Près du Creusot en Saône-et-Loire, Mickaël et Sylvie, les parents du petit Maël, pleurent leur fils. Victime de harcèlement à l’école, il est déscolarisé depuis deux mois. La supervision académique garantit que la situation est prise au sérieux. Une enquête judiciaire est en cours.
« Un gamin de neuf ans qui te dit qu’il veut se suicider pour t’arrêter ? Ce n’est pas possible », dit Sylvie, « en colère ». Elle est la mère du jeune Maël (nom modifié). Lui et son ami Mickaël, habitants des Bizots près du Creusot, ont contacté France 3 Bourgogne afin de les alerter sur la situation de leur fils, victime de harcèlement scolaire. Un cri d’alarme des semaines après le suicide de Lucas, 13 ans, victime de violences au collège des Vosges.
Des parents ont lancé une première alerte auprès de l’éducation nationale en décembre 2021, lorsqu’ils apprennent que leur fils est victime de harcèlement. « C’est sa sœur cadette, qui venait de commencer la maternelle dans la même école, qui nous a dit cela pour la première fois. Elle nous a dit que son frère était régulièrement battu dans la cour de récréation », raconte Mickaël. Le couple rencontre Maëlen le lendemain et laisse une note dans le livre des obligations deux jours plus tard. Ils contactent également les parents de l’enfant intimidé, mais ils ne se sentent pas entendus. « Tout le monde était choqué, mais les parents pensaient que rien ne se passait. Pour eux, les problèmes devaient être résolus sur la cour de récréation. »
A leur retour de vacances en janvier 2022, Sylvie et Mickaël demandent chaque jour à leur fils de voir si ça va bien. « Mais il en avait marre de demander, alors nous avons arrêté. » Jusqu’à fin mars 2022, lorsque les parents font une nouvelle découverte.
« Un de ses amis est venu me voir, pour me dire que les brimades avaient recommencé, que notre fils avait été battu en classe. Le lendemain, un père m’a appelé pour me dire que notre fils avait des pensées suicidaires », raconte-t-il. devant ses pairs.
« Alors on a compris que c’était très, très grave », racontent les parents. Ils contacteront alors le numéro anti-harcèlement (30 18) et écriront à l’école. « Ensuite, nous découvrons que deux autres familles souffrent de cette persécution. » Ensemble, ils écrivent un mail commun à la direction de l’école et quelques jours plus tard un rendez-vous est organisé. « Après, on a attendu deux mois et fin juin on a rencontré l’éducation nationale. »
Pendant ce temps, la persécution continue. Les parents suivent Maël, un psychologue, qui découvre que le garçon est harcelé depuis près de trois ans dans cette même école.
Fin juin, la réunion a apporté des réponses encourageantes : « Ils nous ont écoutés, avec les autres parents de la victime, l’inspecteur, les professeurs, le directeur de l’école. Ils ont essayé de mettre des choses en place pour que ça s’arrête. » Mais les vacances scolaires d’été arrivent bientôt, et avec la rentrée en septembre…
« Dès le premier jour, rebellez-vous. »
Maël a mal au ventre, mange moins, dort mal. « Notre fils pleurait en rentrant de l’école. Il ne nous a rien dit. » En novembre, Sylvie et Mickaël rencontrent les parents « opposants », le harceleur de l’enfant, l’inspecteur, les enseignants et la psychologue scolaire. Mais la discussion tourne court. « Les parents de l’autre enfant ont dit que notre fils fantasmait. »
Face à une situation qui leur paraît impossible, Sylvie et Mickaël décident de retirer leur fils de l’école début décembre 2022. Depuis deux mois, « on fait l’école à la maison, on y passe les week-ends, les grands-parents de Maël s’occupent de lui la semaine, expliquent les parents. Maël dort mieux et commence à manger un peu plus. « Mais il est quand même inquiet. On n’en parle pas beaucoup. »
L’éducation nationale a lancé un protocole pour assurer la continuité de l’éducation de Maël. « L’inspecteur est régulièrement au téléphone avec les parents », a déclaré à France 3 Janique Frayer-Miettaux, adjointe à l’inspecteur académique du premier degré du quartier de Mâcon.
