En matière de vin nature, les raisonnements simplistes abondent. Ce qui est franchement dommage, qu’il s’agisse de vins naturels ou conventionnels, car aucun des deux ne semble vraiment pouvoir gagner. Ainsi, la notion de terroir est prise en otage dans une guerre de chapelle qui n’est pas la sienne, alors que tout ce qui compte est qu’elle soit traitée avec respect à la vigne et révélée à la cave.
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Il y a des vignerons de tous horizons qui font cela par miracle, qu’ils soient naturels, biodynamiques, bio ou raisonnés. Ce n’est donc pas l’apanage d’une philosophie ou d’un dogmatisme, mais de méthodes viticoles appliquées dans les règles de l’art – sans herbicides, avec un couvert végétal et un travail du sol léger – d’une vinification sensible et sensée, qui accompagne plus qu’impose , tandis que le vin jeune en préparation est protégé.
Si la viticulture raisonnée, biologique ou biodynamique est définie par un cadre légal et légal, les réglementations légales pour la production de vin naturel n’existent pas encore aujourd’hui. A défaut, des associations ont vu le jour depuis plusieurs années pour lui donner un cadre strict. Par exemple, faites attention aux labels Wine Method Nature, Nature Wines et Les Vins S.A.I.N.S. qui contiennent les règles à suivre pour obtenir la certification, qui sert principalement de point de référence – également de garantie – pour le consommateur final. Si l’on peut se féliciter de ces initiatives qui permettent de donner de la visibilité à un engagement parfois perçu comme une ligne dure, il faut aussi noter que cette ligne dure comporte certains risques.
En règle générale, 80% du vin est élaboré à la vigne, 20% en cave. Pour le vin naturel, on pourrait dire le contraire. En effet, avoir de beaux raisins ne suffit plus, et travailler en cave sans aucun intrant revient à travailler sans goulotte de sécurité. Non seulement cela demande une discipline de fer et une hygiène irréprochable en cave, mais il est impossible d’éviter tout écart. Il appartient donc aux vignerons de « faire confiance », comme disent certains, non sans humour : une bonne dose de confiance en soi et un compte en banque suffisamment rempli en cas de pépin.
Il faut savoir que le moût de raisin – comme le vin fini – est un être vivant. Si vivants que les bactéries et les levures sont capables de tout, y compris de remplacer l’expression du terroir et des raisins par des senteurs fermières. Ça goûte, littéralement, malheureusement. Et dans ce cas, le vin naturel peut être bien des choses : ni une expression de terroir ni une expression originale du fruit, mais plutôt celle d’une vie de plaisir du côté des levures et des bactéries. Lorsqu’un vin dégage une odeur de vernis à ongles, désignée par le terme d’acidité volatile, de brettanomyces (animal, cuir, cheval), d’acide acétique (vinaigre), d’acide lactique (aigre-doux), que le vin est trop oxydé ou trop faible, trouble, ou qu’il ait refermenté en bouteille – avec une légère sensation de picotement comme s’il contenait de fines bulles – ce sont là des anomalies qu’on ne peut vraiment attribuer à aucun terroir. Que nous puissions les apprécier ou non, il n’y a aucune discussion à ce sujet. Tous sont le résultat d’accidents de vinification, mais sont relativement faciles à éviter avec un minimum de précautions en cave et des analyses régulières en laboratoire. Mais ces choses arrivent, diront certains. Affaire risquée. Peut-être. Mais est-il correct de vendre ces défauts aux consommateurs pour des qualités, ou pire, pour une expression du terroir ou du goût originel du fruit ? Parfois ces défauts sont même considérés comme des gages de qualité, vantés par de fervents défenseurs des vins naturels, dont les sommeliers, qui n’hésitent pas à utiliser l’argument d’autorité.
Au moment de fermer et de fumer la pipe de la paix, soulignons qu’heureusement tous les vins naturels ne suivent pas cette tendance. Les plus réussis – mais encore trop rares – expriment non seulement magnifiquement le terroir dont ils sont issus, notamment en termes d’acidité, de structure ou de tanins, mais aussi un fruit aussi vif et énergique que s’il venait d’être cueilli. Une chose essentielle à retenir, alors : peu ou pas protégés, les vins naturels restent plus fragiles, résistants aux longs trajets et aux mauvaises ouvertures prolongées. Les apprécier, c’est aussi accepter d’être déçu de temps en temps, mais on se rend compte au fil d’une cuvée qu’ils peuvent être absolument magnifiques.
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