Valérie Bentz, responsable des études du patrimoine à l’UFF, et Vincent Dupin, responsable des techniques du patrimoine à l’UFF
La question du remploi des sommes résultant de la cession d’un ou plusieurs biens initialement démembrés, généralement à la suite d’une succession ou d’une donation, se pose régulièrement lorsque le(s) nu(s) propriétaire(s) et l’usufruitier(s) ne souhaitent plus de conserver, d’un commun accord, ce(s) bien(s) en l’état. Cette situation est courante en présence d’un usufruitier qui ne veut plus ou ne peut plus se sécuriser financièrement
la gestion d’un bien (telle que l’entretien du bien locatif, de sa résidence principale ou de sa résidence secondaire).
Pour donner une réponse adéquate, d’autres questions seront soulevées, à savoir : l’usufruitier veut-il conserver la possibilité de percevoir les revenus susceptibles d’être générés par ce (ces) actifs pour financer d’éventuels besoins de retraite, voire des dépenses supplémentaires liées à ? une perte d’autonomie ? Ou au contraire est-il établi qu’il n’aura probablement jamais besoin de ces revenus en raison de l’étendue de son patrimoine et de la structure de ses revenus ? Ou enfin, vous souhaitez favoriser la transmission de votre patrimoine à vos enfants ou petits-enfants ?
Différentes solutions peuvent répondre à ces objectifs. On recherchera souvent la souscription fractionnée d’actions dans une société civile de placement immobilier (SCPI) ou un contrat de capitalisation. L’assurance-vie, en revanche, a longtemps été exclue. Maintenant, il peut également atteindre cet objectif.
Nous proposons d’illustrer le sujet par un cas pratique.
M. et Mme S. sont nés respectivement en 1948 et 1949. Ils se sont mariés en 1972, sous le régime de la communauté légale. En 1974, ils ont eu une fille, Caroline.
Puis ils ont acheté une maison (leur résidence principale), un bien locatif et fait quelques placements financiers, notamment en valeurs mobilières.
Sa fille Caroline a eu deux enfants : Marine, née en 1998, et Julien, né en 2001.
En 2004, conscients de l’impact des droits de succession de la transmission de leur patrimoine à leur fille unique, M. et Mme S. ont commencé à réfléchir à l’organisation de la transmission de leur patrimoine en envisageant une donation de sa résidence principale. Caroline. Cependant, voulant continuer à vivre dans cette maison, ils ont voulu en garder l’usufruit.
Ainsi, quelques années plus tard, en décembre 2007, ils font une donation avec réserve d’usufruit de leur résidence principale à leur fille. Le bien était alors estimé à 400 000 euros, sachant qu’il était précisé que l’usufruit serait réversible au profit du survivant des donateurs.
En 2007, l’immeuble était valorisé à 400 000 euros et la valeur fiscale de la nue-propriété retenue était donc de 200 000 euros. N’ayant jamais fait de donation à sa fille les années précédentes, Caroline a pu bénéficier d’un abattement pouvant aller jusqu’à 150 000 euros (1) pour chacun de ses parents, soit 300 000 euros sur la valeur fiscale de la nue-propriété. La valeur imposable du nouveau bien étant inférieure aux indemnités cumulées, Caroline n’a pas eu à payer de droits de donation. Dans ce cas, les frais juridiques ont été payés par les parents donneurs.
En 2020, M. S. décède. La succession est alors ouverte et Mme S. décide de garder l’usufruit sur une partie des biens du Seigneur. Mme S. pourra ainsi conserver les revenus des biens acquis ensemble.
Quelques mois plus tard, Madame S. se rend compte que cette maison, sa résidence principale, devient trop lourde pour elle seule. Ayant la possibilité d’emménager dans l’un de ses immeubles locatifs, il s’entend avec sa fille Caroline pour une partie de la maison. Il est vendu début 2022 au prix de 600 000 euros. Pour éviter de partager le prix de vente, Caroline et sa mère signent, avant la vente, une convention qui prévoit la réutilisation du prix dans une succession acquise par démembrement du bien ou dans un contrat d’assurance-vie solidaire. et préserver les droits de chacun d’eux issus de la donation de 2007.
