Arrivée à Marseille dans les années 1950, la Martiniquaise Françoise Ega a lutté contre toutes les injustices
Petite-fille d’esclave qui ne porte que son prénom, Françoise Marcelle Modock est née dans une famille modeste de la Martinique en 1920. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle arrive en France avec un diplôme dactylographié, et y rencontre Frantz Ega, qu’elle mariée en 1946. Lire aussi : Moselle orientale. Bâtir une entreprise : ça se recycle, ça investit…. Infirmier militaire, l’homme a travaillé dans divers pays d’Afrique avant que le couple ne pose ses valises à Marseille, dans le quartier des Olives (13ème) en 1950. Cinq enfants naissent de cette union entre 1952 et 1958 et très vite, Françoise se trouve confrontée à des récits de témoignages édifiants de ses amies domestiques de la bourgeoisie marseillaise.
Elle-même a décidé de devenir femme de ménage pour mieux comprendre et combattre les enjeux de cette société post-coloniale où foisonnent racisme, sexisme et humiliation de classe. Une expérience menée de 1962 à 1964, qu’il décrira dans Lettres à une noire, ouvrage posthume, sorti en 1978, douze ans après son premier livre, Le temps des Madras, récit de son enfance et de sa jeunesse en Martinique.
Militante et poète
Depuis l’arrivée de la famille dans le bâtiment E de la commune de Busserine, arrondissement de Saint-Barthélemy (14) en 1969, Françoise, que tout le monde appelle Mam’Ega – abréviation de « Maman Ega » -, s’implique dans le vivre ensemble. Il dirige la chapelle Sainte-Claire, gère l’équipe de football indo-guyanaise du quartier et co-fonde les associations culturelles et sportives antillaises-guyanaises de Marseille, l’Amitag et l’Acsag.
A la Maison des jeunes, elle a apporté un soutien scolaire aux enfants en difficulté, et assisté des familles moins fortunées dans leurs démarches administratives, estimant que « l’éducation est la première porte de la liberté ». Passionnée de littérature, membre du club des poètes, elle correspond avec des écrivains célèbres comme Aimé Césaire.
Engagé à gauche, il a lutté contre l’intolérance et l’injustice, gardant toujours ses portes ouvertes à ceux qui le lui demandaient. Il travaille alors à la création d’un centre culturel populaire qui deviendra l’Espace culturel Busserine, ou encore à l’exploitation des bus desservant le quartier.
Une lutte contre l’illettrisme et toute forme d’exclusion
Mais sa santé reste fragile et lorsqu’il meurt subitement, dans la chapelle Sainte-Claire le dimanche matin 7 mars 1976, toute la communauté, tout le quartier est choqué. L’aura était telle qu’en quelques jours, les habitants, pourtant humbles, ont réussi à se mobiliser pour payer le retour du corps de Mam’Ega à son Martiniquais natal, décédé prématurément à l’âge de 56 ans. Une disparition qui n’arrêtera pas l’élan donné par la Marseillaise, poétesse et militante, à cette personnalité hors du commun.
En 1988, le Comité Mam’Ega est créé dans le but de poursuivre le travail engagé par Françoise Ega contre l’illettrisme et toutes les formes d’exclusion, sous le regard généreux de Jean-Pierre Ega, l’un des fils de Mam’Ega qui vit toujours à Marseille. . Quant à son veuf Frantz Ega, il rentre en Martinique fin 1980. Médaillé de la Légion d’honneur en 2009, en tant que vétéran des Antilles dans l’Armée française libre, il décède le 21 février, à l’âge de 102 ans.
Si une plaque honore depuis longtemps la mémoire de Françoise Ega à La Busserine, ce n’est que depuis avril 2019 que la rue qui porte son nom est dans le quartier. Une autre, nommée Marcelle-Ega, lui rend hommage à Fort-de-France, en Martinique, tandis que la bibliothèque du centre culturel de Morne-Rouge, sa ville natale, porte le nom de Françoise-Ega.