Quelle est l’importance de la loi de finances ?
Il est vrai que la loi de finances définit pour un exercice d’un an la nature, le montant et la destination des ressources et dépenses de l’Etat ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en découle. Il tient compte de l’équilibre économique déterminé ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu’il propose au début de chaque année administrative.
A cet effet, la loi de finances revêt une importance fondamentale car elle détermine les grandes orientations économiques et financières du pays, elle constitue un outil d’accélération des activités économiques, financières et sociales, de stimulation des investissements et de création de richesses.
Comment évaluez-vous la situation économique et financière actuelle en Tunisie ?
Notre pays traverse actuellement une situation économique et financière très critique. La balance commerciale a enregistré un important déficit en 2022 sans garantir au pays les produits de base destinés aux classes pauvres comme le sucre, le blé et l’huile végétale et les produits pharmaceutiques, dont la plupart manquent encore sur le marché.
En effet, à fin novembre 2022, les exportations ont augmenté de 24 %. Elles ont atteint le niveau de 52.164,7 MD contre 42.069,6 MD à la même période de 2021. Les importations, quant à elles, ont évolué plus rapidement au rythme de 33%. En valeur, cette dernière a atteint 75.445,8 MD contre 56.723,4 MD à la même période de 2021, dépassant ainsi le budget de l’Etat.
La loi rectificative de 2022 a enregistré un déficit budgétaire pour l’année 2022, qui s’élève à 9,7 milliards de dinars, sachant que les dépenses dépasseront 50,9 milliards de dinars, alors que les ressources financières sont estimées à 41,3 milliards de dinars. Les chiffres avancés par les autorités tunisiennes relatifs à la loi de finances 2023 sont ambigus et difficilement réalisables. Le nouveau budget de l’Etat pour la nouvelle année est estimé à 69 640 DM avec une augmentation de 14,5% par rapport aux résultats actualisés pour 2022.
L’ensemble du budget repose sur des données très incertaines, dont une croissance du PIB de 1,8%, l’évolution des ressources propres de l’Etat de 12,9% par rapport aux prévisions de la loi de finances rectificative pour l’année 2022 (valeur de 46.424 DM) avec une quasi-augmentation en recettes fiscales, non fiscales et en dons évalués respectivement à 12,5% et 15,7%.
La croissance des recettes fiscales est due, selon les données officielles, à l’importance de la hausse attendue de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés de 8,5 et 8,7% respectivement, en plus de la hausse attendue de la taxe à la consommation, de la taxe sur la valeur ajoutée et des droits de douane.
A la lumière de ce qui précède, force est de constater que l’Etat fonde son budget, pour l’année 2023, sur des données confuses et précaires avec une pression fiscale devant atteindre coûte que coûte 25% du PIB, contre 24,9% actualisés en 2022.
Parallèlement, et en ce qui concerne les dépenses prévues, les salaires atteindront environ 22 771 DM en 2023, soit 14 % du PIB, contre 21 832 DM et 15,1 % du PIB estimés par la loi de finances rectificative pour 2022, et que les frais de gestion augmentation de 25,7%, compte tenu du paiement partiel attendu des prestataires de services de l’État.
En outre, l’État bénéficiera d’une baisse d’environ 8%, en raison d’une baisse de 26,4% des dépenses de subventions et d’une augmentation des transferts monétaires en anticipation de l’effet attendu de la suppression progressive des subventions aux carburants et au fret. Tout cela dans une économie caractérisée par la crise à tous les niveaux et par le désaccord entre le gouvernement et le Fonds monétaire international qui tergiverse à lui accorder la première tranche d’un prêt négligeable par rapport au budget de l’État, tout cela en échange de sommes exorbitantes conditions édictées par le FMI.
Quelles sont les principales dispositions de la loi de finances 2023 ?
En fait, plusieurs innovations ont été enregistrées au niveau de la nouvelle loi, mais nous essayons de nous limiter aux principales.
La première modification concerne l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Irpp) et l’impôt sur les sociétés (IS). Cette disposition prévoit l’unification des taux de l’IRS, l’affirmation de l’objectif d’unification des taux de l’IRS à 15 % avec le maintien du taux de 35 % et la suppression progressive du taux de 10 %.
A partir de 2023, les établissements privés de santé et hospitaliers, les établissements privés d’enseignement et d’enseignement, les établissements de formation professionnelle et de recherche scientifique et les ensembles privés de logements universitaires seront soumis au taux de 15% au lieu de 10%.
Cette première disposition prévoit également la révision du taux de l’impôt anticipé sur les importations, et ce, par l’augmentation du taux de 10 à 15% pour les entreprises en insolvabilité totale ou partielle et pour les entreprises qui déclarent des revenus ou des bénéfices réduits, les 15% l’avance est désormais transférable et non remboursable. Cette disposition sera applicable à partir du 1er janvier 2024, en appliquant des indicateurs objectifs pour le classement des entreprises concernées.
L’instauration d’une retenue à la source est également envisagée en tant qu’avance sur la vente d’alcool, sous la forme d’une avance d’impôt au taux de 5 % sur les achats effectués par les distributeurs de boissons alcoolisées, vins et bières auprès des producteurs.
