Être hypersensible : un avantage ou un inconvénient ?

Written By Sara Rosso

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Par Evan Giret, Doctorant en Psychologie au 2LPN (EA 7489) de l’Université de Lorraine, Université de Lorraine Publié le 27/04/2022 à 10:39

Certaines personnes sont décrites comme « hypersensibles ». Mais que définit concrètement ce terme ?

Cet article a été initialement publié sur The Conversation.

La sensibilité est un terme qui revient souvent autour de nous – et souvent pour désigner différentes choses. On peut parler de sensibilité relative aux sensations, c’est-à-dire d’une capacité à éprouver des perceptions. On peut aussi parler d’une susceptibilité à être affecté par la moindre action ou agression extérieure, etc.

Et au-delà de la simple sensibilité, certaines personnes sont décrites comme « hypersensibles ». Il s’agit cette fois de suggérer qu’ils sont particulièrement émotifs, qu’ils pleurent facilement sur des films romantiques ou sur des chansons tristes par exemple.

Avec ce terme d’hypersensibilité, qui depuis plusieurs années se répand progressivement dans le grand public, on désigne généralement – en partie à tort – l’hyperesthésie (au sens de « avoir facilement les sens en émoi ») et des émotions intenses anormalement fréquentes. On préférera ici les termes « haute sensibilité » qui s’affranchissent de la connotation péjorative d’excès.

La manifestation de la sensibilité peut être interne, avec une réactivité physiologique ou une émotion, ou externe, avec un geste de représailles par exemple. Elle est toujours liée à un déclencheur, interne (une pensée) ou externe (venant de l’environnement…) appelé stimulus.

Ces stimuli peuvent être de différentes natures : sociaux (appel d’un ami, collègue qui vient nous parler, inconnu qui nous appelle dans la rue), émotionnels (souvenir d’un être cher, câlin de notre animal de compagnie…), physiologiques (estomac qui grogne, accélération du rythme cardiaque…) ou sensoriels (auditif, olfactif, visuel…).

Quels qu’ils soient, nous y sommes exposés quotidiennement et en permanence. Les êtres humains, qui dépendent des ressources environnementales pour survivre, doivent être capables de capter, d’intégrer et de traiter tous ces stimuli pour s’adapter.

Mais à un stimulus donné, nous ne réagissons pas tous de la même manière…

Différences de sensibilité : de quoi s’agit-il ?

La plupart des gens réagissent plus ou moins à l’identique aux mêmes stimuli, ceux qui réagissent plus fortement sont dits plus sensibles. Sur le même sujet : Les actions du Centre Municipal d’Action Sociale de Nice contre la canicule. Plusieurs théories ont tenté de décrire ces différences et elles ont été regroupées en 2016 sous le concept parapluie de « sensibilité environnementale ».

Cette dernière inclut notamment la notion de sensibilité aux traitements sensoriels (SPS, mesuré par le questionnaire d’auto-évaluation HSPS), qui s’apparente, d’un point de vue théorique, à ce qu’on appelle dans le langage courant l’hypersensibilité. Il a été introduit en 1997 par Elaine et Arthur Aron et suggère que la sensibilité est un trait de personnalité caractérisé par :

Ce concept de sensibilité environnementale se veut aussi un méta-trait, c’est-à-dire une dimension de la personnalité d’un ordre supérieur, qui capte et explique en partie des concepts psychologiques existants tels que l’introversion, la timidité, l’inhibition comportementale ou le tempérament réactif.

Cela a des implications fortes, notamment en ce qui concerne les thérapies, le diagnostic clinique des maladies mentales ou encore la recherche de l’origine de certains troubles mentaux.

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La sensibilité élevée souvent associée à des effets négatifs

Historiquement, la recherche sur la sensibilité environnementale s’est concentrée principalement sur les vulnérabilités des individus. A voir aussi : Canicule : 9 conseils pour prévenir et traiter les coups de chaleur. Ces vulnérabilités sont liées à de nombreux facteurs (génétiques, psychologiques ou physiologiques) et conduiront à une plus grande sensibilité aux différents stimuli.

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En d’autres termes, nos caractéristiques internes jouent sur l’effet que l’environnement aura sur nous. Par exemple, si un individu possède une certaine version d’un gène associé à une expression réduite de la molécule de transport de la sérotonine (connue sous le nom d’hormone du bonheur), il est plus susceptible de développer des symptômes dépressifs lors d’événements stressants. Un facteur génétique couplé à des stimuli négatifs peut donc avoir des conséquences néfastes.

Mais nous avons trouvé un biais dans les études menées. Compte tenu de la prépondérance des recherches associant vulnérabilité et sensibilité élevée, la grande majorité des études décrivent des associations entre environnements négatifs (maltraitance des enfants, insensibilité parentale, événements de vie négatifs…), sensibilité élevée et conséquences néfastes de ces derniers (prédisposition aux troubles mentaux ou mauvaise qualité de vie).

Une sensibilité élevée est donc généralement associée à une forme de vulnérabilité, qui apporte très peu de bénéfices au quotidien et favorise l’apparition de complications dans des contextes négatifs. On peut notamment citer les liens entre haute sensibilité et phobie sociale, trouble de la personnalité évitante, anxiété et dépression, stress auto-perçu, agoraphobie, alexithymie et trouble du spectre autistique ou encore difficulté à réguler ses émotions.

