Mais quelle est la vraie valeur des cuillerées de miel et de tisane au thym ? Si peu de publications scientifiques ont jusqu’ici évalué leur efficacité, un groupe de recherche de l’Institut universitaire de médecine de la famille et de l’enfance de la Faculté de médecine de Genève (IuMFE) a entamé une vaste enquête sur le sujet. Il introduit les premiers éléments.
Côté définition
En l’absence de définition générale, le groupe de recherche suisse a choisi d’appeler « médecine de grand-mère » un médicament ne contenant aucun composant actif spécifiquement commercialisé pour son effet thérapeutique et ne nécessitant pas l’aide extérieure de thérapeutes. Ainsi, les médicaments en vente libre, les phytothérapies commercialisées pour une indication précise (huiles essentielles ou compléments nutritionnels par exemple), les thérapies physiques (kinésithérapie, ostéopathie, hypnose, etc. A voir aussi : Grève dans les laboratoires : quelles analyses médicales seront possibles ?.) ou les méthodes plus spécifiquement liées aux médecines complémentaires (homéopathie, phytothérapie, acupuncture, etc.). Comme leur nom l’indique, les remèdes de grand-mère sont pour la plupart des traitements dont les indications se transmettent de génération en génération.
Un nouveau duo patient-médecin
Les remèdes de grand-mère se glissent-ils souvent dans les consultations médicales ? L’équipe suisse a posé la question aux patients et aux médecins. Un sentiment quasi unanime dès le départ : généralement leurs médecins manquent de connaissances sur le sujet. De leur côté, les médecins généralistes interrogés ont reconnu avoir prescrit quelques-uns de ces médicaments, la plupart manifestant une certaine gêne à conseiller des traitements dont l’efficacité n’avait pas été prouvée dans des essais contrôlés randomisés. Le côté (positif) de la médaille : cette situation pourrait favoriser la relation entre le patient et le médecin et permettre à certains patients, endossant le rôle de « patients-experts », de jouer un plus grand rôle dans leur propre santé.
Miel, thym et citron: les trois stars
Menée auprès de 1012 personnes, la recherche menée par l’IuMFE révèle un net plébiscite du miel, du thym et du citron comme médicaments utilisés et reconnus efficaces pour traiter les maux de gorge, la toux et le rhume. A noter également la présence de thé et de lait chaud sur la liste, notamment pour soulager une toux. Des résultats faisant écho aux pratiques constatées en Europe et ailleurs dans le monde et quelques recommandations. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) propose, par exemple, l’utilisation d’infusions de miel et de citron pour soulager les maux de gorge chez les enfants et plusieurs revues scientifiques ont conclu que le miel est efficace pour traiter la toux associée aux infections des voies respiratoires supérieures. Le miel serait efficace en raison de son activité antimicrobienne. Associé au citron, il permettrait un « recouvrement » du pharynx endommagé par l’inflammation, une action qui faciliterait le passage de la salive et réduirait la douleur. Une méta-analyse confirme l’efficacité des préparations à base de thym (mais aussi de lierre et de primevère) pour soulager la toux. Le thym serait efficace en raison de son activité anti-inflammatoire. Quant aux effets secondaires ? S’il existe peu de publications scientifiques sur le sujet, les données actuelles sont encourageantes notamment pour le miel, le citron et le thym. Le seul inconvénient est le (faible) risque de botulisme lors de l’utilisation du miel chez les bébés de moins d’un an.
Une réflexion aussi écologique
Représentant près d’un cinquième de l’empreinte carbone du système de santé, les traitements pharmacologiques ont un impact environnemental important. De plus, sur ordonnance ou en vente libre, leur utilisation entraîne un coût, non négligeable non plus, pour la collectivité et pour les particuliers. Ainsi, les auteurs de l’étude suisse soulignent que l’utilisation de médicaments de grand-mère pourrait, dans certains cas, contribuer à réduire cet impact environnemental et économique inhérent aux produits pharmacologiques.
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* Adapté de Maisonneuve H, Sebo P, Sommer J, et al. Utiliser les remèdes de grand-mère en ORL : la recherche éclaire nos pratiques et celles de nos patients. Rev Med Suisse. 2022/781 (Vol.8):925-929.
Paru dans le magazine Planète Santé n°46 – Septembre 2022