Lors d’une conférence organisée le 24 octobre par le groupe d’intérim Randstad, plusieurs acteurs du monde du travail se sont interrogés sur l’agilité du système de la formation professionnelle pour accompagner les reconversions des actifs.
Comment « fluidifier » le marché du travail ? Objet d’une table ronde animée par le groupe intérimaire de Randstad le lundi 24 octobre, cette question a gagné en urgence en raison de la pénurie de recrutement. Voir l’article : Finegan, le groupe de conseil indépendant français se réinvente. Certains acteurs du monde du travail s’interrogent sur les réponses apportées par les employeurs et les pouvoirs publics, malgré les budgets investis dans la formation professionnelle.
« Il faut favoriser les reconversions, les simplifier, trouver des financements, pas forcément plus, mais peut-être les rediriger », a déclaré l’ancienne ministre du travail Myriam El Khomri. Aujourd’hui directrice du conseil chez Siaci Saint-Honoré, groupe de conseil et de courtage en assurances qui accompagne les entreprises dans la gestion de l’emploi et la prévention des risques professionnels, elle constate que tous les travailleurs qui souhaitent se former pour changer de métier ne le font pas, notamment par manque de financement disponible. « Ce n’est pas un ‘open bar’ comme dans l’alternance », souligne-t-il. Pour Myriam El Khomri, il est important que les personnes de plus de 30 ans puissent également bénéficier d’une formation en cours d’emploi, similaire au modèle de l’alternance travail-études.
Des enveloppes limitées pour reconvertir les salariés
Or, les dispositifs destinés à acquérir des certifications comme « Pro-A », ou « promotion par alternance », disposent, selon l’ancien ministre, d’enveloppes limitées. En 2022, seules 5 054 formations ont été financées, pour un montant de 69,6 millions d’euros, selon le budget jaune annexé au PLF 2023. Ceci pourrez vous intéresser : Plus de 4 millions de maisons risquent de subir les effets de la sécheresse dans les Hauts-de-France. Réservée aux travailleurs peu qualifiés en CDI, CDD ou contrat d’insertion, la Pro A – dont l’intérêt est prendre en charge la formation et la rémunération pendant la période de stage – n’est pas toujours financée par les branches professionnelles, observe Myriam El Khomri.
En charge du financement des formations dans le secteur social et médico-social, l’Opco santé a par exemple été attaquée par des employeurs qui veulent accompagner leurs salariés dans l’acquisition de diplômes d’accompagnement scolaire et social ou d’assistant. L’opérateur de compétences a en effet reçu des budgets du plan de relance… « Depuis le 5 octobre, on nous dit que l’enveloppe pour cette année est épuisée », illustre l’auteur d’un rapport sur les métiers des seniors en 2019.
Quant aux « projets de transition professionnelle », un dispositif qui fonctionne sur le même principe à la demande de tout salarié en poste, environ 20.000 ont été réalisés en 2021, selon le budget jaune annexé au PLF 2023.
L’échec du dispositif « Transitions collectives »
Face aux changements structurels comme le vieillissement de la population ou la transition écologique qui vont créer mais aussi détruire de nombreux emplois, « il va falloir être extrêmement mobiles et réactifs avec des systèmes qui permettent d’allouer des ressources, de faire face à des situations notamment locales, peut-être plus et mieux que ce que nous faisons aujourd’hui », reconnaît également Patrick Martin, vice-président du Medef. A voir aussi : Réforme du courtage : l’ANCDGP va prendre le relais du Conseil d’État.
Pour organiser les reconversions, Elisabeth Borne avait lancé, lorsqu’elle était ministre du Travail, le dispositif « transitions collectives ». Son objectif : permettre aux salariés des secteurs en difficulté encore en poste, d’être formés et rémunérés, de rejoindre des entreprises des secteurs plus porteurs, sans passer par la case Pôle emploi et avec la possibilité de revenir dans votre entreprise. Problème : « Transco » ne trouve pas d’acheteur (lire notre article du 10 février 2022). « Par expérience, on s’est rendu compte que de très grands groupes avaient du mal à mettre en place ce dispositif », reconnaît Patrick Martin, qui appelle à « moins penser en termes de m², de terrains de chasse privés, de préservation des outils »…
« Transco n’a pas atteint les objectifs que nous avions imaginés », reconnaît le ministre du Travail Olivier Dussopt, qui a ouvert la matinée de réflexion lundi 24 octobre. Une dotation de 50 M€ d’engagements d’autorisation et de 20 M€ de crédits de paiement est prévue dans le PLF 2023 pour financer ce dispositif auquel le gouvernement croit toujours.
France Travail : le directeur général de Pôle emploi appelle à dépasser le « statu quo »
Consacrée aux différents moyens d’atteindre le plein emploi, la matinée de réflexion organisée par Randstad a été l’occasion d’échanger sur les leviers d’action au service des demandeurs d’emploi. « Si on veut fluidifier le marché du travail, il faut agir sur plusieurs dossiers en même temps : […] assurance chômage, freins périphériques […], logement, santé, garde d’enfants », a souligné le directeur général du Pôle emploi., Jean Bassères. Dans le but d’améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi, le projet France Travail doit, selon lui, permettre « d’aborder ces questions ensemble, en oubliant les vieilles querelles, les pré-carrés et les logiques de pouvoir ». « On sait très bien que France Travail ne sera pas le grand retournement, les grandes fusions […], mais il ne faut pas que ce soit le statu quo, car nous avons des besoins. Si nous n’y parvenons pas, nous serons loin derrière », a-t-il prévenu.