Leroy Merlin gagne-t-il de l’argent sur le dos des artistes ? C’était l’alarme lancée le 24 décembre par l’illustrateur Quibe. Sur son compte Twitter, l’artiste explique qu’un de ses dessins a été revendu sans son accord par le site Leroy Merlin.
Il explique également avoir trouvé la même illustration sur la plateforme chinoise Ali express à des prix bien inférieurs. En plus d’usurper l’identité de l’artiste, la marque française de bricolage pratiquerait ce qu’on appelle le « drop shipping », dénonce Quibe. Alors que s’est-il réellement passé ? 20 minutes de retour à l’affaire.
FAKE OFF
Dans sa biographie sur Twitter, l’artiste Quibe se qualifie lui-même [non sans sarcasme] de « garçon le plus copié au monde ». Pendant dix ans, l’illustrateur a travaillé pour divers clients, notamment des agences de communication, des éditeurs ou encore des architectes. Ses œuvres sont devenues tendance avec la méthode désormais en vogue du « one line » (une seule ligne continue de dessin) et lui confèrent une certaine particularité, qui, heureusement, lui permet d’être reconnue assez rapidement. Sur le même sujet : Voir l’industrie autrement. L’inconvénient est que ses œuvres sont constamment plagiées dans le monde entier.
Comme ce jour de décembre 2022 où Quibe reçoit un texto. « J’étais chez Leroy Merlin et j’ai vu certains de vos dessins. » L’artiste n’est pas surpris : c’est la troisième fois que cette mésaventure se produit avec la célèbre marque de bricolage. S’il l’avait voulu, ce contrat aurait pu être une belle manne financière pour l’artiste. Sauf qu’aucun accord n’a jamais été conclu avec la marque et Quibe n’est pas forcément intéressé à vendre son travail n’importe où.
Tout porte donc à croire que l’établissement appartenant à la famille Mulliez vend les oeuvres de l’artiste sans son consentement. Sollicité par 20 Minutes à plusieurs reprises, Leroy Merlin n’a pas répondu à nos sollicitations.
L’histoire se répète
Seulement ce n’est pas la première fois que l’artiste se fait voler une œuvre par Leroy Merlin. Déjà en 2019, l’artiste avait été prévenu de la vente de ses oeuvres par la même boutique. A l’époque, Leroy Merlin avait pointé du doigt son fournisseur avec qui un congé avait été signé. La chaîne au triangle vert a décliné toute responsabilité, mais a promis à l’artiste de lui verser les royalties marketing. Voir l’article : Pyramide d’orgonite : définition et avantages. « Nous avions également demandé que la marchandise soit récupérée, ce qui a été fait. Mais accumuler la destruction avec des preuves à l’appui de la destruction, nous n’avons jamais eu cela », se souvient Quibe.
Pourtant, un an plus tard, l’artiste aura la preuve que les œuvres n’ont jamais été détruites. Dans un magasin Leroy Merlin en Aquitaine, Rebelote, un visiteur de la marque retrouve le dessin de Quibe, celui qui aurait dû être détruit après le premier défi. « Ils n’ont pas été détruits et remis à l’inventaire. Puis, six à huit mois plus tard, quelqu’un a ouvert ces boîtes et les a utilisées une seconde fois », se plaint l’artiste. Après une énième demande de l’artiste, ils seront finalement supprimés. Pour que cela ne se reproduise plus, Quibe demande également un rendez-vous avec l’enseigne. Cela n’aura jamais lieu.
Des vendeurs de confiance, vraiment ?
Revenons maintenant à l’année 2022. Habitué à contrecœur à ces mésaventures, Quibe vérifie directement l’alerte de date. Il s’agit cette fois d’une autre œuvre, une tête de cheval, à nouveau dessinée en trait continu. Ceci pourrez vous intéresser : Comment devenir freelance en marketing digital ?. Il suffit de quelques clics pour le trouver. Sans aucun doute, ce croquis de tête de cheval est le sien. Si l’oeuvre n’est pas au catalogue vendu en boutique, le tableau est disponible sur la « Place du marché » de la boutique, un espace animé par Leroy Merlin destiné aux commerçants.
