« Moi, le docteur, je ne veux pas mourir : je ne crois pas »

Rédactrice passionnée depuis plus de de 15 ans. Sara vous trouve les dernières infos

Elle n’en peut plus. Pour ne pas craquer ou penser au pire, le Dr Sylvie Cabrita, médecin généraliste qui habite depuis 20 ans à Pontoise dans le Val d’Oise, vient de prendre une décision radicale. Dans un an, elle sera en désordre. C’est le discours de François Braun sur les droits et devoirs des médecins généralistes qui l’a finalement convaincue. Lassée d’être pointée du doigt face au problème de l’abandon médical, la praticienne en a marre de ses conditions de travail. Cela demande de la considération et de la bienveillance.

« J’exerce seule dans un immense désert médical. C’est le désert de Gobi. Je travaillais en groupe mais ma compagne m’a quitté fin juillet. Elle avait une proposition intéressante dans laquelle elle a arrêté la médecine générale pour ne faire que de la gynécologie pure. l’ancienne compagne, avec qui j’ai travaillé 15 ans, s’est installée à Paris pour faire de l’esthétique, et elle est super contente.Mes deux compagnes m’ont quitté assez brusquement, donc je n’ai pas, je ne veux pas chercher quelqu’un d’autre. Je suis brûlé. .

Je m’occupe donc d’environ 40 patients par jour. Je suis maître de stage et mon interne voit entre 15 et 20 patients par jour que je reviens chercher. Je fais des consultations vidéo d’urgence en face à face et mes prochains rendez-vous disponibles pour le face à face sont en février. Et je ne parle pas des rajouts… Depuis la rentrée en septembre, je travaille de 8h à 20h minimum, quand ce n’est pas plus tard. Je mange des soupes ou des repas d’urgence au bureau. Je n’ai plus de vie, je suis au bord de l’épuisement.

À Lire  Comment bien choisir son matelas? Le guide complet

« Nous ne sommes plus humains »

L’année dernière, mon frère a découvert le cancer. Il est décédé en juillet. Je n’étais pas présent. Mon père était malade, il a eu sa première hospitalisation en avril dans des granges. En octobre, il a eu une autre hospitalisation d’urgence dans la grange, je pensais l’avoir perdu plusieurs fois. Je jongle entre mes consultations, amenant ma mère voir mon papa… En octobre je me suis blessée, j’ai dû annuler une après-midi de consultation. En reportant mes rendez-vous, j’ai eu des commentaires de patients qui trouvaient inacceptable que j’annule à la dernière minute. J’ai travaillé le lendemain, ces patients ne le seraient sûrement pas s’ils étaient blessés. Nous ne sommes plus humains.

Je viens de perdre un autre parent, ce qui m’a empêché d’aller à la manifestation des médecins le 1er décembre. Mais j’ai vu que notre collègue, le Dr Braun, nous trahissait, nous parlait de droits et d’obligations et des 600 000 patients ALD sans médecins traitants, alors que les médecins ne pouvaient plus faire face. Et ce serait à nous de trouver une solution !

« Combien d’entre nous mourrons ? »

Cette situation a été décidée par 30 ans de gouvernements. Après ma deuxième année de médecine, en 1991, nous avons réduit le numerus clausus alors que nous savions déjà que nous allions manquer de médecins. Ce manque de médecins est une situation calculée et souhaitée. Et maintenant, ce serait encore à nous de nous sacrifier. Combien d’entre nous mourrons ? J’avais déjà eu peur en 2015 avec la loi Marisol Touraine. Je devrais arrêter alors. Nous sommes toujours les méchants. Je ne peux plus rejoindre ce système.

À Lire  Les doutes. La mairie de Saint-Vit veut racheter le club échangiste

Une de mes collègues qui est aussi épuisée doit rembourser l’Assurance Maladie car elle a fait trop de téléconsultations lorsqu’elle a contracté le Covid pour la troisième fois et a continué à travailler. Elle a travaillé à distance parce qu’elle ne pouvait pas le faire physiquement et elle doit rembourser. Quelle autre profession accepte de travailler malade pour s’occuper de personnes parfois bien moins malades que nous, et à qui l’on demande de rembourser ? C’est du vol et du harcèlement. Elle va immédiatement demander 10 000 euros à la banque, car elle n’a pas de quoi payer ses dépenses. Quel genre de travail, à responsabilités égales, existe-t-il? C’est pleurer.

« Je ne peux plus être dans l’abus et le mépris »

J’ai pensé à m’en sortir pendant un moment. J’ai douté. J’ai pris la décision ce week-end [3/4 décembre] alors j’ai pleuré plusieurs fois à ce sujet. J’ai prévenu les patients et ce matin j’ai prévenu officiellement mes collègues, donc je ne pouvais pas revenir en arrière. J’ai encore pleuré pendant une heure et demie ce matin. Ma décision est…