Un projet de loi très sensible sur l’assurance-chômage est à l’ordre du jour de la session parlementaire qui s’ouvre le 3 octobre. Décryptage du projet de réforme, ses perspectives et ses limites avec François Fontaine, économiste et professeur à l’Ecole d’économie de Paris (PSE).
Enjeux : peut-on réduire le chômage en ajustant la durée d’indemnisation du chômage en fonction de la situation économique ?
François Fontaine : Cette réforme peut améliorer la gestion budgétaire de l’assurance-chômage, structurellement déficitaire depuis le début des années 2000 et qui n’a pas dégagé d’excédent entre 2008 et 2021. Changer la durée de la prestation permet de le faire intelligemment, en dégageant d’importants excédents en période de prospérité tout en rendant le système plus généreux en temps de crise lorsque les demandeurs d’emploi peinent. À ce stade, nous ne savons pas comment reculer lorsque de meilleurs conseils se présentent. Mais là est le problème : si la situation économique est bonne et le chômage faible, il faudrait moduler l’accompagnement des chômeurs pour dégager des ressources budgétaires. Et adoptez une approche plus calme des crises économiques. La modulation annoncée permet de se lier les mains en se donnant des règles cohérentes. Cependant, cela ne suffit pas pour atteindre le plein emploi. Pour cela, il faut aussi regarder au-delà du marché du travail, par exemple pour faire face aux situations de monopole permanent sur le marché des biens et des services. Ils entravent également la création d’emplois.
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Et la modification des règles d’éligibilité a-t-elle rendu le métier plus attractif ?
C’est l’un des éléments les plus importants de la réforme précédente. En effet, aujourd’hui il faut travailler six mois sur les deux dernières années et non plus quatre mois sur les 28 dernières. Cette mesure a renforcé la spécificité française d’un taux d’admissibilité plus rapide qu’ailleurs et d’une éligibilité rapide. Il me semble que ce critère se situe actuellement à un niveau raisonnable, le durcir davantage nuirait gravement aux demandeurs d’emploi les plus vulnérables.
Autre projet gouvernemental, la création de France Travail, qui regrouperait plusieurs entités telles que des caisses locales, des services départementaux d’insertion des allocataires du RSA… Est-ce de nature à améliorer l’accompagnement des chômeurs ?
Oui, tout ce qui peut faciliter le suivi des demandeurs d’emploi est une bonne chose. Aujourd’hui, trop d’acteurs interviennent, parfois sur les mêmes choses, avec des difficultés de coordination : Pôle Emploi, régions, directions locales ou encore départements peuvent intervenir dans le parcours d’un demandeur d’emploi. Un système plus lisible pourrait être imaginé.
Enfin, vous plaidez pour un meilleur accompagnement des petites entreprises dans le recrutement de travailleurs, ce qui permettrait de résoudre les difficultés de recrutement…
Depuis plusieurs années, Pôle emploi a créé des conseillers dédiés aux entreprises, chargés de créer une interface entre les employeurs et les attentes de l’établissement public. Ils aident également les entreprises à rédiger des offres d’emploi et/ou à sélectionner des demandeurs d’emploi en fonction de leurs compétences. C’est une très bonne chose, mais en l’absence de fonds, ce n’est pas suffisant. On pourrait externaliser une partie de cette mission à des opérateurs privés dont c’est le métier et les entreprises seraient libres de choisir, avec des coûts partiellement subventionnés pour les plus petites. On pourrait aussi imaginer des tests de compétences identiques pour tous les demandeurs d’emploi recherchant le même emploi que les entreprises pourraient consulter en ligne pour recruter.