Le notaire ayant retenu, de la part de Caroline, un impôt global sur la plus-value de 46 181 euros, Mme S. et Caroline décident de remplacer le prix de vente net arrondi à 550 000 euros et de se partager le solde de 3 819 euros.
Remarque : contrairement aux modalités de calcul de la fiscalité applicables au transfert de droits sociaux ou de titres démembrés dans le cas où le prix de cession est réutilisé dans un bien en démembrement, la doctrine administrative (BOI-RFPI-PVI -20-10-) . 10, § 270 et s.) applicable aux plus-values de cession d’immeubles démembrés vendus indique, en l’espèce, que le prix de vente est réparti entre le nu-propriétaire et l’usufruitier selon le barème prévu à l’article 669 CGI ( voir tableau page 61) en tenant compte de l’âge de l’usufruitier au moment du transfert, et que chacun est assujetti à l’impôt qui le concerne.
Ainsi, le prix de vente pris en compte pour le calcul de la plus-value réalisée par Caroline sur la nue-propriété est de 420 000 euros (Mme S. a 73 ans au moment de la vente, la valeur fiscale de la nue-propriété est de 70 ). % du prix de vente).
Mme S., quant à elle, est exonérée d’impôt sur la plus-value qu’elle a réalisée, car l’immeuble cédé sur lequel portait son usufruit était sa résidence principale.
Lors du réinvestissement du capital issu de la vente du bien démembré, ils optent pour la co-souscription « smembre » d’un contrat d’assurance-vie (voir illustration ci-contre).
Rappel du principe du réemploi démantelé : le principe consiste à réinvestir dans un contrat d’assurance-vie, les fonds issus de la vente de biens précédemment démantelés. Cette solution vous permet de concilier les avantages du démembrement initial avec ceux de l’assurance-vie. Dans ce cas Madame S. sera co-souscripteur et « usufruitier ». Sa fille Caroline sera cosignataire et « nue-propriétaire ». Caroline sera également assurée.
La signature des deux co-souscripteurs est requise pour la souscription du contrat et pour la validation de l’intégralité de la clause bénéficiaire.
Comment rédiger la clause de bénéfice ?
La clause de bénéfice doit prévoir, à partir de cette souscription, deux situations.
1. Si Caroline, l’assurée, décède avant sa mère, Mme S. En effet, dans ce cas, le contrat est résilié du vivant de Mme S., ses droits naissent à la naissance de l’usufruit, lors de la donation 2007 , ainsi que celles nées de la réversion de l’usufruit de son mari décédé, peuvent être maintenues au capital décès. Cette partie de la clause désignera donc nécessairement Madame S. comme bénéficiaire de l’usufruit du capital décès.
2. Le cas où Carulina est venue mourir après sa mère. Dans ce cas, puisqu’il y a transmission intergénérationnelle à Julien et Marine, ils seront désignés comme bénéficiaires du capital décès.
Comment fonctionne le contrat en cas de décès de l’un des deux co-abonnés ?
Comme indiqué précédemment, en cas de prédécès de Mme S., la mère de Caroline, le contrat n’est pas résolu, ce qui signifie que Caroline aura alors tous les droits liés au contrat (rachat, arbitrage, modification de la clause, etc. ). .). Au décès de Caroline, si le capital est toujours présent au contrat et n’a pas modifié la clause de bénéfice, ce sont ses enfants qui seront bénéficiaires et qui percevront le capital décès restant, chacun bénéficiant de la réduction de 152 500 euros, une imposition de 20 % au-delà, et de 31,25 % au-delà de 700 000 euros.
En revanche, si Caroline était décédée avant sa mère, Mme S. (ce qui est moins probable que le cas précédent), le contrat serait résilié. Les enfants de Caroline – Marine et Julien – seraient bénéficiaires de la nue-propriété du capital décès et Madame S, sa grand-mère, seraient bénéficiaires de l’usufruit. Dans ce cas, la question de la réutilisation des fonds repose
Comment fonctionne le contrat, durant la vie des 2 co-abonnés ?
