Ce mercredi 1er février, le taux du livret A passe à 3 %, soit un point gagné. S’il fallait faire tourner la métaphore sportive pour expliquer ce que représente cette augmentation, on pourrait évoquer un magnifique but inscrit à la 89e minute… par une équipe menée 3-0. Ça ne fait pas mal, mais ce n’est pas assez. Certes, cela faisait quinze ans qu’elle n’avait pas connu une telle ascension. Mais « en rendement réel – c’est-à-dire ce que rapporte réellement le livret A avec le coût de la vie et l’évolution des prix – c’est l’un des pires niveaux depuis les années 1980 », prévient Philippe Crevel, économiste et président du Cercle des Saveurs.
Car c’est bien beau, un taux de 3%, mais quand l’inflation est de 5,2% sur les douze derniers mois, ça reste léger. Voire contre-productif : « En épargnant sur le Livret A, même à 3 %, vous perdez de l’argent. Techniquement, c’est quand même plus rentable de dépenser son argent maintenant que de l’épargner », explique notre expert. Supposons que vous souhaitiez acheter un produit à 100 euros. Si vous mettez cette somme sur votre livret A pendant un an pour épargner avant de l’acheter, vous disposerez de 103 euros en douze mois… Sauf que d’ici là, votre produit aura « en moyenne » augmenté à 105,2 euros. Vous perdez donc 2,2 euros par rapport à un achat immédiat.
Taux à perte mais succès grandissant
Maxime Chipoy, président de MoneyVox – guide internet d’explication et de comparaison sur les finances personnelles -, dresse le même constat : le taux du Livret A reste très faible dans un tel contexte : « Le gouvernement, anticipant une inflation un peu plus faible dans le futur et ne voulant pas pour pénaliser les banques, une fois de plus n’a pas voulu faire de cadeaux aux épargnants. Voir l’article : Accalmie continue dans la crypto-monnaie Crypto-monnaie. C’était la même chose il y a six mois, quand il a été augmenté d’un point à 2 %. »
Pourtant, le livret A affiche une santé incroyable, 2022 ayant été la deuxième meilleure année de sa longue carrière. La collecte annuelle a atteint, selon les données de la Caisse des dépôts et consignations, 27,23 milliards d’euros. Seule 2012 avait fait mieux (28,16 milliards d’euros), marquée par le relèvement du plafond à 22 950 euros et par la crise des dettes souveraines.
Pourquoi un tel succès ? D’abord parce qu’à moins de dépenser tout son salaire tous les mois et de n’avoir aucun euro à épargner – ce que nous ne souhaitons ni ne vous conseillons -, il est tout de même plus rentable de placer son argent que de le laisser sur son compte courant. Oui, avec le Livret A, vous perdez, mais vous perdez quand même moins qu’à ne rien faire. « Face à l’inflation, il est essentiel de ne pas laisser un euro de trop sur vos comptes courants. N’oubliez pas que plus de 550 milliards d’euros y stagnent, qui ne sont pas du tout rémunérés ! », précise Maxime Chipoy.
Une période propice à l’épargne
Par ailleurs, les périodes de crise économique sont particulièrement propices à l’épargne, convient Philippe Crevel. Décembre dernier est une bonne illustration du fait que les Français se sont mis en mode cigale. Habituellement, les livrets A se vident un peu pour les fêtes, les cadeaux et les plaisirs de la table. Voir l’article : Wanted, le fondateur de la crypto-monnaie Terra affirme qu’il n’est pas en fuite. Comptez cinq sorties au cours des dix dernières années. Mais fin 2022, les Français ont placé 1,45 milliard d’euros de plus sur le plus célèbre des livrets, preuve que la période est à l’épargne.
Et pourquoi ce compte et pas un autre ? En période d’incertitude, on aime les valeurs refuges, surtout ce bon vieux Livret, soutient Philippe Crevel. Le gérant cite une raison plus pragmatique : « La majorité des autres comptes d’épargne gagnent encore moins. » Seule autre épargne qui s’en tire, le livret d’épargne populaire (LEP), « dont le taux sera porté à 6,1 % et auquel pourraient prétendre plus de la moitié des Français ». Un produit indispensable pour eux, mais malheureusement trop méconnu et peu promues par les banques », explique Maxime Chipoy.
Dernière possibilité, l’assurance-vie, dont les tarifs sont également revus à la hausse. Mais pas de quoi bousculer la hiérarchie. Qu’il soit réellement rentable ou non, en temps de crise ou de bonne santé économique, le Livret A confirme, année après année, sa suprématie sur l’épargne. Et ce n’est pas en 2023 que cela risque de changer.