Les études épidémiologiques s’accordent : il est possible de protéger ses fonctions de mémoire par des gestes de bon sens. Commencez par être optimiste.
Mode de vie malsain, vieillissement naturel du cerveau, maladie d’Alzheimer… Aussi puissante soit-elle, notre mémoire peut être fragilisée par divers facteurs. Mais bonne nouvelle : « Comme l’ont montré plusieurs études épidémiologiques au cours des dernières décennies, il est possible d’optimiser sa mémoire au quotidien, de ralentir son déclin et même de retarder l’apparition de la maladie d’Alzheimer en adoptant certains ‘rituels’ de santé ». », assure Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille, directeur de la Fondation Alzheimer et auteur du Guide anti-Alzheimer : Les secrets d’un cerveau en pleine forme (éd. Le Cherche-Midi, 2018).
Par exemple, selon une étude finlandaise décrite en mai 2022 dans la revue Personality and Individual Differences, qui impliquait 383 participants âgés de 26 ans et 5 042 autres âgés de 46 ans, il faudrait surtout éviter de sombrer dans le pessimisme. « Le pessimisme affecterait la capacité à être actif et à créer de nouvelles idées, ce qui pourrait accélérer le vieillissement cognitif, et donc le déclin de la mémoire », explique Jutta Karhu, co-auteur de ces travaux.
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Mais surtout, « l’association entre pessimisme et mémoire ne concernait que les 46 ans, pas les 26 ans. Par conséquent, ce trait peut ne commencer à affecter la mémoire qu’après la quarantaine ». sa mémoire serait d’abord une stratégie efficace après 45 ans. Heureusement, comme d’autres études l’ont montré, d’autres gestes peuvent aider à tout âge.
« Le stress inhibe la récupération des souvenirs stockés en mémoire »
Activer le réseau du mode par défaut
Pour obtenir un souvenir au top, il est important de sauvegarder des lieux pour se déconnecter d’Internet. Et pour cause : « la stimulation quasi-permanente de notre cerveau peut entraver le bon fonctionnement d’un ensemble de régions cérébrales qui sont co-activées lors des états de repos. Ceci pourrez vous intéresser : 10 livres sur le bien-être : les meilleurs livres pour se recentrer. C’est le réseau d’états par défaut qui s’enclenche lorsque vous laissez libre cours à votre Pourtant, ce réseau est très important pour la construction de simulations mentales basées sur des souvenirs autobiographiques et des projections dans le futur », explique le neuropsychologue Francis Eustache.
Identifiée en 2001 par le chercheur américain Marcus Raichle (Washington University School of Medicine) et composée de plusieurs régions réparties dans tout le cerveau (cortex cingulaire postérieur, précuneus, cortex préfrontal médial ventral et dorsal, cortex pariétal inférieur, etc.), le mode standard Le réseau est également essentiel au bon fonctionnement des émotions et de l’introspection.
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Préserver la mémoire : dormir bien et suffisamment
Dans des travaux publiés en juillet 2022 dans la revue Sleep, des chercheurs canadiens se sont penchés sur 26 363 personnes âgées de 45 ans et plus, suivies pendant trois ans, dont certaines au cours de l’étude ont développé de l’insomnie, un trouble caractérisé par des difficultés d’endormissement ou des réveils nocturnes fréquents. A voir aussi : Porte-bébé : les bonnes précautions. Résultat : ces derniers avaient 70 % plus de risques de souffrir d’une détérioration de leur mémoire par rapport à ceux qui avaient maintenu un bon sommeil.
Le sommeil est important pour la mémoire à plusieurs égards : « Pendant le sommeil lent [cinquième et dernière phase d’un cycle de sommeil, ndlr] se produisent des rythmes cérébraux spécifiques qui permettent d’établir des connexions entre les neurones et ainsi de consolider les traces neuronales des informations enregistrées ». De plus, le sommeil permet au cerveau de maintenir un certain équilibre nécessaire à un fonctionnement cognitif – et donc mémoriel – optimal », développe le neuroscientifique Thanh Dang-Vu, qui a dirigé cette étude.
Bien dormir pourrait aussi protéger contre la maladie d’Alzheimer : des travaux publiés fin 2019 dans la revue Science ont analysé le cerveau de treize dormeurs et ont montré que pendant le sommeil le liquide céphalo-rachidien qui baigne le cerveau y pénètre puis ressort par vagues, ce qui le rend possible d’évacuer certaines substances favorisant la maladie d’Alzheimer (notamment le peptide β-amyloïde).
« Le sommeil permet au cerveau de maintenir un certain équilibre nécessaire à une fonction cognitive optimale »
Des antisèches dans l’assiette
Il est important de consommer des quantités suffisantes de plusieurs types de nutriments essentiels au bon fonctionnement des neurones. « Les oméga 3 à longue chaîne, présents dans le poisson, mais aussi des antioxydants, comme les vitamines E et C, les caroténoïdes et les polyphénols, contenus dans de nombreux fruits et légumes (orange, citron, carotte, tomate, pastèque, framboise. Lire aussi : René Kègle : « Je veux m’excuser auprès des familles »…) et des vitamines B9, que l’on retrouve dans le chou ou les épinards », précise Cécilia Samieri, épidémiologiste nutritionnelle au Centre de recherche en santé des populations de Bordeaux.
Ces nutriments se retrouvent tous en grande quantité dans le régime méditerranéen (riche en fruits et légumes, poisson et huile d’olive). « Le bénéfice de ce régime pour la mémoire – et le cerveau en général – est largement validé », souligne Philippe Amouyel.
