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Dimanche 3 juillet 2022 à 7h34
Le Penseur de Rodin est une œuvre très singulière pour une statue tirée à près de 70 exemplaires, dont l’un a été acheté 9,5 millions d’euros ce jeudi chez Christie’s à Paris. Pour devenir l’icône que l’on connaît, la statue devait s’affranchir du destin discret auquel elle était destinée. Récit.
Libéré, délivré, Le Penseur claque la porte
Le Penseur de Rodin a un don rare : l’ubiquité. Dispersée par dizaines à travers le monde, « L’autre Joconde de l’histoire de l’art » (comme on l’écrit Sur le même sujet : Vendre un logement entre particuliers : les conseils à suivre.
le journal belge l’Echo sur le
Chef d’oeuvre en série
vente récente chez Christie’s) n’est pas une œuvre unique. Modelée en argile par Auguste Rodin au début des années 1880, la statue existe en plusieurs exemplaires : « Environ 45 moyens modèles et 23 ou 24 grands modèles, tous « originaux », mais sans certitude précise à ce sujet », conseille Antoinette Le Normand. A voir aussi : Frais de notaire 2022 : combien pour l’achat d’un bien neuf ou ancien ? | L’immobilier par SeLoger. -Romain. , conservateur général du patrimoine honoraire et spécialiste de l’oeuvre de Rodin. Un destin improbable pour cette sculpture qui, d’ailleurs, n’était pas destinée à briller seule ; Pour atteindre la notoriété, Le Penseur a dû changer de nom et commencer une double vie.
Si les statues avaient un état civil, on découvrira que Le Penseur est un peu secret. « Au début des années 80, je me souviens de l’atelier, où l’ambiance était chaleureuse », aurait-il aussi écrit (si l’on pouvait s’exprimer) en référence à sa nombreuse famille : 200 autres statues avec lesquelles il a passé ses premières années. . Nous découvrirons également que Le Penseur a changé de nom : Le Poète était son premier nom de famille ; et si on creusait un peu plus (on le fera, promis), on finirait aussi par trouver un air de ressemblance avec un certain Dante, célèbre personnage florentin de la fin du Moyen Âge…
Au départ, cette statue méconnue devait donc partager son socle avec plusieurs voisins. L’accompagnement était un peu spécial : une porte, ou plutôt un projet de porte. L’œuvre avait été commandée à Auguste Rodin par l’État français, qui prévoyait d’utiliser l’objet monumental pour orner la façade du futur musée des arts décoratifs. Le bâtiment devait être construit à l’emplacement de la défunte Cour des comptes, dont il ne restait que de belles ruines après son incendie pendant la Commune en 1871. Un jour, la Cour des comptes abandonnée fut effectivement remplacée, mais pas du musée. en 1900, la gare d’Orsay s’ouvre aux voyageurs avant, plus tard encore, de devenir le musée d’Orsay.
Sur cette porte est donc apparu Le Poète : certes un beau garçon (71 centimètres et 13 kilos) mais loin d’être seul. « Environ 200 personnages ont été modelés ici par Auguste Rodin », précise Antoinette Le Normand-Romain.
La Porte, visible aujourd’hui en plâtre aux musées Rodin et Orsay (et en bronze dans de nombreux autres lieux), mesure 6,35 mètres de haut et 4 mètres de large. Le Poète est placé en haut, au-dessus des deux feuilles de E Porte di l’inferno, nom complet de cette œuvre, conçue en référence au poème Inferno de Dante Alighieri. L’écrivain florentin des XIIIe et XIVe siècles était très en vogue à l’époque de Rodin.
Le sculpteur choisit de représenter Dante mais s’affranchit des conventions. « Le poète apparaît nu, avec pour seul chapeau médiéval discret, un hommage à tous les poètes admirés par le sculpteur : Baudelaire, Hugo… », explique Antoinette Le Normand-Romain. « Rodin a aimé beaucoup d’artistes romantiques et pas seulement des écrivains : Eugène Delacroix, François Rude, Jean-Baptiste Carpeaux… Ce côté sombre et tourmenté. » Le style se retrouve dans la Porte de l’Enfer, qui s’inspire également de la porte monumentale de l’église de la Madeleine, du baptistère de Florence, mais aussi du Jugement dernier de Michel-Ange, que Rodin a pu voir à Rome.
Rodin a 40 ans lorsqu’il commence La Porte de l’Enfer : « Mais il faut imaginer des choses », dit Antoinette Le Normand-Romain. « Dans l’atelier du sculpteur, un grand cadre de menuiserie représente La Porte et Rodin place successivement les figures qu’il a modelées séparément. Ainsi, dès le début des années 1880, toutes les figures attribuées à La Porte ont une « double vie » : une vie intégrée à La Porte et une vie indépendante (