La deuxième mesure concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Il s’agit surtout de l’unification des taux de TVA à travers l’affirmation de l’objectif de limitation des taux de TVA à deux taux (19 et 7%) et la suppression progressive du taux de 13%. A partir de 2023 diverses activités seront soumises au taux de 19% au lieu de 13%. Il s’agit des architectes et ingénieurs-conseils, dessinateurs, géomètres et topographes à l’exclusion des prestations relatives au cadastre agricole, avocats, notaires, huissiers et interprètes, conseillers fiscaux, comptables, évaluateurs et consultants quelle que soit leur spécialisation.
De plus, les prestations médicales et la chirurgie esthétique sont désormais taxées à 19% au lieu de 7%.
Cette nouvelle loi de finances prévoit également un assouplissement des dispositions fiscales des sommes forfaitaires converties au régime réel. Les sommes forfaitaires reconverties au régime royal doivent signer et déposer auprès de la direction des finances de leur arrondissement une déclaration des impôts et taxes dus selon le modèle fourni par l’administration, en vue de leur application de la taxe sur la valeur ajoutée au plus tard le 15 du mois suivant chaque trimestre.
La troisième mesure concerne les frais d’inscription. Avec cette révision, donc, les droits d’enregistrement et de timbre passeront de 0,6 à 1 DT. En outre, les droits aux opérations suivantes sont ajoutés à l’article 117 du Code du droit d’enregistrement : dont le bon de commande (10 dinars), l’attestation générale de dégrèvement fiscal en matière de taxe sur la valeur ajoutée ou de consommation ou autres taxes sur le chiffre d’affaires (100 dinars), l’attestation circonstancielle de dégrèvement fiscal relative à l’article de taxe sur la valeur ajoutée ou taxe à la consommation ou autres taxes sur le chiffre d’affaires (50 dinars).
Cette loi de finances 2023 prévoit l’instauration de nouvelles taxes, comme l’instauration de la taxe foncière. Cette taxe n’est applicable qu’aux personnes physiques qui possèdent, au 1er janvier de l’année d’imposition, des biens immobiliers situés en Tunisie ou à l’étranger, dont la valeur nette est supérieure ou égale à 3 MD nette des créances afférentes à ces biens et sans il est garanti pour le crédit aux entreprises.
Le taux est égal à 0,5% de cette valeur nette et le bien en question ne doit pas être une résidence principale, un bien utilisé pour l’exercice d’une activité professionnelle et non destiné à la location à des tiers.
Disposition alternative ; améliorer le rendement de la contribution sociale de solidarité (CSS). La révision du taux de CSS applicable aux entreprises (et non aux salariés) pour la période 2023 à 2025 comme suit : 4% pour les entreprises assujetties à l’IS au taux de 35%, 3% pour les entreprises assujetties aux sociétés à fiscalité taux inférieur à 35 %.
La révision du CSS minimum sera la suivante : 500 DT au lieu de 300 DT pour les entreprises assujetties à l’IS au taux de 35%, 400 DT au lieu de 200 DT pour les entreprises assujetties à l’IS au taux de 15% ou 20% et également pour sociétés exonérées, 200 DT au lieu de 100 DT pour les sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés au taux de 10%, 0,5% pour les personnes physiques en application de l’Irpp.
Afin de limiter le recours au numéraire, le régime fiscal applicable aux achats au comptant dépassant 5.000 DT sera revu comme suit : abandon du principe de non déductibilité de la TVA, charges et amortissements pour ces acquisitions, application d’une nouvelle pénalité égale à 20 % sur ces montants avec un minimum de 2 000 dinars. Il est prévu que cette sanction soit généralisée à tous les contribuables, y compris ceux qui ne tiennent pas de comptabilité selon le système comptable des entreprises.
La loi de finances 2023 prévoit également la réduction des délais de remboursement du crédit de TVA de 30 à 21 jours pour les crédits d’investissement direct et d’opérations de restructuration et de 120 à 90 jours pour les crédits d’exploitation.
Cette loi prévoit le contrôle des avantages accordés en matière de TVA. Par conséquent, l’application d’une sanction administrative de 50% du montant de la TVA est envisagée à l’acheteur qui effectue des achats en suspension de TVA sans présenter les bons de commande visés (comme le vendeur) avec la mise en place de l’obligation d’annulation unique certificats d’achat avec suspension de la TVA. Il est également prévu d’augmenter les pénalités de retard en augmentant les pénalités mensuelles pour déclarations tardives de 0,75 à 1,25% du montant déclaré avant l’intervention des services de l’inspection fiscale, de 1,25% à 3% si le retard n’excède pas soixante, de 2,5 % à 5 % si les retards dépassent soixante jours, les pénalités mensuelles, de 1,25 % à 2,25 % en cas de retard constaté par les services de contrôle fiscal.