Madame S. peut disposer librement, sous sa seule signature, des bénéfices du contrat effectuant des remboursements, tant que ces retraits ne viennent pas réduire le capital initialement investi. En revanche, Caroline ne pourra procéder à aucun rachat sans l’accord de sa mère.
Le rachat total ou partiel, diminuant la valeur du capital investi, sera possible mais nécessitera la signature de l’usufruitier et du nu-propriétaire. Si les fonds issus du rachat ont vocation à être réinvestis, cela doit se faire sur un bien démembré pour respecter les droits de chacun. Mais il sera également possible (toujours sous réserve de l’accord de Mme S. et de sa fille) de verser l’intégralité des sommes à l’usufruitière (Madame S.) de manière quasi-usufruitière, sous réserve de l’entente de leur cosignataire d’un accord enregistré.
En cas de remboursement au contrat
Des remboursements seront possibles, à condition que les fonds proviennent de la réutilisation des sommes provenant de la vente d’un bien démembré dans les mêmes conditions (Caroline : nue-propriétaire, Mme S. : usufruitière). Cette éventualité pouvait être envisagée si Mme S. et Caroline souhaitaient présenter un compromis pour revendre l’un des lieux de location divisé en deux, après le décès de MS, et remettre sur ce contrat les fonds correspondant à ce démembrement.
Comment assurer la bonne gestion de ce contrat ?
Pour la gestion de ce contrat d’assurance-vie (arbitrage, remboursements, modification de la clause de garantie, etc.), une convention précisant les modalités de fonctionnement sera mise en place entre l’assureur, Mme S. et sa fille Caroline. Cet accord est essentiel. En effet, il doit être rédigé dans le but de respecter les droits de chacun, dans un esprit de simplification de l’utilisation de ce placement. Cette convention régira également les relations entre l’assureur et chacun des co-souscripteurs. Il doit faire partie intégrante du contrat au moment de la souscription.
L’exposition au risque de ce contrat et la nature de la gestion financière retenue (gratuite, sous mandat ou recommandée) doivent être déterminées au moment de la souscription. Des conseils de gestion, notamment en ce qui concerne le niveau de risque souhaité, peuvent également être inclus dans l’accord. Ces éléments sont à étudier compte tenu notamment de la volonté de l’usufruitier de percevoir ou non des revenus de ce contrat, à plus ou moins long terme, et de l’aversion au risque de chacun des co-souscripteurs.
La souscription démembrée à un contrat d’assurance-vie : un instrument de transmission intergénérationnelle
Madame S. sera libre de percevoir ou non les revenus de ce capital tout au long de sa vie. Cette solution permet également, si Mme S. n’a pas besoin de revenus complémentaires, de laisser le contrat se développer. Dans ce cas, au décès de Madame S., le contrat de capital et de bénéfices reviendra à Caroline, sans être résolu et sans aucune imposition. Il peut donc décider de conserver le contrat initialement signé avec sa mère, sans avoir à transférer les fonds sur un autre contrat d’assurance-vie.
Au décès de Caroline, ses enfants Marine et Julien (petits-enfants de Mme S.) récupéreront le capital décès restant et bénéficieront des avantages de la taxe décès applicable à l’assurance-vie, notamment l’indemnité de 152 500 euros (2) chacun, car le contrat initial a été établi lorsque sa mère, Caroline, avait moins de 70 ans.
Caroline pourrait également, après le décès de sa mère, modifier la clause de bénéfice et désigner ses petits-enfants (3e génération et arrière-petits-enfants de Mme S.) bénéficiaires d’un pourcentage du capital. Ils peuvent également bénéficier de la réduction de 152 500 euros.
Dans ce cas, un contrat d’assurance-vie peut devenir un outil de transmission intergénérationnelle très puissant.
Attention, si Caroline décède prématurément, avant sa mère, Mme S., le contrat conclu avant que Caroline ait 70 ans est résilié (CGI 990I s’applique). Chacun des couples constitués de l’un des petits-enfants et de sa grand-mère, c’est-à-dire Julien et sa grand-mère d’une part et Marine et sa grand-mère d’autre part, se partagera fiscalement le capital décès et l’abattement de 152 500 euros selon la valeur fiscale de l’usufruit (déterminée en fonction de l’âge de sa grand-mère).