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Dans une méta-analyse publiée en juillet 2022 dans la revue Frontiers in Nutrition, des scientifiques sud-coréens ont passé en revue les résultats de 26 études de cohorte (près de 135 000 participants au total) et de 5 essais cliniques randomisés (895 personnes) qui ont évalué ce régime. Conclusion : Une adhésion élevée au régime méditerranéen était associée à un risque inférieur de 35 % et 39 % de troubles cognitifs légers et de maladie d’Alzheimer, respectivement, par rapport au groupe le moins adhérent.
Cela dit, note Cécilia Samieri, « suivre les recommandations du Programme national nutrition santé [Cinq fruits et légumes par jour, poisson deux fois par semaine… NDLR] est aussi de mise ».
De plus, les compléments alimentaires vendus en pharmacie et sur Internet promettent de booster la mémoire, de retarder les pertes de mémoire ou de prévenir la maladie d’Alzheimer. Mais en 2019, après avoir examiné plusieurs de ces produits, le magazine 60 Million Consumers a conclu que « beaucoup d’entre eux sont inutiles, voire dangereux ». En effet, les autorités sanitaires ne recommandent des compléments alimentaires qu’en cas de carence de certains nutriments indispensables au bon fonctionnement de la mémoire (vitamine D, oméga 3, etc.). Une mauvaise utilisation peut vous exposer à certains risques.
Un surdosage en vitamine D chez l’enfant peut ainsi provoquer « une hypercalcémie (taux excessif de calcium dans le sang), qui peut avoir des conséquences graves, comme des atteintes rénales (dépôt de calcium dans le rein) », prévient l’Anses. Par conséquent, le conseil de consulter votre médecin à l’avance.
© GETTY – © KUCHERAV/ ADOBE STOCK
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Stimuler son cerveau
« Même à l’âge adulte, les activités qui stimulent l’esprit peuvent aider à améliorer la mémoire », soulignent des chercheurs américains dans une étude publiée début 2022 dans la revue SSM – Population Health. L’équipe a analysé les données de plus de 12 000 Américains âgés de 24 à 32 ans. Elle conclut que les personnes qui exercent une profession stimulante qui implique analyse et interactions sociales ont, en moyenne, une meilleure mémoire épisodique (souvenirs) et une mémoire de travail plus efficace.
« Chaque augmentation d’une unité des compétences analytiques commerciales et de l’interaction sociale était associée à une augmentation significative de la mémoire », expliquent les auteurs. Mais il n’y a pas que les occupations stimulantes et les interactions sociales : lecture, apprentissage d’une nouvelle langue, pratique d’un nouveau métier (photographie, couture, etc.), voyages, musées, etc.
« Toute activité intellectuellement stimulante peut aider, surtout si elle nous fait sortir de notre zone de confort », souligne Philippe Amouyel. Et d’expliquer : « Apprendre de nouvelles informations et interagir avec les autres stimule la formation de nouvelles connexions neuronales, qui peuvent compenser la perte neuronale liée à l’âge et ainsi préserver au mieux la mémoire. »
Bouger régulièrement
« L’activité physique assure un bon apport sanguin à notre cerveau et donc son bon apport en oxygène et en glucose. Ce faisant, il favorise un fonctionnement optimal du cerveau et donc de la mémoire », explique Philippe Amouyel.
De plus, l’exercice, et surtout l’endurance, induiraient la libération de protéines bénéfiques pour la croissance et la survie des neurones et donc pour la mémoire (BDNF, VEGF, etc.). Enfin, certains sports qui impliquent l’apprentissage de nouveaux mouvements (danse, tai chi) font directement appel à la mémoire.
Les bienfaits de l’activité physique ont encore été démontrés par une méta-analyse chinoise publiée en août 2022 dans la revue Neurology, qui a analysé les résultats de 38 études impliquant plus de 2 millions de participants au total. En effet, lors de ces travaux, il a été constaté que bouger suffisamment est « significativement associé » à un moindre risque de démence (si l’un des symptômes est la perte de mémoire) et de maladie d’Alzheimer, qui étaient respectivement 17% et 13% plus faibles que chez les personnes sédentaires. .
L’OMS recommande aux adultes au moins 2,5 à 5 heures d’activité d’intensité modérée par semaine (marche, jardinage, etc.) ou 1,5 à 2,5 heures d’activité d’intensité soutenue (jogging, natation rapide, etc.).
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« Il est possible d’optimiser sa mémoire au quotidien, de ralentir son déclin et même de retarder l’apparition de la maladie d’Alzheimer »
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Gérer son stress pour préserver la mémoire
Une méta-analyse brésilienne publiée en 2020 dans la revue Trends in Psychiatry and Psychotherapy l’a confirmé : le stress chronique (lié au travail, aux soucis personnels, etc.) est l’un des plus grands ennemis de la mémoire. Les chercheurs ont examiné les résultats de 13 études portant sur un total de 962 participants. La plupart de ces travaux visaient à mesurer l’effet du stress induit 15 à 20 minutes avant un test de mémoire. Conclusion : « Les études examinées indiquent que le stress nuit à la récupération des souvenirs stockés dans la mémoire », notent les chercheurs.
« Le stress est nocif non seulement à court terme car il réduit la capacité à se concentrer et à enregistrer de nouvelles informations, mais aussi à long terme car il affecte la santé du cerveau », prévient Francis Eustache.
Pour réduire le stress, plusieurs solutions simples peuvent aider : dormir suffisamment, pratiquer une activité physique régulière ou pratiquer une activité relaxante (yoga, méditation, etc.). Une étude américaine de 2021, décrite dans la revue Frontiers in Psychology et impliquant 178 étudiants, a montré qu’une séance de méditation de 25 minutes trois fois par semaine pendant 8 semaines augmente le score mesurant la capacité à se rappeler des informations stockées dans la mémoire de travail à court terme.