Publié
le 24/12/2022 à 06:00
La bonne bouteille
Entre les naturistes endiablés et la garde prétorienne de la bataille des petites annonces, du « pet’nat » (pétillant naturel) et des champagnes (« zéro dosage » et « brut nature », qui signifie simplement sans sucre ajouté), les bouchons risquent de voler bas. Ça sent le soufre et les riffs des repas de famille, où chacun y va de sa propre bouteille et sa détermination donne le canon dès le premier apéritif. Sur le même sujet : Coupons fruits et légumes : « Les aliments sains ne doivent pas être réservés à certaines personnes ». Le choix du vin divin est un sujet de dispute théologique.
Les sulfates sont sortis dès le départ. La poussée est assurée par Pierre Guigui. L’homme ne peut être suspecté d’être contre nature. Fondateur du Concours International des Vins Bio, organisateur des salons Buvons Terroirs et Pantin Boit Bio, responsable de la collection Le Savoir Boire aux Éditions Apogée et auteur d’une trentaine d’ouvrages (dont Le Vin nature au-delà des modes, avec Sophie Brissaud), son vin programme est de faire pâlir les semeurs de chimio. Mais cet œnologue ne cède pas : « Quand il y a ambiguïté, il y a loup. Seules 400 cuvées sont des vins certifiés selon la méthode naturelle, le seul label qui garantit et vérifie qu’ils sont bio et ne dépassent pas 30 mg de soufre. Minimum syndical. Mais des milliers de fabricants se prétendant « naturels », méfiants, non ?
Transformer le raisin en vin, notamment en vin « nature », ne s’improvise pas
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Un parfum de fantasme
Faux nez de vins qui racontent comme des contes de fées et des légendes, mais qui, si on gratte l’étiquette, ne sont pas du tout bio, ces soi-disant pépites sont une belle astuce. On croit boire vert, libéral, mais on se vautre dans du moût de raisin pas forcément délicieux. « Et au prix de l’or ». Cheval de labour, d’amphores, de viticulture lunaire et hop, persuadé qu’il a affaire au « saint graal », le naturo-pantois est prêt à jeter des dizaines, des centaines, de ses euros. Entre les grands crus et les crus vedettes de Naturoland, il peut même y avoir une sphère au milieu. Pourtant, admet Pierre Guigui, « il y a d’excellentes biographies naturelles. Lire aussi : le journal. Fruit très pur, mâche, profondeur, c’est Noël. Rarement, cependant, le fait que d’anciens pubards se soient transformés en vignerons. Transformer le raisin en vin, surtout « naturel », ne s’improvise pas. Alors, pour la pax concordia des familles, n’appelez pas au miracle avant d’enlever le bouchon, car vous risquez que le vin et la conversation tournent au vinaigre.
Pour le sociologue et philosophe Abdu Gnaba, « nous avons construit une nouvelle religion dans notre société de consommation, une religion laïque mais fictive de la nature. Dans le monde artificiel créé par les humains, il y aurait un autre endroit où tout serait juste, parfait, abondant, simple, harmonieux. Le vin nature, c’est ça, une idée qu’on avale, une idée de paradis imaginaire. Il vaut mieux ne pas acheter une bouteille, mais son « petit producteur ». On retrouve le mythe rousseauiste du bon sauvage, de l’homme juste et bon, « primitif », comme si toute la sophistication de notre monde allait nous pervertir et nous détourner de la nature primordiale, pure, idyllique.
La parole est à la défense
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