« Ne sous-estimez pas Atos malgré le cours actuel de son action » (Nourdine Bihmane, PDG d’Atos)

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LA TRIBUNE – Atos traverse une période très difficile depuis deux ans et va se scinder en deux en 2023. Le nouvel Atos, que vous dirigerez, ne conservera que le cœur de métier historique, à savoir externalisation informatique. C’est une activité en forte baisse depuis que les entreprises ont massivement migré vers le cloud public dominé par les Gafam. Comment comptez-vous vous remettre sur les rails ?

NOURDINE BIHMANE – Le cloud a complètement révolutionné l’informatique. A l’origine de ce mouvement, des champions de l’externalisation comme HP, IBM ou Atos se disaient que les entreprises, les collectivités et les administrations n’abandonneraient pas le contrôle de leur parc informatique pour mettre leurs données et leur infrastructure dans le cloud. C’était une erreur bien sûr. Atos ne s’est pas rendu compte assez tôt de la pertinence des services fournis sur le cloud public, ce qui a permis à Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud de dominer ce marché. Ainsi, les acteurs de l’infogérance ont évolué en proposant, en plus de la gestion quotidienne du parc informatique des clients, des plateformes de cloud privé, qui nous ont permis de limiter cette fuite vers les Gafam, tout en permettant à nos clients de bénéficier de la flexibilité et des nouvelles potentialités du cloud. . Mais le passage au cloud public, et notamment à ceux des Gafam qui captent l’essentiel de la croissance, est inéluctable. C’est ce que veut le marché, on ne peut pas lutter contre ça. Il faut donc s’adapter à cette nouvelle donne, car ce n’est pas parce que les entreprises basculent vers des hyperscalers cloud qu’elles n’ont pas besoin de services externalisés pour les aider à optimiser leurs infrastructures.

Amazon Web Services vient d’annoncer la signature d’un partenariat exclusif avec Atos, qui prévoit que vous proposez les services cloud d’Amazon préférentiellement à vos plus gros clients. L’avenir d’Atos est-il d’aider Amazon à consolider sa position dominante en France, où il pèse à lui seul 46 % du marché ?

C’est un partenariat gagnant-gagnant. La réalité est qu’une partie de nos clients se tournent vers le cloud public, et beaucoup vers Amazon. Et lorsqu’ils le font, non seulement Atos perd des revenus, mais nous nous retrouvons également avec une infrastructure sous-utilisée. Le partenariat avec AWS résout ce problème métier, car nous gardons la relation avec les clients tout en migrant vers le cloud public pour gérer une partie de ces infrastructures.

Le défi avec les hyperscalers (premiers fournisseurs de cloud, ndlr) est qu’il faut de solides compétences techniques pour tirer le meilleur parti de leurs services. L’accord prévoit donc qu’AWS forme 3 000 employés d’Atos à ses dernières technologies. Le partenariat va dans les deux sens : nous proposons leurs services à nos clients qui souhaitent migrer vers le cloud public, mais nous devenons en retour leur partenaire stratégique.

Il ne faut pas oublier que le monde du cloud se complexifie. Nos clients sont hybrides, ils veulent le cloud public pour certaines activités afin de bénéficier de l’évolution technologique d’AWS, mais ils gardent aussi le cloud privé. Ils ont besoin d’acteurs capables de comprendre et surtout de maîtriser toute cette complexité, de la sécuriser et de leur offrir un niveau de service que nous seuls pouvons apporter, qui leur permette de gérer toute leur chaîne de valeur dans le cloud.

Actuellement, les activités à haute valeur ajoutée technologique d’Atos se concentrent sur la cybersécurité, les données, le calcul haute performance et les simulateurs quantiques. Ce sont aussi les seules activités qui se développent. Mais demain, Atos sera séparé, car ils se regrouperont au sein d’une nouvelle société indépendante, Evidian. Refusez-vous l’ADN d’Atos d’être le leader technologique français ?

Non, car Atos ne va pas devenir un simple vendeur d’Amazon Web Services. Même après la scission, le nouvel Atos restera le numéro un européen en termes d’infrastructures et d’espace de travail numérique. Nous restons un groupe technologique et des investissements sont prévus dans les technologies liées à notre secteur d’activité, comme le cloud ou la réalité virtuelle et augmentée, qui contribueront à l’évolution du travail.