C’est aussi le moyen de défense qu’utilise l’enseigne pour répondre à l’artiste : le tableau est vendu sur la Marketplace, ce n’est donc pas à eux de contrôler. Mais Quibe dit qu’il est surpris. « Dans son intégralité, il est écrit ‘Leroy Merlin a sélectionné pour vous des vendeurs de confiance.’ C’est un engagement. Le vendeur de confiance en question s’approvisionne en fait sur Internet et vend des produits contrefaits », s’interroge l’artiste. Depuis, la référence n’est plus disponible à la vente sur la Marketplace, mais elle était encore visible jusqu’à Lundi 2 janvier. Le lendemain, nous pourrions voir ce message : « La page que vous recherchez a été remplacée. »
Un prix multiplié par quatre
Mais ce n’est pas tout. Quibe note également que son travail, utilisé par Leroy Merlin, est également vendu par la plateforme chinoise Ali Express. Sur ce dernier le prix est de 23 euros. Sur la Marketplace Leroy Merlin, le total est multiplié par quatre. Les oeuvres de Quibe, vendues sur son site, seront assez proches d’une cinquantaine d’euros. Selon l’artiste, cela pourrait se rapprocher du « drop shipping » que Me Elias Bourran du Cabinet Beaubourg Avocats décrit comme « une relation à trois entre le dropshipper, le client et le fournisseur ». Plus simplement, il s’agit d’une livraison directe depuis l’entrepôt sans passer par le détaillant.
Si Quibe veut tirer la sonnette d’alarme, c’est surtout parce que la pratique a mauvaise réputation depuis quelques mois. Elle n’est pas illégale, mais elle a dû former un cadre légal dès sa création car de nombreuses irrégularités avaient été détectées, note l’avocat Elias Bourran. « Fausses étiquettes, politique tarifaire barrée, problèmes liés à la facturation de la TVA ou conditions générales de vente non établies », énumère ce dernier.
Une des pratiques simplifiées par le drop shipping est aussi l’augmentation du prix d’un même produit entre différentes plateformes. « Mais ce n’est pas une pratique commerciale déloyale ou une arnaque. Si j’achète une œuvre d’art à un artiste et que je la revends quatre fois plus dans ma galerie, c’est du commerce », explique l’avocat Elias Bourran.
Une reproduction illicite
Cependant, la ligne reste très mince entre la vente sur une place de marché et le dropshipping. « La différence est que le premier est là où vous achetez, le marché en ligne. La seconde est une activité de liaison entre un client et un fournisseur où une commission est établie ». Si Leroy Merlin n’est pas nécessairement une entreprise de dropshipping, elle fonctionne néanmoins comme une place de marché et est susceptible d’engager sa responsabilité civile et pénale en relation avec les produits proposés sur sa plateforme.
Pour Me Elias Bourran, vendre l’œuvre de Quibe sans son autorisation est une contrefaçon, c’est-à-dire « la reproduction non autorisée de tout ou partie d’une œuvre protégée par le droit d’auteur ». Selon l’article L122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, « toute représentation ou reproduction totale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ». Il s’agit d’un délit pénal et civil passible de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. En cas de contrefaçon organisée, la peine peut aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.
De son côté, Quibe ne veut pas entrer en guerre contre Leroy Merlin. « J’ai toujours ma carte de fidélité avec eux », plaisante-t-il. Mais il se dit épuisé de devoir être policier pour éviter les usurpations. Depuis 2019, avec son avocat, il a commencé à recenser le nombre de plaintes pour des faits similaires. En deux ans, le nombre a atteint 7 000. « Nous avons cessé de les signaler. Mais je me suis coupé la main qu’aujourd’hui il y en a beaucoup plus, peut-être 10 000 voire 12 000.