourvoi incident.
Le demandeur au principal invoque, à l’appui de son pourvoi, l’unique moyen de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l’appui de son pourvoi, l’unique moyen de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été transmis au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [K], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat à la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint -Denis, et l’avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats dans l’audience publique du 18 octobre 2022, en présence de M. Pireyre, président, M. Labaune, rapporteur conseiller référendaire, Mme Taillandier-Thomas, doyen conseiller, et Mme Catherine, greffière de chambre,
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée dudit président et des conseillers, après avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Aux termes de l’arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2020), à la suite d’un contrôle de l’application des règles de tarification et de facturation des actes professionnels, la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la caisse) a notifié , le 19 décembre 2016, à Monsieur [K], médecin généraliste libéral (le professionnel de santé), le paiement indu d’un certain montant relatif à la facturation des majorations de nuit et des majorations des dimanches et jours fériés, pour la période de février du 17 septembre 2013 au 20 septembre 2016.
2. Le professionnel de santé saisit le tribunal du contentieux de la sécurité sociale.
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, ci-annexé
3. Aux termes de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les motifs du pourvoi principal, pris dans sa première branche
4. Le professionnel de santé reproche au jugement d’avoir rejeté son pourvoi, considérant qu' »il résulte de l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale que les agents procédant aux contrôles ou enquêtes administratives des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale doit être assermentée et homologuée ; qu’en rejetant le motif de nullité tiré du défaut de serment et d’agrément des agents de la caisse primaire d’assurance maladie au motif qu’ils n’ont procédé notamment à aucune audition, transport ou observation matérielle sur le place, la cour d’appel, en ajoutant des conditions à la loi qu’elle n’a pas, a violé les dispositions précitées. »
5. Les dispositions de l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, qui autorise les dirigeants des organismes de sécurité sociale à confier à des agents assermentés et agréés au titre du conditions fixées par voie réglementaire, ainsi qu’aux praticiens conseils et commissaires aux comptes assermentés et agréés dans les mêmes conditions, la mission d’effectuer toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l’attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de séjour et la tarification des accidents du travail et maladies professionnelles, ne sont pas applicables aux contrôles du respect des règles de tarification et de facturation des actes, prestations, produits, fournitures et frais par les professionnels de santé, les établissements de santé et les prestataires et fournisseurs de services, qui obéissent exclusivement aux dispositions de l’article L. 133 -4 du code de la sécurité sociale et ux dispositions réglementaires prises pour leur application.
6. L’arrêt constate qu’à l’occasion du contrôle administratif de la facturation, les agents de la caisse n’ont procédé qu’à l’exploitation par analyse et recoupement des pièces émanant du professionnel de santé, consistant en ses télétransmissions pour le paiement des prestations et dans ses horaires de service remplis. Il considère que ces agents n’ont donc procédé à aucun acte de vérification ou d’enquête au sens de l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, notamment aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place.
7. De ces constatations et constats, la cour d’appel a précisément déduit que la procédure de recouvrement de l’indu initiée par le fonds n’était pas entachée d’irrégularité du fait de l’absence de justification de l’agrément et de la prestation de serment des agents en charge du contrôle.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.
Par les motifs du pourvoi principal, pris dans sa troisième branche
9. La professionnelle de santé a formulé le même grief lors du jugement, considérant qu’« une décision de justice portant sur une appréciation du comportement humain ne saurait être fondée sur un traitement automatisé d’informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de la personne concernée ; qu’en validant un ajustement se fondant exclusivement sur des données statistiques, la Cour d’appel a violé l’article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, informatique et libertés, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l’article L. 133-4 du code social code de sécurité. «
10. Aux termes de l’article 10, alinéa 1, de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, applicable au litige , aucune décision de justice impliquant une appréciation du comportement d’une personne ne peut être fondée sur un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à apprécier certains aspects de sa personnalité.
11. L’arrêt retient qu’il ressort de l’analyse des télétransmissions du professionnel de santé que ce dernier facturait systématiquement à la caisse des majorations de nuit et des majorations de dimanche et jours fériés en violation des prescriptions de la Nomenclature Générale des actes professionnels, il importe peu que ces télétransmissions analysées dans le cadre du contrôle peuvent faire partie d’un traitement informatisé.
12. Au vu de ces constatations et appréciations, la Cour d’appel en a déduit à juste titre que le traitement des données n’avait pas pour objet d’établir le profil du professionnel de santé destinataire de la décision, ni d’apprécier certains aspects de sa personnalité, la caisse pourrait produire ces données pour apporter la preuve du non-respect des règles de tarification et de facturation fixées par l’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale.
13. Le moyen n’est donc pas fondé.
Mais sur le fondement du pourvoi incident, pris dans sa seconde branche
14. La caisse reproche au jugement d’avoir condamné le professionnel de santé au paiement d’une certaine somme au titre de l’indu, considérant « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en retenant, pour dire justifiées les majorations pendant les périodes de garde, que les actes facturés et payés jusqu’à 15 395,60 euros correspondaient à des actes effectivement effectués en « permanence de soins ambulatoires », après avoir néanmoins relevé que pendant les périodes où il était de garde, M. [K] avait déclaré à l’ARS qu’il effectuait très peu d’actes dans le cadre de la permanence de soins mais qu’il avait facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés , la cour d’appel, qui a statué sur motifs contraires, a violé l’article 455 du code de procédure civile. »
Vu l’article 455 du code de procédure civile :
15. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un manque de motifs.
