Publié le 23/11/2022 à 11:25.
, mise à jour le 23/11/2022 à 11h25.
« On fait déjà ce qu’on peut pour remplir l’assiette, avant de voir si ça s’équilibre » : face à l’inflation qui pèse sur les plus petits portefeuilles, certains Français peinent à maintenir une alimentation saine, entre légumes hors de portée et retour du gaspillage alimentaire.
Sur son chariot « à moitié plein comme avant », Catherine Garnier, 39 ans, soupire : « Je prends moins de légumes et de viande, plus de pâtes et de pommes de terre ». Aussi à partir de certains produits bio qu’il s’autorise parfois.
Pourtant, il y a du nouveau dans son panier : un paquet de pizzas surgelées, « alors qu’avant on en faisait soi-même », explique la Parisienne maman de 3 enfants, « mais maintenant les ingrédients sont trop chers, c’est plus intéressant d’acheter du tout prêt ».
« Ce n’est pas forcément le meilleur pour la bouffe, mais on fait ce qu’on peut pour remplir les assiettes », a déploré cet employé de la mairie qui estime « avoir un salaire décent ».
Précarité
L’inflation, notamment dans les produits alimentaires (+12 % sur l’année en octobre, selon l’INSEE), risque de réduire la qualité de l’alimentation française. Ceci pourrez vous intéresser : FERMENTALG : Résultats du 1er semestre 2022 : avancement des trois programmes dans un contexte macroéconomique.
Nicole Darmon, directrice de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), s’inquiète notamment de la baisse de la consommation de fruits et légumes, indispensables à une alimentation équilibrée mais « tout devient cher » (+33,9 % en octobre pendant un an pour les légumes frais).
Les experts en nutrition expliquent que cette catégorie d’aliments a longtemps été un véritable marqueur du « statut socio-économique » des consommateurs – le plus souvent marginalisés parmi les moins nantis –, « et non la viande telle qu’on peut la penser ». Mais cela risque de « monter » avec l’inflation.
« Lorsque nous sommes sous de fortes contraintes budgétaires, nous préférons nous tourner vers des sources de calories peu coûteuses comme les féculents raffinés – pâtes, riz, pain blanc – et les produits gras et sucrés », explique-t-il à l’AFP, au risque de ne pas tous les fournir. . « nutriments protecteurs » – fibres, vitamines, minéraux, acides gras essentiels – dont l’organisme a besoin.
« On savait que la malbouffe était un marqueur clair de vulnérabilité, avant même les crises sanitaire et économique, mais l’inflation a exacerbé ce problème », explique Karine Jacquemart, directrice associée de Foodwatch France.
Les Français précaires consomment déjà « trop d’aliments ultra-transformés, qui contiennent souvent moins de nutriments et de fibres, mais trop de sucres cachés », ajoute-t-il.
NON aux régimes, OUI à WW !
« Cheapflation »
Le directeur de Foodwatch France, qui appelle à plus de transparence sur les prix et la composition, a également prévenu : « Avec la flambée des prix de certains ingrédients, le risque est que les industriels soient tentés de les remplacer encore plus qu’avant par des substituts moins chers ». Sur le même sujet : Alimentation : Avez-vous tendance à surestimer la qualité de votre alimentation ?.
Remplacement de « certains produits de base par des substituts moins chers » appelés « appartements bon marché », contraction du « bas de gamme » et « inflation », a expliqué à l’AFP John Plassard, macroéconomiste chez Mirabaud.
Cela consiste, par exemple, à réduire la crème – « l’ingrédient le plus cher » – dans la crème glacée, à substituer le chocolat à l’arôme chocolat, ou encore à réduire la teneur en fromage du parmesan, « en ajoutant des substituts de bois, qui sont tout à fait permis mais qui ont absolument aucun goût », explique M. Plassard.
Cette pratique assez nouvelle, qui trouve son origine aux Etats-Unis, touche aussi l’Europe et « les risques augmentent du fait de l’inflation », dit-il, car « c’est quelque chose qui permet aux grandes marques de maintenir leurs marges ».
Mais « le risque numéro un » pour le consommateur, « c’est la dégradation de son alimentation », présenté avec un produit « nettement moins digeste et souvent beaucoup plus gras », prévient-il. « L’inflation n’est pas qu’un chiffre, elle a des conséquences sur les salaires, mais aussi sur la qualité de la nourriture. »
A terme, l’inflation risque aussi d’amplifier « les inégalités sociales de santé liées à l’alimentation », selon Nicole Darmon, exposant les plus pauvres à « une mauvaise protection contre les maladies cardiovasculaires et le cancer ».