Dans le cloud, Doctolib exploite ses systèmes sur AWS, mais Atos sécurise toutes les clés de chiffrement pour Doctolib concernant les données stockées dans AWS. Dans le cadre du partenariat, nous proposons donc des services complémentaires où nous apportons notre propre technologie. Certains de nos clients qui sont passés aux clouds publics ont également vu leurs factures exploser car les hyperscalers proposent un grand nombre de services et des factures complexes. Les directeurs financiers font donc appel à notre expertise technologique pour les aider à gérer leur facturation et à optimiser leurs coûts. Notre valeur vient donc du conseil mais aussi de la maîtrise des technologies hyperscaler et de la connaissance des enjeux de nos clients, ce qui nous permet de proposer des services complémentaires.

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A l’heure où l’on parle de plus en plus de souveraineté numérique et où l’écosystème cloud français et européen tente de s’imposer comme une alternative crédible à Amazon, Microsoft et Google, n’est-il pas contre-productif qu’un acteur français, Atos, aide’ le premier leader mondial du secteur à renforcer ses positions en France ?

L’avenir sera aux hyperscalers, c’est la réalité du marché. A partir du moment où nos clients nous disent « on va chez un hyperscaler », notre rôle n’est pas de leur dire d’aller plutôt chez un Français, mais de continuer à les accompagner et à assurer la sécurité de leurs données. Pour l’instant, la souveraineté technologique est illusoire en Europe, tant qu’on ne maîtrise pas le code source il n’y a pas de véritable souveraineté. Le problème devient plutôt la sécurité des données et de l’infrastructure. Un véritable écosystème cloud européen souverain est souhaitable, mais aujourd’hui on ne peut plus se passer des acteurs américains. Si nous voulons sortir, nous perdrons nos clients. Cela dit, nous ne travaillons pas seulement avec AWS, mais aussi avec OVHCloud par exemple.

Atos développe-t-il un « cloud de confiance » avec Amazon Web Services, sur le modèle Blue (Microsoft Azure avec Orange et Capgemini) et S3ns (Google Cloud avec Thales), comme le disait le mois dernier ?

Nous ne commentons pas les rumeurs.

Quelles sont les autres activités du nouvel Atos en dehors de l’externalisation ?

Le nouvel Atos compte au total 52 000 employés dans le monde, soit un peu moins de la moitié de l’effectif global du groupe avant la scission. La plupart sont aux États-Unis, notre premier marché. L’infogérance pesait 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021 [sur 10,8 milliards pour l’ensemble du groupe, NDLR], dont la moitié dans des data centers. L’autre moitié est essentiellement dominée par nos activités dans le « digital workplace », c’est-à-dire services de gestion externe de l’environnement numérique de travail des entreprises. Gartner nous présente dans son rapport annuel Magic Quadrant de février 2022 parmi les quatre leaders mondiaux de ce marché, pour la sixième année consécutive.

Nous utilisons des environnements de travail hybrides, sécurisés et performants, devenus incontournables pour les entreprises du monde post-Covid. Nos services sont divers : support à distance des utilisateurs finaux, support de leurs équipements, mise à disposition d’ordinateurs physiques ou virtuels, multiples services d’automatisation et de collaboration basés sur l’intelligence artificielle pour améliorer l’engagement et la performance des collaborateurs… Cette activité nous permet d’avoir 5 millions d’utilisateurs mondial. Nous avons également une activité de services professionnels, principalement en Europe, que nous comptons déployer aux États-Unis. La grande majorité de ces activités seront conservées dans le nouvel Atos.