16. Pour rejeter partiellement la demande du fonds de remboursement des sommes indûment perçues par le professionnel de santé, le jugement retient que ce dernier, pour les périodes où il était en service, n’a pas déclaré à l’agence régionale de santé de se rendre compte que très peu d’actes dans le cadre le cadre de la permanence des soins, mais qu’il facturait de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés. Il ajoute que, pour ces périodes, les actes étaient en réalité réalisés en soins ambulatoires permanents, de sorte que le professionnel de santé était fondé à facturer des suppléments de nuit et de vacances.
17. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui s’est contredite, n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre grief du pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement dans la mesure où elle déclare l’indu correspondant aux majorations facturées à tort d’un montant de 129 724,26 euros pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016, et condamne Monsieur [K] à payer cette somme à la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis, au titre de l’indu, l’arrêt rendu le 9 octobre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
Rappelle, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie à la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Monsieur [K] et le condamne à verser à la Caisse Primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du Procureur Général près la Cour de Cassation, cet arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement infirmé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du 1er décembre deux mille vingt-deux.
CONCLUSIONS À CET ARRÊT
Moyen produit en appel principal par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat, pour Monsieur [K]
M. [K] reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la procédure de contrôle de recouvrement mise en œuvre par la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis à son encontre est régulière ; de l’avoir débouté du fait de sa demande d’annulation de la mise en demeure de payer adressée par courrier recommandé avec accusé de réception le 19 décembre 2016 ; d’avoir rejeté sa demande d’annulation de la décision rendue par la commission des recours amiables de la Caisse primaire d’assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis ; d’avoir déclaré l’indu correspondant aux majorations facturées à tort d’un montant de 129 724,26 € pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016, et de l’avoir condamné à verser à la CPAM de Seine-Saint-Denis la somme de 129 724,26 € pour indu ;
1) Considérant qu’il résulte de l’article L 114-10 du code de la sécurité sociale que les agents chargés des contrôles ou enquêtes administratives des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale doivent être assermentés et agréés ; qu’en rejetant le motif de nullité tiré du défaut de serment et d’agrément des agents de la caisse primaire d’assurance maladie pour ce motif qu’ils n’ont procédé notamment à aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place (arrêt, p. 6 – Sur la régularité de la procédure de contrôle, avant-dernier §), la cour d’appel, en ajoutant à la loi des conditions dont elle ne dispose pas, a violé les dispositions susvisées ;
2°) que la mise en demeure par laquelle est engagée l’action en répétition de l’indu doit permettre au professionnel de santé d’en comprendre la cause afin de pouvoir produire, le cas échéant, ses observations ; qu’en l’état d’une notification d’indu pour « non-respect de l’article 14 de la NGAP », avec un tableau récapitulatif mentionnant le code acte facturé en application de la NGAP, l’éventuel code complémentaire correspondant aux majorations facturées, et le taux de remboursement, qui ne permettait pas au médecin libéral de comprendre la raison pour laquelle les devis complémentaires aux urgences étaient remis en cause (contestation sur la nature de l’urgence au regard de l’état du patient ou de l’horaire, coefficient de majoration, etc.), en rejetant la demande d’annulation de la notification d’indu, la cour d’appel a violé l’article R 133-9-1 du code de la sécurité sociale ;
3) considérant qu’une décision de justice impliquant une appréciation d’un comportement humain ne peut être fondée sur un traitement automatisé d’informations définissant le profil ou la personnalité de la personne concernée ; qu’en validant un redressement fondé exclusivement sur des données statistiques, la cour d’appel a violé l’article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, informatique et libertés, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l’article L 133-4 du code de la sécurité sociale ;
4) considérant que l’article 14 de la nomenclature générale des actes professionnels prévoit une majoration lorsque, en cas d’urgence justifiée par l’état du patient, les actes sont accomplis de nuit ou le dimanche ou les jours fériés, et considérés comme actes de nuit , actes effectués entre 20 h et 22 h. et 8h00 si l’appel au praticien a été passé entre 19h00 et 8h00. et 7 heures du matin ; qu’en considérant les augmentations comme indues au motif inopérant que les actes ont été accomplis aux heures habituelles de l’entreprise, de 10 heures à minuit du lundi au dimanche et les jours fériés, la cour d’appel, qui a ajouté au texte une restriction dont qu’elle n’a pas, violé l’article L 133-4 du code de la sécurité sociale ;
5) Puis enfin et en tout état de cause que le caractère exceptionnel de la consultation dépende de l’urgence au regard de l’état de santé du patient, en se prononçant sur cette question médicale sans recourir à l’expertise technique, la Cour d’appel a violé l’article L 133- 4 du code de la sécurité sociale.
Moyen produit sur le pourvoi incident par SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat, pour la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis
La CPAM de Seine-Saint-Denis reproche à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement déféré sur le montant de l’indu, et statué à nouveau sur ce chef, d’avoir déclaré l’indu correspondant uniquement aux majorations facturées à tort sur le montant de 129 724,26 € pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016 et condamné Monsieur [K] à ne verser à la CPAM de Seine-Saint-Denis que la somme de 129 724,26 € au titre industriel.