Jusqu’au 4 juin et l’ouverture de « Cosquer Méditerranée », visiter la grotte du même nom était un rêve impossible pour le commun des mortels : découverte en 1985 dans les calanques de Marseille par le plongeur Henri Cosquer, accessible à 37 mètres de fond via un 116- fosse submergée d’un mètre de profondeur où trois plongeurs ont perdu la vie en 1991, cette grotte riche en concrétions recèle avant tout un trésor archéologique : 513 dessins, gravures, symboles et empreintes de mains réalisés de 33 000 à 19 000 avant J.-C., alors que le rivage était à 12 km.
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Chevaux, aurochs, bisons, cerfs géants mégacéros, bouquetins, chamois, antilopes saïga, poissons, mais aussi phoques et manchots composent le fascinant bestiaire d’une grotte paléolithique qui fut ornée à l’ère glaciaire avant d’être partiellement submergée voici 10 000 ans. Pourtant, la montée des eaux se poursuit, condamnant un chef-d’œuvre de l’art pariétal qui a bouleversé nos connaissances sur l’époque.
C’est dans ce contexte qu’est née en 2016 l’idée de réaliser un fac-similé de la grotte Cosquer, portée par le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur Renaud Muselier, passionné d’histoire et plongeur. lui-même : « Il fallait mettre ce patrimoine de l’Humanité à la portée de tous » glisse l’élu à Marianne.
Sanctuaire préhistorique
Pour cela, la Villa Méditerranée, à côté du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), apparaissait comme le cadre idéal : construit en 2013 à l’initiative de la région alors présidée par Michel Vauzelle (PS), ce bâtiment spectaculaire était à l’origine destinés à accueillir des conférences ou des expositions. Ce fut un flop, épinglé quatre ans plus tard par la Chambre régionale des comptes : sa construction, budgétisée à 25,9 millions d’euros, avait coûté 73 millions, auxquels s’ajoutaient des frais de fonctionnement flirtant avec les 700. Ceci pourrez vous intéresser : Consommateur : C’est quoi ce délire autour de l’achat de l’aspirateur sur Amazon encore une fois ?.000 euros annuels. Au fil des ans, cette prouesse architecturale ruineuse était donc devenue une coquille presque vide.
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« Nous nous sommes adaptés au bâtiment, explique Jacques Collina-Girard, préhistorien, géologue universitaire et président du comité scientifique du projet Cosquer Méditerranée. En effet, les 2 300 m2 de la grotte ont dû être contractés dans les 1 750 m2 du niveau – 2 du bâtiment : « Avec sa forme en huit et ses angles difficilement accessibles, la grotte originelle ne pouvait en aucun cas être modélisée à l’identique. Cette restitution offre pourtant l’essentiel. » Ou même plus.
Simulant une plongée sous-marine, un ascenseur emmène les visiteurs dans ce sanctuaire préhistorique, que l’on navigue en silence à bord de « modules d’exploration » – des wagons autonomes et tournants -, tandis qu’un audioguide décrypte chaque ornement, tour à tour souligné par un trait de lumière. Ici et là, des restes de foyer, des outils en silex ou des traces de torches produisent un effet saisissant.
Bestiaire grandeur nature
« J’ai eu l’impression d’entrer dans la grotte juste après le départ de Cro-Magnon », témoigne Kader, plongeur et passionné de Préhistoire venu dès l’ouverture. Autour, les autres visiteurs hochent la tête. A l’étage, on découvre ensuite le bestiaire de la grotte grandeur nature, les traces laissées par Sapiens dans cette région que l’on croyait inhabitée au Paléolithique supérieur, ainsi qu’une présentation des effets du changement climatique. Sur le même sujet : Carcassonne : Les habitants de la prison ne veulent pas de foyer d’accueil à proximité de leur domicile. « Ce musée développe une composante historique, pédagogique et écologique », résume Renaud Muselier, fier d’un résultat « offrant à Marseille un outil attractif de dimension internationale » dans un quartier entièrement repensé ces vingt-cinq dernières années. Budget de l’opération Cosquer Méditerranée : 23 millions dont 9 millions apportés par la Région, premier contributeur d’un projet confié en 2016 à Kléber Rossillon, opérateur privé de sites culturels et touristiques.
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L’autre personnalité ravie de la concrétisation de cette initiative est évidemment Henri Cosquer, certes connu, mais difficilement reconnu : en 2007, la justice lui a reconnu un droit à indemnisation sur l’exploitation de sa découverte, qu’il s’agisse de livres ou de films consacrés à la grotte portant son nom. Pourtant, l’Etat a gagné en appel et devant le Conseil d’Etat en 2011. Cosquer n’a pas obtenu « pas de sous » et surtout « des tracas », comme il l’a récemment confié à l’AFP. Mais comme les trois découvreurs de la grotte Chauvet, payés chacun 0,57 % HT du montant annuel des entrées, Henri Cosquer touchera de nombreuses redevances « amplement méritées », selon Renaud Muselier. A Marseille, on espère 800 000 visiteurs pour cette première année d’ouverture.
Grotte Cosquer à la Villa Méditerranée, Marseille. Adultes : 16 €, enfants 10-17 ans : 10 €, 6-9 ans, 5 €, gratuit jusqu’à 6 ans (ouvert tous les jours)