« Avant, quand je disais à un patient « je reviens », je le faisais vraiment. Avant, je pouvais les regarder droit dans les yeux et leur assurer que le mieux serait fait. Avant, je travaillais avec tellement de plaisir. Avant, je me souvenais de chaque nom de chaque patient. Aujourd’hui, en plus de me sentir complice d’un système de santé moribond, je suis épuisée et je m’efforce d’éviter le pire, incapable de faire le meilleur. Aujourd’hui, je passe mon temps à m’excuser de ne jamais pouvoir revenir. Aujourd’hui, j’ai appris à prier très fort pour que je ne sois pas considérée comme une agresseuse, simplement parce que je n’ai plus de temps. Aujourd’hui, je refuse de devenir l’aidant que je suis obligé d’être par manque de ressources. Aujourd’hui, je n’y crois tout simplement plus », c’est à travers ce témoignage d’une infirmière que le collectif Santé en danger, association lancée à l’été 2020 par le médecin anesthésiste Arnaud Chiche dans le sillon du Ségur de la Santé, qui compte aujourd’hui près de 6 000 adhérents, commence sa lettre ouverte au président de la République publiée ce lundi 14 novembre.
« Un système de santé paralysé » avec « 10 millions de concitoyens qui peinent à trouver un médecin de famille », « des bébés déplacés à des centaines de kilomètres de leur famille », des personnes handicapées qui ne trouvent pas d’aide à domicile… Le constat collectif est sévère.
« Les médecins de ce pays sont désabusés et découragés de ne pas se sentir entendus par leurs tuteurs, souffrent de ne pas pouvoir offrir les meilleurs soins aux patients et en ont assez de devoir se battre à tous les niveaux de soins dont ils sont responsables. Les médecins parlent de sortir de la route ou de sortir d’un accord. Les stagiaires font grève et désespérés, les étudiants partent en cours de formation. Les ambulanciers fuient les centres de santé, se reconvertissent ou émigrent. La souffrance au travail, pour ceux qui restent, est à son comble » , poursuit l’ouvert une lettre qui invite l’exécutif à ouvrir grand le centre de santé et à « simplifier », « calmer » d’urgence.
De 15 à 7 lits de réanimation en 18 mois
Parmi les cosignataires de cette lettre ouverte, le professeur Jean-Louis Teboul témoigne de la situation dans son établissement, l’hôpital Bicêtre, où il dirige l’un des services curatifs, celui de la réanimation médicale (il existe aussi un service chirurgical et pédiatrique unité de soins intensifs). unités d’entretien). Ce service de médecine intensive – réanimation comprend essentiellement 25 lits dont 10 lits de surveillance continue et 15 lits de réanimation. Pour accueillir les patients dans ces 15 lits, la loi impose la présence de 2 infirmiers pour 5 patients. Voir l’article : Le Mexique interdit les cigarettes électroniques. Mais aujourd’hui, le compte n’y est pas. Faute de personnel paramédical, le nombre de lits de réanimation est passé de 15 à 7 en 18 mois.
« Nous avons commencé à fermer des lits en juillet 2021, après la troisième vague de Covid. Au début, c’était une mesure estivale classique. Nous fermons toujours 5 lits pendant environ 6 semaines en été. Mais cette fois, nous n’avons pas pu les rouvrir en raison de Depuis, on a dû fermer trois lits supplémentaires en 2022 parce qu’on n’arrive pas à recruter de nouveaux infirmiers. Au contraire, on voit d’autres départs menacer », témoigne le professeur au 94 Citoyens.
Les raisons de ces départs ? « Bronzage, changements de métier, déménagement hors de la région parisienne, entrée dans le privé », énumère le médecin. Des raisons qui reflètent l’immense fatigue ressentie après avoir traversé la crise sanitaire. Une période de pression intense, durant laquelle la société et les politiques semblaient prendre conscience du rôle crucial des infirmiers avant de passer à la suite, après le Ségur de la santé, qui n’a pas permis de remotiver les troupes ni de sortir de la crise sanitaire . par le haut.
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« Il y a toujours un fort turnover en réanimation car c’est très formel mais aussi pénible. Le personnel reste généralement 2 ou 3 ans, note Jean-Louis Teboul. Le problème c’est que ça accélère et on ne trouve pas de remplaçants car ce n’est pas attractif. assez . Nous n’avons presque plus de demandes pour rejoindre le service. Un service de 12 heures avec un salaire qui ne permet même pas de trouver un appartement à proximité en raison du coût du terrain dans l’agglomération parisienne, ce n’est plus acceptable.
« Pendant des années, l’hôpital a subi des réductions structurelles du nombre de lits pour réduire les coûts. Aujourd’hui, nous supprimons les lits par manque de personnel », prévient le médecin.
Garder les patients moins longtemps pour faire face
Les conséquences pour le service sont déjà concrètes, alors qu’il fonctionnait déjà à plein régime l’hiver avant même la crise du coronavirus. Sur le même sujet : Région – Conseils santé pour les fortes chaleurs en Occitanie. Pneumonie, insuffisance respiratoire, insuffisance rénale, problèmes cardiovasculaires aigus, accident vasculaire cérébral, comas non traumatiques… les situations médicales qui impliquent de se rendre en réanimation sont nombreuses et augmentent considérablement avec le vieillissement de la population.
« On essaie de transférer les malades dès qu’ils vont un peu mieux dans les services intermédiaires, pour faire de la place. On arrive à faire face mais ça épuise les équipes. Nous ne pouvons plus accepter de patients que des collègues voulaient nous envoyer, car nous sommes un service leader et reconnu », regrette le chef de service.
« Il est urgent de rendre attractifs les métiers paramédicaux », presse le médecin, rappelant que la France « n’est plus très bien placée en nombre de lits de réanimation par rapport aux autres pays européens ».
C’est dans ce contexte que, pour ce soignant comme pour les autres membres du collectif Santé en danger, la lettre ouverte au président Emmanuel Macron et au gouvernement s’inscrit.
Arrêter de diviser, libérer du temps médical, former des soignants
« Soyez sûr que, si vous ouvrez vraiment ce grand projet, si vous décidez de tout simplifier, si vous vous calmez… Les soignants vous suivront, et nous continuons à croire que la population aussi. Quoi de plus précieux que la santé ? L’attractivité passera sans doute par une revalorisation de tous les métiers du soin à la hauteur de leurs compétences. Préserver et retenir ceux qui restent, faire revenir ceux qui sont partis et trouver de nouveaux soignants », invite la missive du collectif, qui fait plusieurs propositions pour les centres de santé et la médecine de ville. Lire aussi : E-cigarettes : Bruxelles recommande d’arrêter de fumer pour éviter de vapoter. Dans la première, le collectif propose notamment « de supprimer les primes diverses et diverses qui augmentent les divisions et de les intégrer au salaire de base », grâce à « des grilles salariales claires, justes et équitables ». Il nous invite également à « supprimer les charges administratives qui pèsent si lourdement sur nos soignants. Développer des outils numériques plus performants. Établir de nouveaux métiers : logisticiens, méthodologistes et responsables de la santé environnementale. »
Concernant la formation des soignants, le collectif demande « de laisser nos jeunes faire les études qu’ils souhaitent et de leur faciliter leur accès ».
Voir toutes les propositions dans la lettre ouverte