Comment Atos en est-il arrivé à cette position d’extrême fragilité ? Le chiffre d’affaires 2021 est en baisse par rapport à 2020, le cours de l’action a plongé de 75% depuis janvier et l’entreprise sera scindée en deux…

C’est une combinaison d’erreurs stratégiques et d’évolutions du marché, notamment en matière d’externalisation. Atos est une grande entreprise mais elle a beaucoup grandi avec des acquisitions sous Thierry Breton dans les années 2010. Quand j’ai rejoint Atos il y a 21 ans, nous étions 5 000 employés, maintenant nous sommes 112 000 dans le monde. Les acquisitions majeures nous ont donné le statut de grand groupe mondial, elles ont créé de l’envergure et une clientèle importante, mais elles ont aussi complexifié notre portefeuille. Certaines acquisitions n’ont pas abouti, nous n’avons pas eu le temps d’intégrer certaines équipes et certains produits. La complexité de tout cela ne fonctionne plus et ne génère pas assez de valeur.

La réorganisation du travail depuis un an, décidée par le conseil d’administration présidé par Bertrand Meunier, devrait assainir tout cela. Le travail que nous menons avec Philippe Oliva et Diane Galbe devrait permettre au nouvel Atos d’une part, et à Evidian d’autre part, de bien démarrer. La division des activités en deux branches est cohérente car la multiplication des activités au sein d’une même entreprise crée la confusion et le chaos. Il est plus sain d’avoir deux entreprises prospères opérant sur leurs marchés respectifs qu’une qui manque de concentration.

Quelle est votre stratégie pour retrouver de la croissance avec les activités historiques d’Atos, alors que vous ne récupérez que les activités en déclin ?

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Atos a souffert d’un manque d’investissement et d’un manque de concentration et de clarté dans sa vision. Ma stratégie s’exprime en trois étapes. Le premier est le recentrage, dans le but de rationaliser le portefeuille. Atos a essayé d’être partout, mais s’est perdu en cours de route. Atos est un prestataire de services, c’est un marché nécessaire d’avenir. Nous arrêterons certains contrats et activités qui ne sont plus stratégiques et recentrons les investissements.

La deuxième étape sera la période de récupération. Nous souffrions de l’impact des pure players indiens qui sont entrés sur notre marché de l’externalisation avec des tarifs très compétitifs. Nos prix ont donc baissé, mais les coûts n’ont pas été rationalisés en Europe continentale. Notre plan de transformation prévoit donc d’injecter 850 millions d’euros sur cinq ans, dont 80 % dans les deux prochaines années, pour réorganiser cette activité.

La troisième phase sera celle du rebond, avec des investissements dans de nouvelles sources de valeur : le cloud souverain, l’edge computing, la réalité augmentée notamment. L’objectif est de stabiliser le chiffre d’affaires et de redevenir rentable d’ici 2025.

Il n’y aura pas de plan social en France, où le nouvel Atos emploierait 5 700 personnes. D’autre part, nous avons engagé un processus d’information et de consultation des instances représentatives du personnel au niveau européen, en vue d’adapter notre organisation.

Evidian, la branche technologique en pleine croissance d’Atos, semble plutôt polie. Plusieurs joueurs ont exprimé leur intérêt à prendre le relais. Et le nouvel Atos ?

Nous avons également reçu des manifestations d’intérêt pour une reprise. Toutes les candidatures seront étudiées et répondues par le Conseil d’Administration. Dès que nos activités stratégiques au sens de la souveraineté numérique française seront transférées à une autre entreprise, Atos pourra également s’ouvrir à d’autres investisseurs, y compris étrangers. Nous menons une vraie reprise : l’an dernier l’activité d’infogérance a baissé de 12%, mais nous rattrapons plus vite que prévu, nous étions à -2,6% au deuxième trimestre 2022 et déjà à +0,3% au troisième trimestre .

Atos a pris un peu de mal ces dernières années, mais nous menons une restructuration profonde, pertinente et engageante, tant sur le plan commercial que pour une éventuelle acquisition. Sur le plan commercial, nous venons de signer quelques heures avant de vous parler [l’interview a eu lieu le mercredi après-midi 7 décembre, NDLR] un important contrat avec l’UEFA pour être le partenaire officiel de la transformation numérique des 55 ligues de football national, pendant huit ans. Nous leur fournirons de nombreux services d’espace de travail numérique et d’expérience client, comme nous le faisons pour Paris 2024. Atos ne doit pas être décoté malgré son cours de bourse actuel.

Interview de Sylvain Rolland

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