Dérivé du verbe anglais « to scroll », ce mot désigne la consultation compulsive d’informations qui provoque de l’anxiété, un comportement né de la rencontre entre la curiosité humaine et les produits des plateformes numériques.
Histoire d’un concept. Dans les transports, dans la file d’attente du supermarché, dans l’ascenseur, dans le confort d’un canapé ou dans l’intimité d’un lit, le contenu passe avec un mouvement mécanique du pouce ou de l’index automatique. Sur Facebook, Instagram, TikTok ou Twitter, ils se déroulent inexorablement : images de la guerre en Ukraine, chiffres de la pandémie de Covid-19, articles décryptant le dernier rapport du GIEC, commentaires alarmants sur l’état du paysage politique. La plupart du temps, aucune émotion n’apparaît sur le visage de l’utilisateur ; mais au fond du cœur, la curiosité ou l’ennui cède parfois la place à l’appréhension, voire à l’angoisse la plus pure. Peu importe : il continue. Cette navigation compulsive porte désormais un nom : le doomscrolling, c’est-à-dire le fait – ou la sensation – de ne pas pouvoir s’arrêter de faire défiler indéfiniment des contenus multimédias anxiogènes.
Le mot dérive du verbe anglais to scroll, qui signifie « faire défiler un contenu sur un écran », terme tellement utilisé aujourd’hui que sa version française, « scroller », est entrée dans le dictionnaire Robert en 2020. d’un emprunt à l’ancien français « escroe ». » (« scroll ») – était, pour les locuteurs du Moyen Âge, de décrire l’action de dérouler un rouleau afin de le lire.
C’est dans les années 1970 et 1980 que le monde naissant du jeu vidéo s’empare du terme et l’utilise comme métaphore pour décrire la façon de faire apparaître des éléments à l’écran, selon un défilement horizontal ou vertical : le défilement devient alors un élément élément essentiel des interfaces numériques. Cependant, quelques décennies plus tard, avec l’émergence des réseaux sociaux et leur modèle d’accumulation de contenus, l’action de défilement acquiert une dimension potentiellement infinie. C’est ce sentiment d’une page sans fin qui est d’abord décrit par le mot doomscrolling, qui signifie littéralement « défiler jusqu’à la fin des temps » ou « jusqu’à sa destruction » (doom).
Craintes pour la santé mentale
Pourquoi cette incapacité à s’autoréguler semble-t-elle si partagée ? « Le modèle économique des entreprises de type réseaux sociaux est basé sur le temps passé par les utilisateurs sur les plateformes, car c’est ce temps d’attention qui sera valorisé auprès des annonceurs », explique Nicolas Nova, anthropologue numérique. Ils ont donc tout intérêt à trouver des mécanismes dans la conception d’interfaces qui incitent les utilisateurs à rester le plus longtemps possible. A voir aussi : Téléphones reconditionnés : attention aux mauvaises surprises. Cet intérêt explique l’utilisation du format de défilement infini, mais aussi le mécanisme de récompense variable (similaire à celui des machines à sous de casino) mis en place par les algorithmes, ou le fait de surestimer la répétition de certains types de contenus qui suscitent un intérêt particulier, comme les négatifs des nouvelles ou des titres accrocheurs. La sensation de doomscrolling naît ainsi de la rencontre entre la nature curieuse de l’être humain et les nouvelles interfaces produites par les entreprises numériques capitalistes.
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