« La Seine-Saint-Denis va mieux », la confidence du président du département

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Stéphane Troussel, président de Seine-Saint-Denis, a publié « La Seine-Saint-Denis, la République défiée ».

POLITIQUE – Depuis son élection, en 2012, à la tête d’un des départements les plus pauvres de France, le socialiste Stéphane Troussel fait preuve de sagesse au niveau national. Ce 20 octobre, il publie Seine-Saint-Denis, la république défiée (Ed. de l’Aube). Un livre qui fait le lien entre l’action locale et les ambitions nationales de la gauche.

Il a proposé à son camp de produire plus « collectivement », de renforcer les relations entre « parlementaires, élus locaux et société civile » afin « d’offrir un jour une alternative au pays ». Il a envisagé la vidéosurveillance dans son bureau et a appelé les « éboueurs » des organisateurs d’extrême droite de la manifestation pour Lola prévue jeudi. Entretien.

Vous avez écrit un livre sur la Seine-Saint-Denis, le département qui dirige depuis 2012. Pourquoi faut-il l’écrire avec une dimension personnelle ?

Je suis inquiet de la situation politique. Quand l’extrême droite s’est qualifiée pour la troisième fois au second tour de l’élection présidentielle, alors qu’elle compte 89 députés et qu’elle s’est banalisée, les digues ont sauté. Il n’y a pas de plafond de verre. L’extrême droite à la tête du pays n’arrive pas qu’aux autres. Cela peut nous arriver.

Je crois que la mission historique de la gauche est de défendre la classe populaire et la jeunesse et ensuite de parler à tout le pays. Nous sommes à l’image de cette catégorie populaire qui a grandi à une époque où la politique avait sa place. Je sais ce que je dois à l’Éducation nationale et au logement social. Je dois dire tout cela pour montrer que les outils de la république sociale se sont affaiblis, ce qui explique aussi une partie du décrochage de la catégorie populaire.

Vous êtes un produit d’ascension sociale. N’est-ce pas trop dur de voir que cet ascenseur est souvent bloqué, surtout dans votre département ?

Homme. Aujourd’hui, les écoles sont inégales, l’injustice s’accroît et la promesse d’égalité ne se tient pas. Inutile de sauter comme une chèvre en disant « république, république », car pour tous les gens qui ne peuvent pas vivre des résultats de leur travail, qui font deux heures de trajet pour aller au travail ou à l’école et qui ont perdu un an parce que leurs professeurs n’ont pas été remplacés . , ils ont surtout l’impression que la république n’est qu’un slogan devant la mairie.

Vous avez écrit dans ce livre « La Seine-Saint-Denis s’est améliorée ». Qu’est-ce qui te fait dire ça?

Il va mieux car il y a beaucoup de projets dans ce domaine : on va accueillir le plus grand événement sportif et les JO en 2024, on construit des logements et des piscines alors que 70% des enfants qui viennent en 6ème ne le sont pas. sachez ne pas nager et nous aurons un tiers de la gare du Grand Paris Express (réseau de transport prévu en 2030, ndlr). Quand je gagne la guerre, je le dis, aidez-moi à gagner ensuite !

Vous dites souvent que « tout le monde a quelque chose à dire sur la Seine-Saint-Denis ». Il semble que dans ce livre vous vouliez détailler ce que la Seine-Saint-Denis dit à la France…

Partout en France, chacun a une image, un cliché, une idée reçue, le plus souvent négative. La perception de l’extérieur affecte la vie des gens, ils en souffrent. Je veux dire au reste du pays ce que nous sommes : un résumé du défi français. Une population plus jeune, plus populaire, plus diversifiée.

Face à un discours raciste, rance et étriqué qui promeut une vision profonde de l’identité portée par l’extrême droite et une partie de la droite dure, la gauche doit continuer à se battre. C’est l’histoire de la France d’avoir des citoyens qui viennent de partout, d’ailleurs et du même. Nous devons respecter notre histoire et certaines de nos identités.

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Emmanuel Macron a déclaré en 2021 que votre position est « la Californie, sans la mer ». Êtes-vous d’accord?

(Rires.) C’est surtout sans égal. Je préfère les mots positifs, plutôt que ceux qui stigmatisent ou exploitent nos difficultés. Mais encore une fois, il n’y a pas de slogan : nous avons moins de services publics que les autres. Rien ne nous a jamais été donné. Il faut toujours se mobiliser plus que les autres. Nous savons comment le faire : c’est notre identité, notre histoire, notre guerre.

A Pantin, une ville de votre département, le maire a mis un an à se mettre en situation pour faire face aux usagers de crack déplacés de Paris par le ministre de l’Intérieur. Pourquoi est-il si difficile de s’entendre lorsqu’on est élu?

A Pantin, c’est scandaleux de dire comment les pouvoirs publics voient et traitent la Seine-Saint-Denis et ses habitants. Le camp a été évacué, mais jamais une occupation de cette nature à l’ouest de l’Île-France ne durera plus d’une semaine. Nous avons besoin de ces mesures de sécurité mais elles ne suffiront pas : nous avons besoin d’une réponse sanitaire. Nous sommes la sixième puissance du monde et nous ne pouvons pas gérer 150 toxicomanes ?

Le 24 septembre, des habitants de Pantin ont manifesté contre les « mensonges du gouvernement » dans la gestion des usagers de crack dans le nord de Paris.

Vous soutenez la vidéosurveillance dans les rues de votre département. N’est-ce pas le signe de la guerre des cultures gagnée par la droite ?

