De nombreux patients québécois découragés par l’attente dans le réseau public et la lourde facture du secteur privé se font opérer pour une fraction du prix dans un autre pays, à leurs risques et périls, et souvent sans suivi après l’opération.
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Chirurgie bariatrique, correction de la vue, chirurgie orthopédique, soins esthétiques : les Québécois sont prêts à parcourir des milliers de kilomètres pour se faire soigner rapidement et à moindre coût.
«On a un super bon système au Québec, mais on n’y a pas accès. […] Je n’ai pas eu la patience d’attendre cinq ans», raconte Marie-Eve Lejour, qui a subi une chirurgie bariatrique au Mexique l’an dernier. .
Alors que de nombreux Québécois reviennent avec une expérience positive, les risques de complications (infections, saignements, etc.) sont réels et les histoires d’horreur sont nombreuses. Les médecins mettent en garde les patients contre ces offres alléchantes mais risquées (voir texte ci-contre).
Depuis le 28 mars, un Québécois de 38 ans qui a subi une chirurgie bariatrique en Turquie est dans le coma.
Après deux ans de pandémie, l’attente pour une chirurgie bariatrique ou orthopédique dans le réseau public est révolue et peut prendre des années, ce qui est très décourageant.
Les patients s’arrangent directement avec les cliniques à l’étranger, mais les agences de voyages québécoises organisent aussi du tourisme médical dans des pays où les coûts sont moins élevés qu’au Canada (Turquie, Cuba, Tunisie).
Le voyage est même parfois agrémenté de journées de tourisme préopératoire, et les clients reviennent après l’opération. De nombreux patients ne souscrivent pas d’assurance voyage spécifique pour les soins médicaux, a constaté Le Journal, une option risquée qui peut être coûteuse.
L’agence Québec Nomades Médical envoie 40 Québécois par mois en Turquie dans un hôpital privé pour toutes sortes d’opérations (50% sont des chirurgies bariatriques). Dans la grande majorité des cas, nous nous assurons que tout s’est bien passé.
« C’est clé en main de A à Z », précise Philippe Gervais, qui vit en Turquie et accompagne les patients durant leur séjour. Nous avons eu peu de cas d’infections, et nous avons gardé les patients plus longtemps à nos frais. »
« Nous choisissons nos patients, nous ne disons pas simplement oui à tout le monde », dit-il, en veillant à travailler avec des médecins experts dans leur domaine.
Évidemment, le prix est un facteur convaincant pour partir à l’étranger. La chirurgie bariatrique en Turquie coûte moins de 9 000 dollars (voyage compris) et plus de 20 000 dollars ici.
Appelé à réagir, le président de l’Association des agents de voyages du Québec, Moscow Côté, a répondu que « la partie médicale n’a rien à voir avec le permis d’agent de voyages ». Cependant, les agences vendent des chirurgies avec une telle autorisation.
Il ne sait pas combien de membres utilisent cette pratique parallèle et refuse de la commenter.
EXEMPLES DE CHIRURGIES OFFERTES PAR LES AGENCES DE VOYAGE DU QUÉBEC
Source : sites des agences de voyages
Des chirurgies risquées sans aucun suivi
Les complications postopératoires sont fréquentes après une chirurgie à l’étranger et les patients doivent alors être traités dans le réseau public québécois, déplorent les médecins. Lire aussi : Pour le bien-être, la détente ou le soulagement de la douleur… le boom du CBD conquiert la France.
« Les gens doivent comprendre qu’ils ne savent pas à qui ils ont affaire. Qui assumera les complications s’il y en a? Ils auront besoin du réseau qu’ils voulaient « faire vivre », souligne le Dr Jean-François Joncas, président de l’Association des orthopédistes du Québec.
« Vous ne pouvez pas obtenir l’équivalent à prix réduit ailleurs », dit-il.
Selon un chirurgien spécialisé en chirurgie bariatrique, le désespoir des patients les pousse à prendre de mauvaises décisions.
« Les gens ne sont pas contents, ils ne voient pas la lumière au bout du tunnel. Tout ce qu’ils voient, c’est de la chirurgie, et quelqu’un les a aveuglés que peu importe les critères, il leur proposait la chirurgie », raconte la Dre Annie Lafortune, de l’Institut de cardiologie et de pneumologie de l’Université du Québec.
Ce dernier insiste sur l’importance du suivi après l’opération, qui n’est pas proposé avec le tourisme médical.
Du côté de l’Association des microbiologistes infectiologues du Québec, on voit plusieurs histoires d’horreur d’infections ou de saignements après des chirurgies à l’étranger.
La stérilisation est aussi souvent déficiente.
« C’est un gros risque que courent les gens », déclare son président, le Dr Karl Weiss. Lorsque vous devez retirer les implants, cela crée beaucoup de problèmes. On ne sait pas vraiment comment c’est arrivé. »
De plus, ces spécialistes soulignent que prendre l’avion quelques jours après l’opération est dangereux, notamment pour les phlébites.
« C’est imprudent et imprudent de la part du chirurgien, s’insurge le Dr Lafortune, soulignant que les complications surviennent généralement 7 à 10 jours plus tard. Ici, les gens leur disent de ne pas partir en voyage dans trois mois. »
Les médecins soulignent également que la qualité des normes médicales canadiennes n’est pas égale dans les pays qui offrent le tourisme médical.
« Les gens ne se rendent pas compte de la qualité que nous avons ici. Le problème c’est l’attente. Mais, une fois qu’on prend soin de soi, c’est le mieux », explique le Dr Joncas.
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