Pour mesurer l’impact du décès de Caroline avant sa mère, imaginons que les fonds n’aient pas été réutilisés en assurance-vie, mais en parts de SCPI. Dans ce cas, le mécanisme de répartition dans les couples (la grand-mère et chacun des petits-enfants) reste identique, pour calculer la valeur fiscale de l’usufruit. En revanche, le calcul des droits des enfants de Caroline, sur la partie concernant les parts de SCPI, ne se fera que sur la valeur de la nue-propriété de ces parts transmise aux petits-enfants par le décès de sa mère
On voit que plus l’usufruitier sera jeune au moment du rengagement, plus le décès du nu-propriétaire avant celui de l’usufruitier interviendra « rapidement » après le rengagement, et plus le décès du nu-propriétaire propriétaire avant celui de l’usufruitier sera « rapidement ». Plus le montant employé sera important, plus il pourrait être coûteux au moment du décès d’avoir choisi une assurance-vie.
Voici un exemple pour illustrer ce propos :
Le capital récapitulatif est de 1 200 000 euros, l’usufruitier a 55 ans et le décès est survenu dix ans après le réemploi, en présence de deux petits-enfants.
Si l’usufruitier (ordre naturel) décède le premier, le gain fiscal/patrimonial sur l’assurance-vie par rapport à la SCPI s’élève à près de 10% du montant réutilisé ; en revanche, si l’ordre des décès est inversé (pas de propriétaire en premier), la perte est d’environ 6 %.
Gagner en mesure de la solution de réutilisation d’assurance-vie « démembrée » par rapport à la solution de SCPI démembrée.
Comment procéder si Caroline avait des frères et sœurs également nus-propriétaires après la donation en 2007 ?
Dans ce cas, il est souhaitable de conclure un contrat pour l’enfant. En effet, le produit de la vente de l’immeuble aurait été partagé et le solde, après versement de la plus-value par chacun des enfants, réutilisé sur chacun des contrats « démembrés » entre Mme S. et l’un de ses coéquipiers. enfants inscrits..
Si Mme S. a besoin des revenus du capital, il serait souhaitable, pour assurer l’équité entre les enfants, qu’elle répartisse les rachats des gains également sur tous les contrats.
Pourquoi le sujet du démembrement dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie est-il un sujet délicat ?
Contrairement à la « clause bénéficiaire » du contrat d’assurance-vie largement acceptée et pratiquée de longue date, la doctrine de marché et les assureurs eux-mêmes restent très divisés au sujet du démembrement du contrat lui-même.
Si l’on sait en effet parfaitement démembrer la propriété d’un bien, néanmoins, s’il s’agit d’un contrat – a fortiori d’assurance-vie – la question se pose dès lors qu’un contrat n’étant pas un bien détenu par le souscripteur (le souscripteur n’est que le titulaire d’une réclamation), différentes théories juridiques peuvent être présentées. Les partisans du « non » verront notamment à ce sujet des conséquences fiscales néfastes en cas de requalification civile du contrat « rompu ».
Mais rien, à notre avis, n’empêche la co-souscription d’un contrat d’assurance-vie en remploi des sommes issues de la vente d’un immeuble démembré auquel est annexé une convention liant l’assureur, l’usufruitier et le nu-propriétaire du biens cédés, ce dernier étant l’assuré au titre du contrat. Cette convention doit prévoir des modalités précises d’exécution du contrat, en cas de vie comme en cas de décès. En particulier, les droits du cosouscripteur « usufruitier » sur le contrat de son vivant seront similaires aux droits qu’il avait sur les biens démembrés transférés et réutilisés, en termes de « revenus », mais aussi en cas de résiliation. du contrat avant le décès du cosouscripteur assuré « nu-propriétaire » (clause bénéficiaire prévoyant le démembrement du capital décès dans ce cas).

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(1) Aujourd’hui, la réduction serait de 100 000 euros, tous les quinze ans.