Dans ce problème de sécurité, le bon point d’entrée est l’inégalité. Les personnes qui souffrent le plus de la délinquance, des rodéos et du manque de police sont les habitants de notre quartier. Je n’ai aucun tabou sur cette question : les gens doivent être protégés. Ce n’est pas une recette miracle, mais c’est un outil technique au service de la politique.

Vous écrivez « celui qui pollue le plus n’est pas l’automobiliste qui roule en Seine-Saint-Denis avec son petit utilitaire diesel, le commerçant qui passe sa vie dans les avions ». Pourquoi cette formule ?

Dire qu’ici on met en place une politique environnementale innovante et je crois que la gauche pour y parvenir doit y entrer par la question des inégalités. Les personnes les plus exposées à la pollution sont les moins polluées. Cela demandera plus d’efforts à certains qu’à d’autres.

Comme interdire ou taxer les jets privés ?

Bien sûr. Taxez-les ou interdisez-les. Je suis pour une solution alternative. Quand ils amènent une ou deux personnes alors que les avions de ligne sont disponibles, c’est un non-sens. Je vous ai dit que l’aéroport du Bourget est dans mon département et je ne veux pas qu’il soit fermé ! Il doit y avoir une graduation entre les taxes et les restrictions.

Le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, s’inquiète des attaques croissantes de la laïcité dans les écoles. Vous l’avez vu à l’académie de Seine-Saint-Denis ?

J’ai parlé avec le directeur académique. La question se pose plus au lycée qu’au supérieur (compétence majeure, ndlr). Mais je suis très clair : la loi de 2004 (sur les symboles religieux à l’école) est un atout précieux. Cela doit être strictement appliqué. En même temps, je nie que la laïcité soit instrumentale et nous empêche de voir qu’il y a des inégalités, des discriminations et du racisme.

Ne voyez-vous pas l’attaque de la laïcité à l’université de Seine-Saint-Denis ?

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Dès qu’il y a une réalité, il faut être intransigeant, mais je ne veux pas expliquer que c’est la majorité, parce que ce n’est pas vrai. Lundi, j’ai assisté à une minute de silence lors d’une conférence en hommage à Samuel Paty, suivie d’un débat sur la laïcité qui s’est très bien passé, avec beaucoup de respect. Je n’ignore pas les tentations séparatistes, mais je refuse que ce soit le seul prisme pour parler de nos compatriotes musulmans qui, pour la majorité, veulent vivre leur foi dans le respect des principes républicains.

L’affaire de Lola a pris une tournure nationale. Beaucoup, dont le gouvernement, reconnaissent que l’immigration clandestine n’est pas bien réglementée alors que le principal suspect est dans une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Qu’est-ce que tu penses ?

C’est un drame odieux qui établit un lien odieux. Je veux entrer dans le débat sur l’immigration, mais pas à l’occasion de cette tragédie. La famille ne veut pas qu’on en parle. Abordons le sujet des OQTF en dehors de ce drame.

La polémique politique monte cependant, car les gens sont dans un état de désorganisation…

Ce crime n’est-il pas tout aussi odieux s’il est commis par d’autres ? Tous ces gens sont des canailles. Je ne discute pas avec les charognards. Ils ont organisé la manifestation sans même l’avis de la famille. Je n’ai pas de mots. Je n’ai aucun problème à parler de ce problème, mais pas à faire ce lien.

Que pensez-vous de la rentrée à gauche ?

J’ai tendance à penser qu’après l’accord NUPES, enfin, la gauche est redevenue intelligente. Même si le syndicat se bat, il ouvre une perspective : tout commence.

Stéphane Troussel, en retrait à droite, faisait partie du premier cercle d’Anne Hidalgo lors de la présidentielle de 2022. Il est aujourd’hui un soutien d’Olivier Faure dans la reconstruction du PS.

Malgré la polémique sur les indemnités, les barbecues, ou l’affaire Quatennens et Bayou ?

En dehors de ces deux cas. Je crois que la société a besoin d’apaisement, donc ce n’est pas utile d’être dans le buzz, l’insulte ou la vindicte. Je défends une radicalité tenable : en finir avec les petits arrangements qu’on avait au PS ; mais aussi pour la négociation et le compromis. La gauche est forte dans ce département car elle a la tête dans les étoiles et les pieds dans l’argile. Vous devez être ambitieux, mais sérieux. Sinon, il n’y a rien à croire.

Qui soutiendrez-vous au congrès du PS en janvier ?

Je ne veux pas revenir en arrière sur la gauche inconciliable. Le rassemblement de la gauche et des écologistes va jusqu’à la rébellion. Ceux qui disent que la rébellion est à l’extrême gauche se trompent. Je soutiens cette idée et donc Olivier Faure.

Allez-vous boycotter la Coupe du monde du Qatar ?

Oui. Irrespectueux. La Seine-Saint-Denis ne dépensera pas d’argent public pour mettre un écran géant dans on ne sait quel gymnase, contrairement à la dernière Coupe du monde.

Allez-vous vous présenter à nouveau en 2028 comme chef de département ?

le silence Trop en parler. Je viens d’être réélu en 2021 donc je n’envisage pas encore ça. Prendre ma part dans le débat politique national, oui bien sûr. Je souhaite que nous fassions collectivement le lien entre les parlementaires, les élus locaux et la société civile, qui créent chaque jour le monde de demain. Je veux construire un pont à gauche, avec François Ruffin par exemple et d’autres pour que l’alternance soit à nouveau possible.

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