Pour son avocat, les experts n’ont pas décelé le profil inquiétant de son client. Un an après avoir éteint le feu, l’homme a tué le père Olivier Maire.
C’est un homme lent, emmitouflé dans une épaisse parka rouge, qui a pris place, mercredi 28 décembre, à 15h36, dans le box du tribunal correctionnel de Nantes. Bouc bien entretenu et lunettes bien portées, Emmanuel Abayisenga, qui fête ses 42 ans dimanche, a l’air plutôt bien pour sa première apparition publique en près de trois ans.
Bref, selon la formule consacrée, on lui donnerait volontiers le Bon Dieu sans confession. Le diocèse de Nantes, pour sa part, s’est majoritairement contenté de lui laisser les clés de sa maison principale, en l’occurrence la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul, où celui qui est arrivé en France en 2012 a appris à devenir un bénévole actif et essentiel.
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Pendant plusieurs années, rien à dire, tout s’est bien passé. Et puis, le 18 juillet 2020, ce serviteur bien-aimé a déclenché un incendie dans l’immeuble, provoquant un violent incendie et des dégâts irréversibles. Arrêté une semaine plus tard, il a tout avoué mais n’a rien expliqué.
Puis deux psychiatres ont pris le relais. Détectant un traumatisme important lié à son pays d’origine, le Rwanda, et à son parcours de migrant, il a été diagnostiqué avec un trouble mental et neurologique qui avait altéré son discernement, mais ne présentait aucun risque pour l’ordre public et la sécurité des personnes.
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Sur la base de ces conclusions, présentées le 3 mars 2021, l’ancien serviteur diocésain a donc été libéré sous contrôle judiciaire le 31 mai, et accueilli par les missionnaires montfortains de Saint-Laurent-sur-Sèvre, en Vendée.
Le matin du 9 août de la même année, il se présente à la gendarmerie locale pour s’accuser du meurtre du père Olivier Maire, dont le corps est retrouvé couvert de contusions. Interné dans le processus, il a passé près d’un an et demi dans une unité spécialisée avant d’être placé en détention provisoire sous le régime classique.
Contre-expertise psychiatrique refusée
A la lumière de cette chronologie dramatique, peut-on juger les seuls faits de « dégradation ou détérioration du bien d’autrui par des moyens dangereux » – passibles de dix ans de prison – les dissociant complètement du meurtre présumé un an plus tard ? A voir aussi : Une scène à Délémont – quand Charles L’Eplattenier peint….
Autrement dit, l’expérience de mars 2021 est-elle toujours d’actualité ? « On peut faire semblant de ne pas lier ces deux affaires », a déclaré l’avocat d’Emmanuel Abayisenga, Me Quentin Chabert. Mais quel sens cela aura-t-il à la fois d’avoir une condamnation dans celle de la cathédrale et une irresponsabilité criminelle dans celle d’Olivier Maire ? »
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Car la défense est formelle : l’état mental des quadragénaires, en proie à un profond traumatisme, n’aurait en réalité pas évolué entre les deux événements. Ni sa dangerosité, dont l’expérience unique lui aurait « complètement manqué » avant le crime.
Or, si ce dernier se trompait tragiquement sur ce point crucial, peut-être se trompait-il aussi sur le reste. En particulier, sur le caractère simplement altéré et non aboli – ce qui rendrait l’accusé inaccessible à une sanction pénale – du discernement au moment d’allumer le feu.
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Si le tribunal n’a pas voulu remettre en cause cet élément clé du dossier en rejetant la demande de contre-expertise psychiatrique, il a reconnu, néanmoins, que la personnalité actuelle de l’ancien volontaire est discutable. A ce titre, le prévenu devra subir d’autres réexamens avant le 29 mars pour évaluer sa capacité à suivre son propre jugement, par exemple, si la présence d’un membre du personnel médical à l’audience est nécessaire.
Le Rwandais de souche l’a en tout cas reconnu : sans les antidépresseurs qu’il amène en prison, il serait submergé par ses « délires ». Était-ce déjà le cas en juillet 2020 ? Pour son avocat, c’est clair : « La question est presque exclusivement psychiatrique. »
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