Une transition médicale pour devenir une fille ou un garçon, comment ça se passe…

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Il n’y a pas de chemin de transition classique (certains préfèrent le terme « chemin de confirmation du genre »). Chaque cas est unique et la prise en charge est adaptée aux besoins de chacun, insistent les deux directeurs de la clinique de mixité du CHU Sainte-Justine, le pédiatre Nicholas Chadi et l’endocrinologue pédiatrique Lyne Chiniara.

Ce service dédié à la santé des jeunes trans et non binaires, l’un des seuls au Québec, accueille principalement des adolescents aux prises avec une dysphorie de genre importante. Il s’agit souvent d’agonistes de la GnRH sur ordonnance pour la première fois, ou de bloqueurs d’hormones, qui arrêtent le processus de la puberté – les menstruations s’arrêtent et le changement de voix est retardé, entre autres.

Les effets de ce traitement, administré depuis plus de 30 ans à des enfants souffrant de puberté précoce, sont réversibles : dès son arrêt, le développement de l’adolescent reprend son cours normal, au moment où il était ralenti. L’objectif est d’apaiser la détresse du jeune tout en lui laissant le temps de réfléchir à son identité de genre, qui peut varier au fil des années. Cependant, comme les inhibiteurs ont le potentiel d’altérer la densité osseuse en l’absence d’hormones sexuelles, ils doivent généralement être arrêtés après un maximum de quatre ans (à de rares exceptions près).

Il n’y a pas d’âge minimum au Québec pour commencer à prendre des agonistes de la GnRH. Cependant, l’enfant doit avoir atteint le stade 2 de l’échelle de Tanner (correspondant à l’apparition des bourgeons mammaires chez les filles, et à un certain seuil de croissance des testicules chez les garçons) et ressentir une douleur évidente face aux premiers changements de la puberté. Avant d’atteindre l’âge de 14 ans, le consentement parental est requis – mais même après cela, il est fortement recommandé que la famille soit présente.

Les hormones sexuelles, l’œstrogène et la testostérone, sont prescrites aux jeunes qui ont « la maturité nécessaire pour en comprendre l’effet », explique Nicholas Chadi, car contrairement aux bloqueurs de la puberté, elles induisent des changements permanents – pousse des cheveux, modification de la voix, augmentation de la taille de la clitoris, entre autres. Les hormones pourraient également compromettre la fertilité, selon des études en cours, il est donc conseillé aux patients de conserver leur sperme ou leurs ovules. Une évaluation psychosociale approfondie est recommandée avant de commencer le traitement.

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« Vous pouvez prescrire des microdoses de l’hormone, mais une fois que certains changements physiques apparaissent, il n’y a pas de retour en arrière. Il faut donc lui donner le bon moment. »

Selon un protocole suivi par la communauté médicale au Québec, les jeunes en transition commencent à prendre progressivement de la testostérone ou des œstrogènes, à des doses croissantes. Cela leur permet de s’adapter progressivement aux transformations physiques, ou de les bloquer s’ils changent d’avis.

La voie à suivre est plus obscure pour les patients non binaires, qui recherchent parfois des soins affirmant leur genre. Certains adolescents aimeraient ne jamais passer par la puberté, afin de conserver une apparence androgyne, « voire avoir une voix plus masculine, mais pas de cheveux », observe Lyne Chiniara. Cependant, vous ne pouvez pas prendre d’inhibiteurs à long terme et il est impossible de choisir les effets des hormones sexuelles à la carte. « Vous pouvez prescrire des microdoses de l’hormone, mais une fois que certains changements physiques apparaissent, il n’y a pas de retour en arrière. Il faut donc lui donner le bon moment. »

Quant aux opérations de confirmation de genre sur les mineurs, dont le nombre ne cesse d’augmenter depuis leur autorisation en 2016, GrS Montréal, une division du Complexe chirurgical CMC, s’en charge toutes. C’est le seul organisme au Canada à offrir ces services spécialisés. Sur les 250 interventions réalisées sur de jeunes patients canadiens à ce jour, plus de la moitié (160) ont été réalisées en 2021 et 2022.

Chacune de ces demandes est étudiée et approuvée individuellement par des experts du Centre Métropolitain de Chirurgie, un autre département du Complexe chirurgical CMC, en collaboration avec des cliniques spécialisées dans les soins qui confirment le genre Vous devez répondre à certains critères et avoir des lettres de soutien de professionnels de la santé mentale. Ces interventions sont remboursées par la Régie de l’assurance maladie du Québec. La mastectomie est autorisée à partir de 16 ans, mais les opérations génitales (comme la phalloplastie et la vaginoplastie) ne peuvent être pratiquées avant l’âge de la majorité.

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Les soins de confirmation de genre pour les jeunes trans ont commencé dans les années 1980, d’abord aux Pays-Bas. Des études, bien qu’encore peu nombreuses, montrent que la méthode est sûre, et qu’elle améliore le bien-être et la santé psychologique des patients à long terme. C’est pourquoi la World Professional Association for Transgender Health (WPATH), qui regroupe des chercheurs et des professionnels de santé de différents pays, recommande une meilleure accessibilité à ces soins, selon des critères précis décrits dans ses Standards of Care.

La Clinique de la diversité des genres du CHU Sainte-Justine adhère aux principes de l’approche « trans-affirmative » promue par la WPATH, qui repose sur la capacité du jeune à décider par lui-même et à consentir à un traitement de façon éclairée. Cette école de pensée encourage les soignants à suivre les patients sans les mettre sous pression, tout en soutenant leurs parents. Environ 150 professionnels au Québec adhèrent à ces principes, selon une liste disponible en ligne.

Certains s’y opposent cependant, estimant que les adolescents n’ont pas la maturité cognitive pour prendre des décisions aussi importantes, et que les effets des soins affirmant le genre sur la santé des mineurs n’ont pas encore été suffisamment scrutés par la Science. Dès lors, les autorités suédoises, pourtant pionnières en matière d’accompagnement médical des personnes trans, ont décidé de durcir les règles en 2022, jugeant que les risques l’emportaient sur les bénéfices. Désormais, les inhibiteurs sexuels et les hormones sont réservés en Suède aux jeunes patients qui manifestent une dysphorie de genre depuis l’enfance, sauf circonstances exceptionnelles. Le pays mise plutôt sur un soutien psychologique et psychiatrique pour soigner ceux dont la dysphorie s’exprime dès l’adolescence.

Cet article est initialement paru dans le numéro de mars 2023 de L’actualité, sous le titre « Réinventer le genre ».