Endométriose : « Il est indispensable de changer l’apparence de cette maladie que l’on ne connaît pas encore »

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Il y a près d’un an, le président de la République lançait une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, donnant visibilité et légitimité à une maladie qui touche une femme sur dix en France, avec des symptômes invalidants : douleurs, infertilité, sexualité… Que s’est-il passé depuis ? ensuite? ? La maladie reste méconnue, mal identifiée, mal soignée, il faut toujours sept ans pour un diagnostic, précise Yasmine Cadau, présidente de l’association de patients EndoFrance.

Yasmine Cadau est présidente de l’association EndoFrance, l’une des associations les plus emblématiques de la lutte contre l’endométriose.

Qu’est-ce qui a changé un an après le lancement du plan de lutte contre l’endométriose ?

Ce qui a évolué, c’est la mise en place de filières de soins sur le territoire national. Ils permettront d’améliorer le parcours des patients et de prévenir les errances médicales. C’est le cas en Auvergne-Rhône-Alpes, en Paca, en Nouvelle-Aquitaine, en Bretagne et en Ile de France.

Pas encore, ce qui ne veut pas dire que les équipes ne sont pas mobilisées. Il s’agit de réseaux mis en place sous l’égide des GGD territoriaux pour proposer des parcours de soins. Sages-femmes, médecins généralistes et gynécologues sauront où référer les patients, sachant qu’une montée en compétences des professionnels de la ville est prévue.

Avec une « signalétique » très précise, auront-ils les noms des professionnels formés ?

Oui, car il y a un besoin urgent de diagnostic et d’orientation. Cela se fait via un portail créé par le service régional de santé et un site Web spécial. Chaque région doit avoir construit son secteur d’ici fin 2023. C’est l’un des points les plus importants du plan de lutte contre l’endométriose. Il faut rendre visible le parcours de soins. Peut-être que demain les femmes n’auront pas à attendre sept ans pour un diagnostic.

L’endométriose est si complexe et prend tellement de formes…

Avez-vous vraiment besoin d’une formation spécifique ?

Oui, car l’endométriose est tellement complexe et prend tellement de formes avec des symptômes différents ! Même après un examen d’imagerie… Trop de femmes voient les radiologues s’arrêter à cette affirmation : « Je n’ai pas d’argument pour dire que c’est de l’endométriose car ce n’est pas visible à l’IRM ». Si le professionnel n’est pas formé, il ne procédera pas.

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Qu’est-ce qui a vraiment changé ?

Certaines choses ont évolué, mais pas dans le sens que nous aurions souhaité. Nous avions demandé une enveloppe spécifique pour la recherche. 20 millions d’euros ont été engagés sur une période de cinq ans. Mais j’ai entendu dire par des chercheurs que cet argent était alloué à l’enveloppe budgétaire « Santé des femmes et endométriose », jusque-là appelée « Santé des femmes ». Il n’y a pas encore d’équipe spéciale. Un comité ministériel du 14 février avait également proposé de nombreuses mesures. Depuis lors, il n’y a pas eu de nouvelles. Nous avons relancé le cabinet du ministère de la santé, en vain. C’est vrai qu’il y a eu des élections… Le site d’information qui a été créé fait référence aux associations.

Et qu’en est-il de la formation ?

L’endométriose est désormais inscrite dans les cycles de formation continue et le décret d’inscription en deuxième cycle de formation initiale a été publié, mais il faut dix ans pour former un médecin…

L’affaire Daraï n’aide pas notre cause

En revanche, les femmes sont-elles plus entendues de nos jours ?

Tout dépend des médecins. Certains disent encore que c’est une maladie à la mode, qu’elle évolue. On le voit aussi au niveau de notre association : nous répondons à 50 000 mails par an, contre 45 000 jusqu’à présent.

Nous voyons de plus en plus de jeunes femmes. Ils veulent être orientés, certains ont eu des soins, ont subi plusieurs opérations, mais mal soignés, ils sont sortis d’une consultation sans comprendre ce que le médecin leur a dit. Tout le monde n’est pas empathique, ils n’ont pas le temps…

Quel est votre avis sur le « cas » Daraï, du nom de ce gynécologue de l’hôpital Tenon à Paris, un « pausser » dans la lutte contre l’endométriose qui est aujourd’hui accusé de violences gynécologiques par 32 femmes ?

C’est une affaire qui n’arrange pas notre cas… Sans imaginer ce comportement violent, nous ne l’avons pas référé à lui car beaucoup de femmes nous ont dit qu’il était froid et distant, qu’il les faisait se sentir mal. Personne ne nous a dit qu’ils se sentaient violés. Et certains nous ont dit qu’il leur avait sauvé la vie… ça interroge les professionnels sur leurs pratiques.

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Votre association, EndoFrance, a-t-elle plus de moyens aujourd’hui ?

Nous n’avons aucune ressource, aucune subvention. Ce sont les dons et les cotisations de nos membres, ils sont 2780, qui nous font vivre. Cette année, nous avons pu donner 53 000 euros à la recherche. Depuis 2016, cela fait 310 000 euros.

Y a-t-il du nouveau dans les traitements ?

Non, la prise en charge ne peut être qu’hormonale ou chirurgicale, et il faut y ajouter des soins de support : sport, sophrologie, méditation, cures thermales… C’est grâce à cette alliance que les femmes retrouveront une vie meilleure. Mais il faudra quelques années pour changer radicalement leur quotidien.

Les lycéens nous disent que ce n’est pas qu’un problème de filles

Plus généralement, le discours d’Emmanuel Macron, qui a lancé la stratégie nationale avec ces mots : « Ce n’est pas un problème de femmes mais de société », a-t-il changé quelque chose ?

Oui, on le voit quand on fait des interventions dans les collèges et lycées. La semaine dernière, j’ai vu 330 étudiants. Ils sont très intéressés et les garçons participent beaucoup. Elles parlent de leur sœur, de leur mère… ce n’est pas qu’un problème de filles.

Qu’est-ce qui a la plus haute priorité aujourd’hui ?

La recherche. Tant que nous ne connaîtrons pas les causes exactes de cette maladie, nous ne pourrons pas introduire de traitement efficace. Et attention à l’environnement de travail. Je ne parle pas des congés menstruels, mais des carrières brisées, de l’absentéisme qui conduit parfois au licenciement. En plus de sensibiliser les lycées, je me rends une fois par semaine dans les entreprises. J’ai rencontré des responsables des ressources humaines et des salariés de GRTgaz, Lacoste, Promod, Clarins… Il était temps. Il est impératif de changer le regard sur cette maladie que nous ne connaissons pas encore.