Une majoration de 10 à 20% à titre de pénalité forfaitaire à concurrence du montant dû est également envisagée. Cette sanction concerne les sanctions sur la TVA et autres taxes appliquées sur le chiffre d’affaires et non déclarées, les taxes applicables en cas d’imposition d’office, les taxes applicables en cas de réduction de l’assiette fiscale ou de fraude fiscale. Il y a réduction du taux de 2,25% à 1,25% prévue par le premier alinéa de l’article 82 du code des procédures fiscales lorsque le paiement est effectué dans le mois qui suit la constatation de la dette fiscale et s’il y a reconnaissance de la dette fiscale avant imposition automatique.
En outre, le montant de la déclaration mensuelle ou trimestrielle ou semestrielle ne peut être inférieur à 10 dinars pour les sommes forfaitaires, 15 dinars pour les personnes physiques soumises au régime royal et 30 dinars pour les personnes morales.
Il est également prévu que la peine minimale de retard prévue par les articles 81, 82 et 85 du code des procédures fiscales passe de cinq à dix dinars. Ce minimum est dû même en l’absence d’un montant de taxe dû. Il sera possible d’accorder aux services fiscaux la possibilité de recourir à des experts locaux et étrangers pour les matières nécessitant une expertise technique ou des compétences spécifiques, à condition que le mandat soit conféré directement par le ministre des finances et que le secret professionnel soit gardé. En outre, les délais de règlement des litiges douaniers seront réduits, séparant les affaires douanières devant les tribunaux des autres affaires de droit public devant le ministère public.
En ce qui concerne les timbres fiscaux, la loi prévoit la mise en place de la possibilité de paiement à distance et avec des moyens électroniques fiables. A la lumière de ce qui précède, nous affirmons d’emblée que ces réformes sont virtuelles et invraisemblables, compte tenu des conditions matérielles difficiles dans lesquelles vivent notamment les personnes physiques et les petites et moyennes entreprises.
En effet, une loi de finances comme celle de 2023, basée principalement sur la fiscalité et la dette nationale et extérieure et en aucun cas sur la valeur ajoutée et la création de richesse, ne peut avoir que des répercussions négatives sur l’économie et affecter réellement la vie matérielle des Tunisiens et rendre très difficile, surtout si l’on s’attend à un ratio dette/PIB qui pourrait encore se détériorer. Cela s’ajoute au déficit budgétaire, au déficit commercial et à une inflation galopante de plus de 9,80% dont les répercussions ne peuvent être que désastreuses.
A votre avis, comment l’Etat tunisien peut-il remédier à la situation économique et financière ?
Ce n’est que lorsque le gouvernement cesse d’être un gouvernement d’entreprise au jour le jour et accorde une grande attention aux citoyens tunisiens comme un moyen et une fin et s’éloigne des solutions faciles.
Ce gouvernement doit travailler selon une stratégie préalablement préconisée et des options claires et réalisables et concentrer ses efforts sur toutes les questions importantes, telles que la construction, l’agriculture, l’économie verte, l’économie numérique, les exportations, l’investissement national et la gestion réelle basée sur une planification adéquate. , organisation rationnelle, direction concordante et contrôle scrupuleux.
Bref, c’est tout ce qui génère de la valeur ajoutée et crée de la richesse, de l’emploi et des exportations. Ceci, en plus de l’amélioration continue dans les domaines de la santé, de l’éducation, des affaires sociales, de la jeunesse et de la justice, entre autres, qui reflètent, pour être honnête, une image pessimiste qui ne correspond pas tout à fait aux projets et aux aspirations de chaque Tunisien .
A cet effet, le gouvernement doit immédiatement mettre en place une politique budgétaire incitative et flexible basée sur le dialogue, la persuasion et la motivation afin d’assurer la meilleure reprise. Les hommes d’affaires doivent être encouragés et encouragés à investir et à créer de nouvelles entreprises, à prendre des mesures strictes et à agir sans compromis et avec fermeté contre le commerce informel, la concurrence déloyale, le dumping et la contrebande, à protéger les produits tunisiens et à imposer des restrictions légales et des taxes sur toutes les importations qui entravent la vente des produits locaux. produits tunisiens.
Le gouvernement doit également mettre en place un programme de sauvegarde de toutes les entreprises tunisiennes visant prioritairement leur restructuration, leur modernisation et leur accompagnement en renforçant leur pérennité et leur compétitivité.
Il est impératif d’augmenter le taux d’inspection des exploitations pour assurer une bonne production, une meilleure productivité et une organisation optimale, d’adopter le mode de réaffectation dans l’administration et les exploitations agricoles publiques, et de réaliser un audit portant sur l’ensemble des terres agricoles publiques et d’opter pour leur redistribution en faveur de ceux de terrain, entre autres, les techniciens et ingénieurs agricoles.
Qui d’autre suggérez-vous comme conclusion ?
A mon avis il est encore temps de sauver la Tunisie. Ne perdez plus de temps. Des mesures appropriées doivent être prises qui vont de pair avec l’intérêt du pays et du peuple tunisien en appliquant les mesures nécessaires qui sont conformes aux circonstances de la situation économique, financière et sociale de la Tunisie. Elle ne doit pas reposer sur une économie de rente basée sur la protection et l’exploitation de privilèges, de faveurs ou d’opportunités commerciales à l’abri de la concurrence et de l’efficacité économique.