« Les mesures qui sont proposées par le rapport Braun sont du bricolage », regrette le porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France sur franceinfo.
« Ces recommandations sont troublantes et mettent en danger la population », a déclaré le docteur Christophe Prudhomme, médecin urgentiste au Samu 93, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) et délégué national, sur franceinfo le jeudi 30 juin. La CGT Santé, alors que le projet de rapport de la « mission éclair » sur les maintenances non planifiées a été présenté jeudi à Matignon. Le Dr François Braun a partagé 41 propositions pour pallier l’été « à haut risque » dans les services d’urgence. Selon lui, le Dr Braun, auteur des propositions, est « un relais politique pour M. Macron ». Christophe Prudhomme appelle notamment « à stopper l’hémorragie des démissions à l’hôpital ». Et il prône « un débat urgent à l’Assemblée nationale sur l’avenir de notre système de santé ».
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franceinfo : Les recommandations de la mission Braun vont-elles dans le bon sens ?
Dr Christophe Prudhomme : Ces recommandations dérangent et mettent en danger la population. Avoir un service d’urgence à 30 minutes de chez soi, ouvert 24h/24, 365 jours par an, n’est pas une option. C’est une nécessité absolue pour assurer la sécurité de la population. Il y a déjà des morts et il y aura des morts.
« La population est mise en danger par ce rapport. »
porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France
M. Braun, il n’est plus médecin. C’est le relais politique de M. Macron. Nous avons gagné du temps. Nous avons passé les élections législatives. Il a publié un rapport avec des propositions pour les gestionnaires de lits. Ce n’est pas nouveau. C’est une invention de Madame Bachelot lorsqu’elle était Ministre de la Santé et elle s’est avérée totalement inefficace pendant 10 ans. Nous n’avons pas besoin de gestionnaires de lits. Nous avons besoin de lits ouverts. Nous sommes dans une impasse. Et cela vaut aussi pour les maternités. Il y a des maternités qui vont fermer cet été. La femme qui pensait accoucher à 10 km de chez elle, on risque de lui dire, la maternité est fermée, il faut partir à 50 km. Et elle risque d’accoucher en chemin. C’est la réalité. C’est catastrophique.
Que faire pour répondre à la crise cet été ?
Il faut arrêter l’hémorragie des démissions à l’hôpital. Car les personnels n’ayant aucun espoir d’améliorer leurs conditions de travail et leur rémunération quittent massivement l’hôpital. Nous étions déjà en sous-effectif. Mais là, on assiste à ce qu’on appelle la grande démission, tous les salariés confondus. Le système doit être revu. En Allemagne et en Autriche, tous les médecins participent à ce qu’on appelle le séjour de soins. Ils prennent des gardes. Si nous avions demandé à tous les médecins de faire un effort – qu’ils soient généralistes, spécialistes de ville, qu’ils travaillent en clinique, à l’hôpital – pour faire des quarts de nuit, les week-ends et les jours fériés, nous aurions pu trouver une solution. Là, la solution c’est : il n’y a pas de médecin, on ferme. Et le pire de tout. Imaginez que dans les véhicules Samoa, vous n’aurez plus de médecin, vous aurez une infirmière. Tout retard dans la prise en charge d’un patient est ce qu’on appelle pudiquement une perte de chance par manque de ressources. Ce sont des décès évitables.
Comment éviter ces démissions de soignants ?
Il faut arrêter de nier la réalité de la situation. On continue de nous proposer des transformations d’hôpitaux avec des fermetures de lits lorsqu’il n’y a pas de lits. Le Ségur de la santé devait tout régler. Mais malgré l’augmentation de 183 euros, qui est une prime, les infirmières françaises gagnent toujours moins en parité de pouvoir d’achat que leurs collègues mexicaines. C’est la réalité. Rien n’a été fait depuis trois ans. Quand il y a eu une urgence aux urgences en 2019, on a demandé un plan de formation et des embauches massives à l’hôpital.
« Beaucoup de services sont fermés parce qu’ils manquent d’infirmières. Il faut revoir l’organisation du système. Là on ne change rien au système. »
Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France
On continue de ne pas réglementer l’installation des médecins, on continue de les rémunérer à l’acte, on continue d’avoir des hôpitaux où il y a des services spécialisés qui ne répondent plus aux patients. À un moment donné, vous devrez arrêter de bricoler. Les mesures proposées par le rapport Braun sont concernées. Les conséquences sont qu’à la rentrée nous aurons encore des démissions. Et l’hiver prochain sera pire que cet été. C’est une question politique. Je demande un débat urgent à l’Assemblée nationale sur l’avenir de notre système de santé. Le système de santé est-il un service public ? Ou continuons-nous à louer avec le public, le privé ? Si on veut passer à l’américaine, nous dit M. Macron. Mais le système américain, c’est des inégalités massives avec des conséquences pour la population qui sont catastrophiques.