« Les cours et les exercices sont transmis à la famille, a été prévenu le médecin scolaire. L’enseignante Maëlen travaille deux fois par semaine, à la maison ou à l’école en dehors des heures de classe. »
Il est question de scolariser Maël dans une autre école non loin du Creusot qui est prête à l’accueillir. « C’est ce que nous voulons », explique Janique Frayer-Miettaux, « mais c’est à la famille de décider. » Sylvie et Mickaël réfléchissent, mais ils veulent prendre leur temps. « Les psychologues nous ont dit d’y aller doucement, pas après les vacances de février pour commencer une nouvelle année scolaire en milieu d’année. » Ils sont allés visiter ladite école. Mais ce qui dérange les parents, c’est le sentiment de ne pas être vus comme des victimes.
« Maël aimerait rester dans son école actuelle, et que son intimidateur ne soit plus là. S’il n’y a pas d’autre choix, nous nous conformerons à cela et changerons d’école, ce sera quand même un sacrifice. »
« Mais c’est rageant de voir un enfant victime de brimades devoir gérer ça, aller ailleurs, se réadapter, rétablir un programme scolaire… Alors que le bourreau continue tranquillement d’aller à l’école sans problème. »
De son côté, l’inspection académique se dit bien consciente de la situation. « Je ne remets pas en cause le ressenti des parents, ni la façon dont ils vivent les choses », explique Janique Frayer-Miettaux, tout en précisant : « Il y a de la souffrance des deux côtés ».
L’inspecteur adjoint a expliqué que de nombreuses mesures ont été prises. Il indique que l’alerte a été envoyée en mars 2022. « Maël n’était pas seul, d’autres familles nous ont contactés pour nous expliquer que dans ce petit groupe de CM2 il y avait des problèmes de phénomène de groupe, un dysfonctionnement des relations au sein du groupe.
Comme l’assure Janique Frayer-Miettaux, « depuis, beaucoup a été fait : dans cette classe on est passé à une enseignante à plein temps au lieu de deux enseignantes à temps partiel, tous les enfants convenus par les familles ont été remis à l’école psychologue, et « de nombreuses séances ont été organisées autour de la cohésion, des activités coopératives, pour que les enfants puissent fonctionner de manière plus empathique ».
Il a également précisé qu’une médiation a été instaurée entre les parents de Maël et les parents de l’enfant en question, et que les horaires scolaires ont été aménagés « pour qu’il y ait un minimum de conflits ».
Cependant, Sylvie et Mickaël ne voient pas de solution adaptée. « Nous sommes déçus. Nous aimerions que notre fils retourne à l’école et que l’autre enfant soit parti. Cela montrerait qu’il y a un minimum de reconnaissance, et peut-être aussi que l’autre enfant se rend compte de ce qu’il a fait. »
« Si rien n’est fait, je ne vois pas comment cela pourrait être arrêté. »
Selon les deux parents, cet enfant a également agressé un autre élève depuis que Maël a quitté l’école.
Sylvie et Mickaël ont porté plainte fin novembre, pour « harcèlement ». Contacté, le parquet de Chalon-sur-Saône a indiqué qu’un classement de la plainte prenait « en compte une période basée sur l’âge des protagonistes », mais, au final, le dossier est toujours en cours d’instruction. Une enquête est ouverte.
Actuellement, les équipes d’audit académique de Mâcon sont formées au dispositif PHARE, « grâce auquel nous devrions éviter d’atteindre des situations inévitables ». Mais l’inspectrice académique adjointe, Jannick Frayer-Miettaux, reconnaît les difficultés de ce dossier. La petite taille des classes – six élèves de même niveau dans une classe d’environ 20 élèves – n’arrange pas la situation. « C’est une préoccupation des petites écoles. Il y a des avantages, c’est très familial quand tout va bien. Mais quand c’est un groupe dysfonctionnel, c’est plus difficile à gérer. »
« La situation de Maël nous tient vraiment à cœur », a assuré l’inspecteur adjoint.