Mais sommes-nous vraiment prédisposés à ces conséquences négatives si nous avons une sensibilité élevée ?

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Un avantage adaptatif

La recherche sur l’hérédité de la susceptibilité révèle que les influences génétiques expliquent 47% de sa variance, les 53% restants étant dus à des influences environnementales. Ce qui indique que la sensibilité est un trait héréditaire. A voir aussi : Canicule : 10 bons réflexes à adopter pour se rafraîchir. Cependant, s’il est héréditaire, il doit avoir un avantage adaptatif, même mineur (ou du moins non invalidant), à conserver au fil des générations par la sélection naturelle.

Ce trait peut également avoir été conservé évolutivement pendant longtemps, car il est également présent chez d’autres espèces de mammifères (une mesure valide de la sensibilité chez les chiens est apparue en 2017).

Des simulations numériques et des recherches empiriques suggèrent simultanément qu’une sensibilité élevée serait avantageuse si elle était présente chez 15 à 20 % de la population, ce qui en fait un trait dépendant à basse fréquence. Cela traduit, au sein d’un groupe, le fait que les individus qui le composent peuvent opter pour des stratégies différentes, notamment grâce à leurs différences de sensibilité, pour mieux s’adapter aux variations de leur environnement et être plus attentifs.

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Vers de potentiels bénéfices

Depuis plus d’une décennie, les effets positifs des environnements bénéfiques sur les individus à haute sensibilité ont été davantage étudiés.

En 2015, une étude qui a examiné le lien entre une sensibilité élevée et la réponse à un programme de prévention de la dépression mené auprès d’adolescentes a montré que les personnes sensibles étaient plus réceptives à l’aide offerte. Mieux : les changements étaient significativement plus importants pour les personnes très sensibles.

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En 2018, une autre étude a trouvé un lien entre une sensibilité élevée et la réponse à un programme d’intervention contre l’intimidation en milieu scolaire. Non seulement le harcèlement a diminué de manière significative, mais les personnes très sensibles ont contribué presque exclusivement à ce phénomène.

Ces études suggèrent donc que les individus hypersensibles ont une meilleure capacité d’auto-intégration que les autres, de réflexion ou encore d’apprentissage et de prise de conscience.

Ces résultats sont cohérents avec une étude d’imagerie cérébrale montrant que les individus très sensibles, confrontés à des stimuli émotionnels positifs ou négatifs, ont une activité cérébrale plus importante dans les régions liées à ces capacités (hippocampe, aire pariétale/frontale, cortex préfrontal…).

De plus, lorsqu’ils sont présentés avec des images positives (s’ils ont eu une enfance positive), ils montrent une plus grande activation des zones de calme, de traitement des autres (cortex insulaire) et de réponse de récompense (zone tegmentale ventrale, locus niger et noyau caudal) – quête ‘ dernier en service comme motivation de base pour la survie et qui peut être utilisé pour le plaisir même avec des substances addictives.

Si on leur donne des images négatives, ce sont les régions liées au contrôle de soi (cortex préfrontal médian) et à l’autorégulation cognitive et émotionnelle qui sont hyperactivées.

Tirer le meilleur parti de l’hypersensibilité

La recherche sur la toxicomanie et les troubles de l’humeur a démontré le rôle du cortex préfrontal médian dans la maîtrise de soi, et un contrôle accru des impulsions en réponse à des stimuli positifs est associé à une réduction de la prise de risque et de la dépendance.

Ceci suggère qu’une sensibilité élevée couplée à un environnement de développement favorable serait un facteur de protection contre les addictions : les individus hypersensibles seraient donc moins susceptibles d’avoir des comportements excessifs et problématiques (liés à Internet, aux jeux en ligne ou à l’argent…) ou devenir dépendant après avoir consommé de la drogue.

Toutes ces études s’accordent sur le rôle clé joué par la qualité de l’enfance et l’environnement. Les facteurs environnementaux contribuant à environ la moitié de la variance de la sensibilité, il est nécessaire de limiter les expériences négatives (ou les effets délétères modérés) qui sont exacerbées par le trait de sensibilité.

Identifier correctement le niveau de sensibilité des individus pourrait être utile pour estimer le succès ou l’échec des thérapies et des programmes d’intervention – ce dernier étant un facteur de succès, au point que la recherche en thérapie génique s’intéresse désormais à la psychothérapie personnalisée.

Aider à l’épanouissement des hypersensibles

Les études sur la sensibilité environnementale contribuent donc déjà à expliquer les différences individuelles de développement dans certains contextes et pour les vulnérabilités à certaines psychopathologies. Ils peuvent également permettre une intervention précoce pour prévenir les développements anormaux chez les individus très sensibles tout en les aidant à s’épanouir dans une société moderne qui est une source de stimuli difficiles à gérer.

Ils permettront demain d’éclairer davantage ce trait, tant en termes de mécanismes neuronaux impliqués, qu’en termes d’origine ou d’association avec d’autres troubles.

Une sensibilité élevée, ou hypersensibilité, peut donc être un atout précieux ! Loin d’être un trouble mental, c’est un trait dont le rôle dans les mécanismes d’adaptation à l’environnement est essentiel. La richesse de ses implications évolutives, médicales et sociales est ainsi esquissée dans les nombreux travaux en cours, en psychologie, en biologie génétique et en neurosciences, au point de permettre déjà aux individus intéressés de contourner les jugements souvent négatifs dont ils sont encore trop souvent L’object.